AVICULTURE
Alimentation des volailles : les insectes, une matière première riche en protéines

Amandine Priolet
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AVICULTURE / Des produits à base d’insectes pour l’alimentation des volailles ? Riches en protéines, ceux-ci pourraient être une bonne alternative au tourteau de soja, critiqué pour son impact considérable sur l’environnement. Mais le pas semble encore difficile à franchir.

Alimentation des volailles : les insectes, une matière première riche en protéines
Les produits d’alimentation à base d’insectes pour les volailles pourraient être une alternative au tourteau de soja.

Jusqu’à maintenant, l’alimentation des volailles est composée de tourteau de soja, à forte valeur nutritionnelle, pour répondre à leurs besoins élevés en protéines. Seulement, « l’Union européenne dépend fortement de l’importation de matières premières riches en protéines. L’autonomie protéique de la filière volaille en France est d’environ 40 % », annonce Eva Pampouille, ingénieure et responsable Alimentation à l’Itavi (organisme de recherche appliquée en filières avicole, cunicole et piscicole). Alors que les préoccupations ne cessent de croître au sujet du soja importé principalement d’Amérique du Sud, avec toutes les problématiques qui en découlent (déforestation, OGM, problèmes de santé humaine, etc.), la filière a un réel besoin de nouvelles matières premières riches en protéines locales et innovantes.
Dans ce contexte, les insectes pourraient être une bonne alternative. « Les insectes sont des éléments naturels du régime alimentaire des oiseaux », souligne Eva Pampouille. « Ils peuvent donc être prometteurs sur différents aspects et rivaliser avec le tourteau de soja, notamment du fait de leur teneur en protéines qui varie considérablement entre 40 et 82 % de matières sèches ». L’aspect nutritionnel, avec leur forte teneur en protéines et leur profil en acides aminés essentiels, pourrait ainsi contribuer à améliorer l’autonomie protéique de la filière et notamment réduire l’importation de soja.

Un effet sur le bien-être animal ?

« La digestibilité des protéines et des acides aminés des farines d’insectes est élevée, généralement supérieure à 70 %, donc proche de celle du tourteau de soja », poursuit-elle. Par ailleurs, les insectes sont très riches en composés antimicrobiens et peuvent contribuer à réduire l’usage des antibiotiques, à renforcer les défenses naturelles des animaux et avoir des effets positifs sur leur microbiote. « Au niveau du bien-être animal, les insectes contribuent à exprimer des comportements naturels des volailles, notamment dans l’utilisation de larves vivantes ». Enfin, d’un point de vue environnemental, la réduction de la consommation des ressources, la valorisation des déchets organiques et l’alternative au soja permettent d’entrer dans une économie circulaire.

Il s’avère donc que la substitution partielle ou totale du soja par des produits à base d’insectes n’a pas d’impact sur les performances des volailles de chair ou des poules pondeuses. « On observe parfois même une amélioration du poids vif ainsi qu’une amélioration de l’efficacité alimentaire », prévient Eva Pampouille. Dans ce contexte, le marché est en plein essor : « Il y a une très forte croissance de l’élevage d’insectes destinés à l’alimentation animale et humaine, mais la production reste encore toutefois faible ». Actuellement en Europe, plus de 6 000 tonnes de protéines d’insectes sont produites par an. L’IPIFF (International Platform of Insects for Food & Feed’) envisage une production autour de 3 millions de tonnes d’ici 2030.

Des prix peu compétitifs

A ce titre, une dizaine de start-up ont vu le jour depuis 4 à 5 ans en France pour s’emparer de ce sujet. Plusieurs espèces d’insectes sont testées en alimentation animale, mais deux d’entre elles sortent du lot et sont produites en France : la mouche soldat noir et le ver de farine. « Les marchés sont assez diversifiés avec plusieurs produits : larves entières vivantes déshydratées ou dégraissées, farines d’insectes, huile ou graisse d’insectes, etc. », ajoute l’ingénieure de l’Itavi. Toutefois, ces marchés sont contraints par la réglementation européenne. L’alimentation des volailles est limitée aux insectes vivants et à l’huile d’insectes. Les concentrés protéiques, considérés comme des protéines animales transformées, ne sont actuellement pas autorisés dans l’alimentation des volailles, contrairement à l’aquaculture ou à la « petfood ». Enfin, les substrats, servant à nourrir les larves sont également soumis à réglementation. « Des groupes de travail sont en discussion avec l’Union européenne afin de faire évoluer cette réglementation, avec l’objectif de faire autoriser les protéines d’insectes dans l’alimentation des animaux monogastriques. »

Pour l’heure, l’intérêt des produits à base d’insectes fait encore débat : l’apport nutritionnel, en termes de protéines, ne sera pas suffisant par rapport au coût engendré. Alors que le projet Casdar Vocalim avait estimé l’an dernier une production française de 5 000 tonnes de farines d’insectes disponible pour l’alimentation animale à l’horizon 2023 (hors « petfood » et aquaculture), le prix serait de 31 points de protéines pour les insectes, contre 8 points de protéines pour le tourteau de soja OGM. « Ces produits ne sont, pour l’instant, pas compétitifs dans la filière volailles. Pour autant, les insectes sont des sources de composés précieux capables d’exercer des effets positifs sur le système immunitaire de l’animal », conclut Eva Pampouille. 

Amandine Priolet 

Eva Pampouille, ingénieure à l’Itavi

Eva Pampouille, ingénieure à l’Itavi