ÉLEVAGE BOVIN
« Avancer collectivement » contre la Besnoitiose

Anaïs Lévêque
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ÉLEVAGE BOVIN / La Besnoitiose est une maladie émergente en France. Des actions collectives de dépistage et d'assainissement sont mises en œuvre avec le Groupement de défense sanitaire (GDS) sur certains secteurs ardéchois. Depuis l'automne 2020, près de 130 éleveurs du Haut plateau ardéchois sont engagés dans cette démarche.

« Avancer collectivement » contre la Besnoitiose
Alain et Xavier Ranc, du Gaec Ax à Lareyrune, s'organisent depuis 2016 pour leurs troupeaux allaitant et laitier soient sains.

Sur la campagne 2019-2020, près de 70 exploitations bovines du Coiron participent à une action collective de dépistage de la Besnoitiose et d'assainissement des troupeaux. Au total, 3 777 bovins ont été dépistés à cette occasion. Plusieurs soirées d'échanges ont été organisées par le Groupement de défense sanitaire (GDS) de l'Ardèche pour réunir les éleveurs, leur permettre d'échanger entre eux sur la conduite de leur troupeau, la gestion des lots et du pâturage. Ces rendez-vous sont incontournables pour éviter les contagions entre élevages lorsque des cas positifs ont été détectés et assainir par zones, indique Margot Brie, conseillère en santé animale au GDS de l'Ardèche. « Globalement, les éleveurs sont bien investis et très présents dans ces actions collectives, pour une maladie de catégorie 3 qui ne fait l'objet d'aucun arrêté ministériel et qui est donc soumise à une gestion volontaire. » Les réunions organisées par le GDS sont aussi essentielles pour cultiver un esprit collectif de lutte contre cette maladie. Sur le Coiron, les efforts se poursuivront ainsi sur les années à venir.

De premiers dépistages réalisés

Depuis le milieu de l'automne 2020, une nouvelle action collective de lutte contre la Besnoitiose est lancée sur le secteur du Haut plateau ardéchois. Elle se poursuivra durant toute l'année 2021. Là aussi, l'objectif est de dépister un maximum d'élevages et assainir par zones. Une saison propice car les éleveurs réalisent la prophylaxie de leur troupeau à cette période de l'année et disposent de leurs animaux à portée de main.

Sur 190 éleveurs du Haut plateau contactés par le GDS pour participer à cette opération, près de 130 éleveurs ont répondu présents ! Ils se sont engagés à dépister leur cheptel et à suivre un plan d'assainissement en cas de résultats positifs à la Besnoitiose. De premiers dépistages ont été réalisés dès le début du mois d’octobre. « Parmi les éleveurs contactés mais qui ont décidé de ne pas participer pas à cette action collective, certains d'entre eux ont récemment dépisté leurs animaux durant trois années successives et s'étaient donc assainis. D'autres encore sont des éleveurs mixtes donc contrôlés 2 fois / an sur le lait de grand mélange. Ce dépistage sur le lait est d'ailleurs réalisé sur l'ensemble du département », indique Margot Brie.

Des pertes importantes sur l'exploitation

À Laveyrune, Xavier Ranc et son père Alain (Gaec Ax Ranc) s'organisent depuis 2016 pour que leurs troupeaux allaitant et laitier soient sains, après avoir perdu des broutards et des génisses atteints par cette maladie. « Quand nous avons découvert la toute première génisse malade, fiévreuse, on a décidé avec le vétérinaire de la mettre avec les laitières pour mieux suivre son état. Nous ne connaissions rien de la Besnoitiose... Quand nous avons compris, il était trop tard, elle avait déclaré la maladie et contaminé le troupeau laitier », explique Xavier Ranc qui n'était pas encore installé à ce moment-là. « Une laitière positive, c'est une grande chute de production et un traitement couteux, donc des pertes importantes sur l'exploitation. »

À la suite de rencontres avec le GDS, ils commencent à dépister et assainir leur cheptel. Lors d'un dépistage réalisé en décembre 2018, ils découvrent que 30 % de leurs bovins sont positifs à la Besnoitiose. « C'était compliqué car cela tombait au moment de mon installation et on augmentait le troupeau. Nous avons fait de la gestion par lots pour répartir les coûts d’assainissement. C'est assez simple en allaitant, mais c'est quasiment impossible en laitière. Il nous reste quelques vaches positives qui partiront d'ici la fin de l'hiver. Je pense que nous serons bientôt assainis malgré tout, les résultats d'analyses en fin d'hiver 2022 nous le diront mais j'ai bon espoir ! », ajoute Xavier Ranc. 

Garder le contrôle sur son troupeau

À Saint-Étienne-de-Lugdarès, Alain Benoit s’engage, lui aussi, depuis plusieurs années dans la lutte contre la Besnoitiose. Installé en Gaec avec son père Gilles et son frère Marc, ils élèvent 100 vaches allaitantes de race Aubrac inscrites au Herd book. « Nous n’avons pas été trop embêtés par cette maladie jusqu’ici. Je pense que nous avons dépisté et suivi les actions du GDS assez tôt pour ne pas être trop impacté. Depuis 5 ans, nous continuons chaque année de dépister notre troupeau et de participer aux actions collectives du GDS de manière préventive car nous vendons pas mal d’animaux reproducteurs pour l’élevage. Nous nous devons d’avoir des animaux sains », explique l'éleveur.

Il poursuit : « La première année, nous n’avions que 3 animaux positifs mais ils n’étaient pas malades. Les élevages mitoyens peuvent se transmettre la maladie mais c’est surtout au sein d’un même cheptel que la maladie peut progresser dangereusement. Quand on garde le contrôle sur l’état de santé de son troupeau, la Besnoitiose ne se développe pas trop vite, d’où l’intérêt de s’y prendre assez tôt ! »

« Une préoccupation nationale »

« Nous avons une zone relativement assainie aujourd'hui mais il est important d’avancer collectivement, que tous les éleveurs participent à ces dépistages », indique Alain Benoit. En Ardèche, le Kit Intro mis en place depuis 2012 est obligatoire depuis octobre 2020. Il induit le dépistage de la Besnoitiose, ce qui permet de prévenir l'état sanitaire des animaux entrants sur une exploitation. Mais les zones frontalières, comme c'est le cas sur le Haut plateau avec la Lozère, posent soucis aux éleveurs. « Nous avons des voisins qui mettent leur troupeau en estive ici et nous ne sommes pas sûrs que les animaux soient sains. Rien n'est fait dans leur département pour lutter contre cette maladie. Il faudrait que ce soit une préoccupation nationale, que tout le monde s'y mette en même temps », ajoute Xavier Ranc. C'est en ce sens que les GDS de l'Ardèche, la la Lozère et de la Haute-Loire se rencontreront courant janvier 2021 afin de décider de mesures sanitaires communes devant être mises en place dans les trois départements !

Anaïs Lévêque

Image Gaec Benoit
De gauche à droite : Gilles, Alain et Marc Benoit, du Gaec Benoit à Saint-Etienne-de-Lugdarès, élèvent une troupeau de 100 vaches allaitantes de race Aubrac inscrites au Herd book. Depuis 5 ans, ils dépistent chaque année la Besnoitiose sur leur troupeau.
NOTEZ-LE / La Besnoitiose bovine
La maladie provoque notamment des troubles cutanés (perte de poils, épaississement cutané, crevasses) chez les bovins. Crédit photo : GDS 07

NOTEZ-LE / La Besnoitiose bovine

La Besnoitiose bovine est une maladie qui peut toucher tous les bovins, quelle que soit leur race. Elle est due au parasite Besnoitia besnoiti de la famille des coccidies et se transmet de bovin infecté à bovin sain via des piqures d'insectes ou par l'utilisation d'une aiguille servant à piquer plusieurs animaux.

L’infection par ce parasite conduit le plus souvent à une forme asymptomatique mais des signes cliniques peuvent apparaître pour une petite proportion de sujets atteints. Communément appelée la « maladie de la peau d'éléphant », la Besnoitiose provoque des troubles cutanés, une peau épaissie, craquelée par endroit et sèche, mais peut aussi entraîner la mort des bovins. Elle se décline en trois stades : l'hyperthermie (fièvre, écoulement nasal et oculaire, crainte de la lumière), le développement d'œdèmes (sur les paupières, mamelles, testicules, fanon) entraînant une démarche raide et douloureuse de l'animal, puis des troubles cutanés (perte de poils, épaississement cutané, crevasses) et des kystes dans les tissus cutanés et sous-cutanés (parfois visibles sur le blanc de l'œil).

Aucun vaccin ni traitement n'existent pour soigner cette maladie. Face à un cas positif, il faut éliminer au plus vite l'animal porteur pour limiter la propagation sur le troupeau. En Ardèche et avec le soutien du GDS, les éleveurs peuvent bénéficier d'aides financières dans le cadre d'un assainissement pour renouveler leur troupeau.

La détection des bovins considérés comme fort contaminateurs est possible par une analyse PCR temps réel sur une biopsie cutanée effectuée à la base de la queue de l'animal. Excepté sur les zones endémiques, la Besnoitiose est le plus souvent due à un animal acheté, porteur et introduit dans une troupeau indemne. C'est donc une maladie importante à dépister à l’achat.

La Besnoitiose bovine peut toucher tous les bovins, quelque soit leur race.

La Besnoitiose bovine  peut toucher tous les bovins, quelque soit leur race.