VITICULTURE
Les slips, un bon indicateur de la vie biologique des sols ?

Mylène Coste
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VITICULTURE / Les vignerons du groupe dephy des côtes du rhône septentrionales se sont prêtés à un exercice culotté : celui d’enfouir des slips sous terre durant quatre mois dans plusieurs parcelles, pour apprécier la vie biologique des sols. Et les résultats apportent leur lot de surprises…

Les slips, un bon indicateur de la vie biologique des sols ?
L'expérimentation menée par le groupe dephy des côtes du rhône septentrionales a montre que la dégradation des slips n'est pas à elle seule un bon indicateur de la qualité biologique des sols.

C’est une expérience ludique et facile à réaliser : le test du slip, qui consiste à enterrer un slip en coton bio pendant plusieurs mois. Une fois exhumés, leur état de dégradation permet d’apprécier l’activité biologique des sols. Une dizaine de viticulteurs du groupe dephy des côtes du rhône septentrionales se sont prêtés au jeu, sous la houlette d’Amandine Fauriat, conseillère Viticulture - côtes du rhône septentrionales à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. Les résultats sont éclectiques, du slip entièrement dégradé au sous-vêtement quasi intact !

Parmi ces résultats, deux ont retenu notre attention puisqu’ils reflètent deux dégradations opposées pour des structures de sol pourtant similaires : celui d’Olivier Clape, qui a enterré un slip dans une parcelle en forte pente exposée Est à Cornas, et celui de Denis Duclaut, qui a opté pour une parcelle peu pentue à Sarras, exposée Sud-Ouest. Des différences sont à noter : les vignes d’Olivier Clape (syrah) ont 60 ans et sont travaillées au treuil depuis 10 ans avec un mode de conduite raisonnée et un apport de matière organique végétale. De l’autre côté, celles de Denis Duclaut ont trois ans, et ce dernier désherbe sous le rang tout en maintenant un enherbement naturel dans l’inter-rang et en apportant du fumier. Dans les deux cas, nous sommes en présence de sols granitique et sableux (environ 75% de sable) avec un PH assez similaire. Et pourtant, si le slip du Domaine Clape est ressorti presque intact (55 g contre 60 g lors de l’enfouissement), celui du Gaec de la Sorbière, fortement dégradé, ne pesait plus que 31 g.

Gare aux interprétations faciles !

Avec des structures de sols plutôt semblables, comment expliquer cet écart de résultats ? D’emblée, on est tenté d’imputer le peu de dégradation d’un slip à un sol « sans vie », à l’activité biologique peu intense. Attention, pourtant, aux raccourcis ! Cette hypothèse, dans le cas présent, a été démentie.

Des échantillons de terre des deux parcelles en question ont en effet été analysés en laboratoire. Premier constat : la parcelle de Cornas, en dépit de son slip peu dégradé, présente un taux de matière organique (MO) de 1,9 % très satisfaisant (contre 1,2 % à Sarras). Si l’on pousse l’analyse un peu plus loin, on observe un bon taux de MO libres (MO facilement accessibles aux microorganismes du sol) et une teneur en MO liées (qui jouent sur la structure et la stabilité des sols) satisfaisante, bien qu’un peu moindre. On constate un rapport carbone/azote (C/N) également satisfaisant et un bon indice de minéralisation du sol. Autant de résultats qui témoignent d’une activité biologique et microbienne importante, en présence d’une biomasse satisfaisante et d’un sol bien vivant ! 

La parcelle de Sarras, où la dégradation du slip a bien fonctionné, présente elle-aussi de bons résultats en matière de biomasse et d’activité microbienne. Dans les deux cas, le « test de la moutarde » (lire encadré) signale une présence importante de vers de terre, confirmant cette intensité d’activité biologique : on en compte 25/m2 chez Olivier Clape, 91/m2 chez Denis Duclaut! Son taux de minéralisation (C/N), plus fort que sur la parcelle de Cornas, ne suffit pas à justifier la différence de dégradation.

Un effet climat et humidité sur les slips ?

Comment alors, analyser ces différences de dégradation ? Il nous faut nous tourner vers d’autres facteurs. On peut imaginer un effet du relief : la parcelle de Cornas, en très forte pente et orientée est, semble beaucoup plus séchante que celle de Sarras, très peu pentue. On peut ainsi supposer que la présence ou non d’eau dans le sol ait eu un fort impact sur la dégradabilité des slips. Par ailleurs, aux différences d’exposition (est / ouest) s’ajoute un écart d’altitude de 200 m (150 m à Sarras contre 350 m à Cornas), à ne pas négliger. 

Par ailleurs, l’apport de fumier sur la parcelle de Denis Guerin, ainsi que l’enherbement, semblent avoir favorisé une activité microbienne un peu plus élevée que sur celle d’Olivier Clape.

Conclusion : pas de panique ! Un slip non-dégradé ne veut pas dire que le sol n’est pas vivant ! Les résultats obtenus montrent que la dégradation des slips n’est pas un bon indicateur de la qualité biologique des sols, du moins dans notre cas. Une étude menée dans l’Hérault aboutit à une conclusion similaire. 

Mylène Coste

Le slip de Denis Duclaut, enterré à Sarras durant plus de trois mois

Le slip de Denis Duclaut, enterré à Sarras durant plus de trois mois
Le slip de Denis Duclaut (Sarras)

Le slip d'Olivier Clape (Cornas)

Le slip d'Olivier Clape (Cornas)
Le slip d'Olivier Clape (Cornas)

Le test de la moutarde

VERS DE TERRE / La molécule irritante contenue dans la moutarde permet de faire remonter en surface les vers de terre présents dans le sol afin de les compter.

Pour réaliser le test de la moutarde, il suffit d’en diluer dans de l’eau et d’arroser 1m2 de terre afin de récolter les vers remontés en surface. L’exercice est à reproduire trois fois avec un espacement de 30 min. Cette méthode, notamment efficace sur sol sableux, est à réaliser idéalement entre février et avril (sols assez chauds et humides). Elle peut être complétée par un test à la bêche (qui consiste à casser et déliter une motte pour en retirer les vers). Attention toutefois, l’absence de vers ne signifie pas que l’activité biologique est absente. Ces tests doivent toujours être mis en balance avec d’autres indicateurs. 

Préparer son test du slip

EN PRATIQUE /

« Idéalement, le test du slip est à réaliser à l’automne ou au printemps pour bénéficier des meilleures conditions climatiques, avec des sols encore chauds et de l’humidité, indique Amandine Fauriat. Il convient d’enterrer les slips à 15 cm sous terre, sous le rang ou dans l’inter-rang, ou bien les deux pour procéder à une comparaison. L’idéal est de les laisser sous terre au moins trois mois. »