EAU
Le Varenne pourrait influencer l'application des Sdage

Les Sdage des principaux bassins ont été publiés au Journal officiel la semaine du 4 avril. Sans présenter de réorientation majeure, certains marquent des durcissements sur la protection de la qualité ou les volumes prélevables, dans la lignée des Assises de l'eau de 2019. Mais les textes d'application issus du Varenne, espère l'Apca, pourraient encore faire bouger les lignes sur le second volet.

Le Varenne pourrait influencer l'application des Sdage
Luc Servant, vice-président de l'Apca (Chambres d'agriculture) en charge du dossier irrigation. ©APCA

Le Varenne n'a pas remis en cause la validation des Sdage, mais il pourrait s'immiscer dans leur application. Résultat des Assises de l'eau, d'un état des lieux détaillé mené depuis 2019 dans chaque bassin, et de longues négociations, les nouveaux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ont été publiés la semaine du 4 avril pour l'ensemble des bassins. Ils s'appliqueront sur une période de cinq ans. Seine-Normandie, Adour-Garonne, Rhône Méditerranée, Loire-Bretagne, Artois-Picardie, Rhin-Meuse : pour Luc Servant, vice-président de l'Apca (Chambres d'agriculture) en charge du dossier irrigation, « il s'agit plus d'une révision que d'une réécriture ». Dans l'ensemble, les documents s'inscrivent bien dans l'esprit des Assises de l'eau : réduction des prélèvements à l'étiage, protection renforcée des nappes et captages, mise en œuvre des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), et intégration de l'enjeu de l'eau dans les aménagements. Dans le détail, cependant, certains bassins se sont montrés plus ambitieux que d'autres. En Loire-Bretagne, une nouveauté a par exemple été introduite sur les nitrates : une valeur guide de 18 mg/l pour l'ensemble du bassin. « Ce n'est pas un objectif réglementaire, mais un indicateur pour amener tous les territoires à s'interroger. L'eutrophisation relève de la responsabilité de l'ensemble du bassin », détaille Alain Sappey, chef du service planification, ressource qualité et quantité et milieu aquatique au sein de l'agence de l'eau Loire-Bretagne.

Des mesures à l'encontre du Varenne

Autre innovation dans ce même bassin : la notion d'espaces périphériques des zones humides, qui pourraient eux aussi être concernés par des mesures de protection. « C'est une notion qui interroge car elle n'est pas définie réglementairement », relève Luc Servant à l'Apca. De manière générale, regrette-t-il, l'ensemble des Sdage envisagent d'ailleurs ce type de durcissement « sans prendre en compte la question économique ». Un volet qui, juge-t-il, n'avait pas été abordé par les Assises de l'eau, pilotées par le ministère de la Transition écologique. Mais le Varenne de l'eau et de l'adaptation, conduit cette fois par le ministère de l'Agriculture, est venu perturber l'équilibre politique trouvé en 2019. Arrivées « sans doute trop tard », selon Luc Servant, les conclusions de cette deuxième séquence du quinquennat autour de l'eau ont été prises en compte de manière très diverses par les Sdage. Certains vont même, selon l'Apca, dans le sens inverse des ouvertures du Varenne. Alors que le Varenne espère ouvrir la possibilité de prélèvements hivernaux, le Sdage du bassin Seine-Normandie prévoit par exemple de limiter les volumes de substitution (retenues d'eau et réutilisations) « à hauteur de 80 % du volume antérieurement prélevé ». Une disposition qui avait été envisagée en Loire-Bretagne, avant d'être retirée.

D'autres bassins, « plus habitués à la gestion quantitative », selon Luc Servant, se seraient montrés plus compréhensifs avec le secteur agricole. La révision à la hausse des objectifs de débit d'étiage dans le bassin Adour-Garonne, par exemple, sera envisagée dans la durée du Sdage en fonction des résultats d'études plus précises. Quant au bassin Rhône Méditerranée, « qui gère depuis longtemps la question du stockage dans les Alpes », « il n'y a pas eu de nouvelle mesure très forte », estime Luc Servant.

Les décrets s'imposeront aux Sdage

Les Sdage du Nord, Artois-Picardie et Rhin-Meuse, montrent également selon Luc Servant, les enjeux qui se profilent dans ces régions où l'irrigation se développe. « Les volumes prélevables ne sont pas encore définis partout, mais les Sdage proposent déjà de restreindre les prélèvements. C'est dans ces régions qu'il faut accélérer la mise en place des PTGE », estime le vice-président de l'APCA.

Alors que le ministère de la Transition avait indiqué que les conclusions du Varenne ne remettaient pas en cause le processus de validation des Sdage, les textes d'application pourraient toutefois s'immiscer dans leur application. Comme le rappelle Luc Servant, plusieurs textes sont attendus prochainement sur les volumes prélevables hors étiage, la possibilité accordée aux préfets de reprendre la main sur les concertations, ou encore la révision de l'instruction sur les PTGE. Autant de textes qui, selon Luc Servant, « s'imposeront aux Sdage ». Au sein de l'agence Loire-Bretagne, Alain Sappey estime que le Varenne ne remettra pas profondément en cause les schémas directeurs, à condition de bien prendre en compte l'ensemble des thèmes abordés. « Le Varenne ouvre la possibilité de mobiliser la ressource hivernale, mais il encourage aussi à travailler sur la transition des pratiques agricoles. Le Sdage s'inscrit bien dans cette articulation. »

I.L.