PATRIMOINE
100 ans !

Anaïs Lévêque
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HOMMAGE / À l’occasion du centenaire de la naissance de Raoul Galataud, l’Avenir Agricole de l'Ardèche retrace l'itinéraire d'un grand nom de l’histoire de la Résistance en Ardèche.

100 ans !
Raoul Galataud, en 1942. (Cliché R. Galataud - Musée de la Résistance)

Fils d’un ouvrier-maçon, Raoul Galataud est né à Saint-Vaury en Creuse le 2 mai 1920. Apprenti-typographe à l’âge de 13 ans et ouvrier agricole à Saint-Eloi, il adhère au Parti communiste en 1936, participe à la conférence des jeunes paysans à Paris en 1937 et rejoint la direction nationale de l’Union des Jeunesses agricoles de France (la troisième organisation de la Fédération des Jeunes communistes). Lors de l'entrée en guerre en 1939, il fait partie des « ennemis intérieurs » du gouvernement Daladier, tous classés dans « l’anti-France » du Maréchal Pétain en 1940.

Imprimeries clandestines

Recherché par la gendarmerie dès 1938, il entre dans la clandestinité et trouve une couverture avec un emploi de représentant en caractères d'imprimerie. À la demande du Parti communiste, il transite du matériel et installer des imprimeries clandestines dans différentes régions entre mars 1941 et février 1943. Au cours de l’un de ses voyages, en août 1942, Raoul Galataud croisera par hasard à la gare de Tournon-sur-Rhône un camarade communiste creusois, Marcel Dumont qui a été « déplacé d’office » en Ardèche par l’administration du régime de Vichy. Cette rencontre est décisive pour sa venue ultérieure dans le département.

Organisation des maquis et des FTPF en Ardèche

En février 1943, il arrive en Ardèche, aidé par Marcel Dumont, afin d'y former des groupes de partisans. Il y développe les premiers groupes de Francs tireurs et partisans français (FTPF) et organise les premières implantations de maquis. Quelques mois plus tard, en octobre, il devient commissaire aux effectifs de la 7101e compagnie FTPF. Parmi les actions menées par cette compagnie, les attentats à l’explosif artisanal contre la ligne ferroviaire Lyon-Nîmes et de nombreuses actions d’intimidation contre les éléments vichystes dans la région de Tournon-sur-Rhône et de Lamastre.

Raoul Galataud développe alors des contacts avec d’autres groupes locaux et régionaux de la Résistance, tous liés à l’Armée secrète et au Mouvement uni de la Résistance.

En juin 1944, il est chargé de réorganiser plusieurs maquis FTPF dans la région de Saint-Donat dans la Drôme et remet sur pieds l’organisation du Parti communiste en Ardèche avec l'appui d'Augustin Ollier alias Commandant Ravel et de Georges Fargier, représentant du parti au comité départemental de la libération (CDL). Il crée une direction communiste propre au département avec une équipe de militants. Au même moment, il participe aussi à l'organisation la bataille de Banne (voir ci-contre) durant laquelle plus de 200 résistants attaquent, le 29 juillet 1944, un convoi de l'armée allemande.

Engagements politiques

Après la libération de Privas, le 12 Août 1944, il fait imprimer au grand jour l’hebdomadaire « La voix du peuple d’Ardèche ». Cet été là, il rencontre une jeune résistante et secrétaire départementale de l'Union des jeunes filles de France (UJFF) qui réside à Vallon-Pont-d'Arc : Mathé Monteil. Ils se marient en 1945.

Si Raoul Galataud s'est toujours consacré au travail d’unification des forces de la Résistance ardéchoise, dans la période de l’après-guerre, son itinéraire professionnel demeure très lié à ses engagements politiques. Il est directeur-gérant du « Messager de la Renaissance cévenole » à Annonay, gestionnaire d’une coopérative des mineurs de Molières-sur-Cèze dans le Gard, tout en étant secrétaire de la section locale du Parti communiste. Il est emprisonné avec une quarantaine de ses camarades mineurs à Avignon lors des grandes grèves de 1948. Plus tard, il est journaliste et chef d'agence du journal La Marseillaise à Alès. Il deviendra également secrétaire du syndicat des ouvriers du livre à Alès et conseiller municipal de 1965 à 1978.

Mémoire, valeurs et idéaux

À partir de 1980, Raoul Galataud et sa femme Mathé s'installent dans leur maison familiale à Vallon-Pont-d’Arc où ils passent leur retraite. Raoul Galataud s'éloigne du Parti communiste et reste fidèle aux idéaux de sa jeunesse. Il ne cessera d'œuvrer au travail de mémoire. Avec Pierre Fournier, René Montérémal, Jacques Méaudre de Sugny, Pierre Millet, il fonde le Musée départemental de la Résistance et de la Déportation et en devient secrétaire-archiviste, puis président d’honneur des Amis du Musée, aux côtés de Michel Teston.

Raoul Galataud écrit de nombreux articles et contributions historiques, défendant toujours les valeurs et l’esprit de son expérience de résistant et de militant. Fait Chevalier de la légion d'honneur en 2004, il traduisait les valeurs républicaines et les idéaux de la Résistance ainsi en 2015 : « Refuser l’injustice, refuser de courber l’échine, assumer avec dignité ses responsabilités dans la société qui, dans la patrie des Droits de l’homme, se doit d’être fraternelle ». Alors que Mathé est décédée en 2009, Raoul vit actuellement à l’hôpital Sully Eldin à Vallon-Pont-d’Arc où il a fêté ses 100 ans, confiné, le 2 mai dernier. Comme toujours, il résiste !

Anaïs Lévêque

Source : Musée de la résistance et de la déportation en Ardèche.
Mathé Galataud
Durant l'été 1944, Raoul Galataud rencontre une jeune résistante et secrétaire départementale de l'Union des jeunes filles de France (UJFF) qui réside à Vallon-Pont-d'Arc : Mathé Monteil. (Cliché R. Galataud -Musée de la Résistance)

La bataille de Banne du 29 juillet 1944

Le 29 juillet 1944 près de Banne, un important convoi allemand venant d'Alès se dirige vers Les Vans et le bois de Païolive. Il rassemble 400 soldats allemands et une vingtaine de camions, en route vers le nord de la France pour renforcer le front normand. À la sortie d'un pont sur le ruisseau du Granzon, ils tomberont dans une embuscade organisée par plusieurs compagnies de partisans de la Résistance. 200 hommes les attendent, des jeunes volontaires et paysans ardéchois du secteur de Vallon-Pont-d'Arc, rejoints par des maquisards FTPF venus du Gard dont de nombreux ouvriers mineurs des Cévennes et d'anciens républicains espagnols. Sur cette route stratégique pour les armées d'occupation dans le sud de la France, ces partisans mènent un combat victorieux. Les jours qui suivent, les représailles de l'armée allemande sont terribles aux alentours. Encore quelques jours, l'Ardèche est libérée. Cette bataille est la première grande victoire remportée par la Résistance armée en Ardèche et marquera l'histoire du territoire.

Quelques-uns des 200 résistants qui ont participé à cette bataille (Capture écran tirée de l'émission « Un lieu, une histoire » diffusée sur Public Sénat).

Transmettre et se souvenir

Depuis 1992, le Musée de la Résistance et de la Déportation situé au Teil met en lumière leurs particularités locales en Ardèche. Matériel muséographique, panneaux explicatifs, pièces d'archives... Les visiteurs peuvent y découvrir une importante collection permanente, constituée grâce à des donations de particuliers, anciens résistants ou déportés et d'associations régionales. Des expositions temporaires, conférences, projections, ateliers pour enfants et pédagogiques, animent régulièrement ce lieu de mémoire avec un même objectif : transmettre aux jeunes générations les valeurs de la résistance et le souvenir de la déportation.

Espace Aden, 15 rue du Travail, Le Teil. Informations et réservations au 04 75 92 25 61 et par mail : [email protected]
Pierre Bonnaud et Marcel Galataud
Pierre Bonnaud, historien, auteur de l'ouvrage « L'Ardèche dans la guerre, 1939-1945 » paru en 2017 et rédacteur de la biographie (Dictionnaire biographique -Maitron) de Raoul Galataud, ici à droite, lors de l'exposition consacrée au séquestre des ciments Lafarge. (Cliché R.A. Bonnaud)