ECONOMIE
Les nouveaux usages industriels

Isabelle Doucet
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La relance économique, portée par un vent d’optimisme post crise, était au cœur des échanges des Rencontres du Crédit agricole Sud Rhône Alpes du 21 septembre à Grenoble.

Les nouveaux usages industriels
François Legalland, directeur du CEA-Leti, Guy Sidos, pdg du Groupe Vicat et Erwan Monot, secrétaire général de Koesio lors des Rencontres du Crédit agricole Sud Rhône Alpes.

Industrialisation, RSE1, digitalisation : trois leviers de relance économique ont été analysés par les experts et les chefs d’entreprise locaux à l’aune de la sortie de la crise sanitaire. L’objectif est bien de « transformer les défis en opportunités », lance Jean-Pierre Gaillard, le président du Crédit agricole Sud Rhône Alpes en introduction de ses Rencontres qui se sont déroulées le 21 septembre à Grenoble.  

La croissance annoncée de 6% peut donner le vertige. Et le risque inflationniste est à considérer avec prudence, ainsi que l’observe Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques au Crédit agricole. Car le prix des matières premières, la pénurie de semi-conducteurs, l’envolée du coût de la chaîne logistique mondiale sont des réalités. Mais la spécialiste avance un « retour à la normale vers la fin de l’année ». Et les entreprises européennes et françaises, soutenues par le plan de relance (100 milliards d’euros), ont leur carte à jouer. 

Fournisseurs locaux

Certaines ont misé sur la réindustrialisation, mais sans angélisme. Ainsi, la start-up Aledia, qui va développer des écrans de nouvelle génération selon la technologie des micro-led, a profité de l’écosystème grenoblois, lequel a favorisé son installation dans la métropole, plutôt qu’en Californie.

« Il est important de s’appuyer sur une région pour s’assurer de na pas avoir de rupture de production », témoigne également Jean-François Delepeau, le président de Lynred qui a vu les applications de ses caméras infrarouge fabriquées à Veurey se démultiplier. Il exprime cependant le souhait, en direction des politiques publiques et au regard des investissements engagés, « d’avoir une visibilité à moyen terme ».

« L’investissement local plaît au consommateur qui recherche des circuits courts », avance à son tour Guillaume Blanoeil, président de Saint-Jean. Le fabricant de ravioles drômois s’apprête à construire une nouvelle usine et mise sur « des partenariats avec des fournisseurs de matières premières le plus en local possible ».  

Recréer des filières

Si les conditions en termes d’accueil, d’accompagnement, de compétences et d’approvisionnement penchent en faveur de la (ré)industrialisation locale, les entreprises sont aussi très sensibles au défi environnemental. 
Une fois de plus, à Grenoble, le CEA-Liten est à la pointe de la recherche en matière de « décarbonation ». « L’objectif est d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », rappelle François Legalland, son directeur. L’enjeu revient à « recréer des filières sur ces sujets avec des emplois en France et en Europe ».

C’est le cas de la filière hydrogène décarboné issue de la technologie de l’électrolyse à haute température, qui réunit un consortium d’entreprises nationales dont le groupe isérois Vicat. Son pdg, Guy Sidos, multiplie les exemples. Ciment bas carbone, chantiers bas carbone, usine nouvelle génération à Montalieu : la chasse au CO2 est ouverte. La valorisation des déchets de déconstruction entre désormais dans 20% du poids des matériaux de construction.

Autre exemple, l’ex C’pro devenue Koesio (Valence), a vu son métier d’origine de l’impression glisser vers le reconditionnement. Remise sur le marché de machines d’occasion, pièces détachées, réutilisation de cartouches d’encre, « nous avons précédé le décret qui fixe à 20% de reconditionné dans les appels d’offres publics. Nous avons un coup d’avance », se félicite son secrétaire général, Erwan Monot. La société vient de créer un nouveau bâtiment pour accueillir cette activité florissante.

Suppression des stocks, des délais et des déplacements à partir d’un entrepôt numérique et en créant une pièce là où est le besoin, c’est aussi le pari relevé par Beelse (Grenoble). L’entreprise fabrique en effet des pièces industrielles en impression 3D, « avec la même résistance que les pièces d’origine », affirme son président, Yannick Marion. Ou la fin de l’obsolescence programmée.

« Nous vivons une phase de développement incroyable, car toute l’économie est boostée », constate Philippe Brassac, directeur général du Crédit agricole, présent lors de ces Rencontres. Si la création de monnaie a permis d’éviter l’effondrement des économies, il prévient cependant que les politiques budgétaires vont sûrement donner un tour de vis. Il conclut par une évocation de l’agriculture. « Nous avons besoin de manger et nous avons la chance d’avoir une agriculture des plus puissantes et des plus fortes au monde. Il faut la protéger, même si c’est de façon un peu dure. Et mettre de l’ordre dans ce qui est vital. » Les chefs d’exploitations présents dans la salle, qui sont des dirigeants d’entreprises, aimeraient en effet aussi profiter de cette croissance.

Isabelle Doucet 

1. La responsabilité sociétale des entreprises ou RSE est l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités. 
Témoignages / Une révolution numérique
Philippe Brassac, directeur général du Crédit agricole.

Témoignages / Une révolution numérique

Pas de numérique sans l’humain insistent les dirigeants invités des Rencontres du Crédit agricole Sud Rhône Alpes.

Plutôt que de repartir sur de bonnes bases, les entreprises en imaginent de nouvelles. Et la crise sanitaire a été un accélérateur, posant les conditions d’une nouvelle révolution numérique.

« La crise a boosté notre activité », témoigne Nicolas Odet, président de Hardis Group, société informatique grenobloise qui développe des logiciels de gestion logistique et intègre des solutions collaboratives. En quelques jours, en mars 2020, le numérique a dû répondre aux besoins des entreprises « qui souhaitaient garder leurs collaborateurs engagés » mais aussi apporter des solutions aux commerces à des réponses logistiques. Hardis a répondu avec « rapidité et efficacité » à ce premier défi qu’elle doit aujourd’hui sécuriser. 
Mais le numérique doit rester au service de l’humain. Nicolas Odet préconise de maintenir le lien grâce aux réseaux sociaux d’entreprises, quand Boris Saragaglia, le pdg de Spartoo (Echirolles), spécialiste de la vente de chaussures en ligne, souhaite « ramener la production en France et en Europe et vendre à la fois en magasin et sur internet ».

Fort de ces témoignages, Philippe Brassac, directeur général du Crédit agricole fait remarquer que la digitalisation s’est caractérisée « dans sa capacité à imaginer de nouveaux usages ».

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