PROJETS ALIMENTAIRES TERRITORIAUX
Pour une souveraineté alimentaire locale et accessible à tous

Pauline De Deus
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Relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires, soutenir l'installation des agriculteurs, impulser la consommation de produits locaux... Tels sont les objectifs des projets alimentaires territoriaux (PAT).

Pour une souveraineté alimentaire locale et accessible à tous
Les PAT peuvent s'étendre sur des échelles de territoires très différentes : de la petite commune à la grande région, en passant par les parcs naturels régionaux, les pays ou les départements. ©Ministèredel'Agriculture

Un projet alimentaire territorial, c'est en quelque sorte, une politique agricole et alimentaire locale. Impulsé par la loi d'avenir pour l'agriculture en 2014, ce dispositif national permet aux collectivités, de travailler à la relocalisation de l'alimentation avec tous les acteurs. « Ce genre de démarche permet de mettre en lien des personnes qui ne se connaissent pas forcément, illustre Marion Gaulupeau, chargée de mission collectivités pour le centre du département à la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Par exemple, à la chambre, nous travaillons beaucoup avec les producteurs, les transformateurs, les metteurs en marché, mais nous sommes plus éloignés d'acteurs comme les écoles, les structures de santé, les acteurs sociaux, etc. » 

Une stratégie à l'échelle des territoires

En déposant un dossier auprès de la Draaf, les collectivités peuvent ainsi prétendre à une labellisation "Projet Alimentaire Territorial" reconnue par le ministère de l'Agriculture et mobiliser des fonds pour travailler autour de ces enjeux.

Ces dernières années, en Ardèche, plusieurs communautés de communes ont commencé à travailler sur leur PAT. Au sud du département, le bassin d’Aubenas (CCBA) et Val de ligne se sont engagés dans une démarche de projet alimentaire inter-territoire (PAiT), de même qu'Ardèche sources et volcans, Beaume Drobie, pays des Vans et les Gorges de l’Ardèche. Au centre de l'Ardèche, les communautés de communes Ardèche Rhône Coiron (Arc) et la communauté d'agglomération Privas centre Ardèche (Capca) se sont lancés dans cette démarche. Enfin, sur la partie nord du département, des PAT sont également élaborés à Annonay Rhône Agglo, Porte de DrômArdèche, ainsi qu'un PAiT élaboré entre Arche agglo et Rhône Crussol.

Localement, les PAT permettent de travailler à la fois sur la consommation, notamment par le biais de la restauration collective, mais aussi sur la production, en participant à la mobilisation de foncier agricole et à l'installation des agriculteurs. Certains secteurs, comme le maraîchage, présentent de gros enjeux. Peu structurée, cette filière manque aujourd'hui de débouchés, les projets alimentaires territoriaux pourraient ainsi offrir des solutions en participant à l'installation de cette activité peu gourmande en surface, ainsi qu'en ouvrant de nouveaux marchés, tels que la restauration collective.

Première étape : l'état des lieux

Mais pas question de se précipiter. La première étape consiste d'abord à réaliser des diagnostics, qui peuvent être fait en lien avec la chambre d'agriculture, pour élaborer des stratégies. « Il s'agit de voir ce qui est produit sur le territoire et aux alentours, d'observer aussi les circuits de commercialisation pour avoir une idée du volume vendu sur place, à l'extérieur, mais aussi de ce qui part à l'industrie et qui revient finalement sur le territoire », explique Margaux Weiss, chargée des circuits courts à la chambre d'agriculture de l'Ardèche.

Et si les communautés de communes n'avaient pas attendu les PAT pour mener des actions autour de l'alimentation, tous saluent la dimension offerte par ce dispositif, malgré une certaine lourdeur administrative. « Ça nous permet de nous poser et de réfléchir à notre stratégie agro-alimentaire sur le long terme... Nous avons besoin d’actions plus opérationnelles »,, conclut Sandrine Genest, élue en charge de l'agriculture sur le Bassin d'Aubenas (CCBA).

Pauline De Deus

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Concrètement, ça donne quoi ?

Si les PAT débutent d'abord par un diagnostic et des rencontres, plusieurs actions ont déjà été lancées en Ardèche. Illustration avec trois projets.

Une cuisine centrale en étude à la Capca

Avec 4 000 à 5 000 repas par jour consommés dans les écoles et au Cias de la communauté d'agglomération Privas Centre Ardèche (Capca), la création d'une (ou plusieurs) cuisine centrale est un levier majeur pour travailler sur l'approvisionnement local de la restauration collective. « Ce sont de gros volumes qui permettraient de créer des débouchés et, en même temps, de sensibiliser les enfants aux productions locales », souligne Olivier Naudot, vice-président de la Capca en charge de l'agriculture. Pour mener à bien ce projet, des études ont été menées, notamment par la chambre d'agriculture. « Si on élargit la zone et qu'on intègre les intermédiaires, on peut couvrir 100 % des besoins », précise Margaux Weiss, à la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Reste qu'il faut pouvoir mettre tout cela en musique... Et la tâche n'est pas aisée. « Le plus difficile, c'est de mettre tout monde autour de la table, pour comprendre les contraintes des uns et des autres et trouver des solutions », remarque Olivier Naudot.

Une rencontre entre producteur et metteur en marché

Pour Annonay Rhône Agglo qui a obtenu le label "Projet alimentaire territorial" cette année, le travail ne fait que commencer. Pourtant, certains effets positifs sont déjà visibles. Lors des réunions pour la mise en place de ce PAT, Raphaël Rochigneux, chargé de mission collectivités pour le nord du département à la chambre d'agriculture, a pu mettre en lien le Super U d'Annonay avec un producteur local. « Nous travaillons avec des producteurs locaux depuis des années, mais il y avait un trou dans la raquette sur la partie maraîchage », explique le gérant du magasin. Désormais, le Gaec des Grands Vignes à Saint-Étienne-de-Valoux livre chaque semaine des légumes à cette grande surface. « C'est ce genre de rencontre que l'on cherche à impulser avec les PAT », se réjouit Raphaël Rochigneux. Parmi les autres axes forts de ce PAT, « il y a aussi la solidarité, le travail autour de la nutrition, de la fabrication des repas... Pour permettre à tous de manger local ! » Précise Denis Sauze, vice-président d'Annonay Rhône Agglo, en charge notamment des circuits courts.

Des terres mises à disposition des agriculteurs

Sur le bassin d'Aubenas, quand on parle d'alimentation et d'agriculture, impossible de passer à côté du volet installation. « Si on veut consommer localement, il faut de la production », résume Jérôme Le Bellego, chargé de mission collectivités pour le sud du département à la chambre d'agriculture. « Sur le territoire, on a une pression foncière importante », poursuit Sandrine Genest, élue en charge de l'agriculture sur le Bassin d'Aubenas (CCBA). Dans l'optique de soutenir l'installation, la collectivité (CCBA) propose des aides aux communes pour l'acquisition de terres destinées à l'agriculture. Grâce à un diagnostic mené par la chambre d'agriculture, des zones à fort potentiel agronomique sont ciblées pour réserver les terres fertiles à l'agriculture. Outre cette action foncière, le travail autour du PAT consiste notamment à mettre les acteurs en réseau : agriculteurs qui veulent développer leur commercialisation locale, restauration hors domicile, GMS, DADS, etc. Des actions ont aussi lieu avec les centres de formation, un projet est  par exemple mené entre le lycée agricole, le lycée hôtelier de Largentière et le lycée Gimond.   

Une offre interconsulaire pour analyser l'alimentation sur les territoires

Pour répondre aux besoins de diagnostic des collectivités, la chambre d'agriculture, la CCI, la chambre des métiers et de l'artisanat et Ardèche le Goût s'allient. L'objectif : que chacune de ces structures réalise une étude dans son champ de compétence sur un même territoire pour ensuite réaliser un travail conjoint. Cette offre de service permet ainsi de dresser un état des lieux de la filière alimentaire sur le territoire, évaluer son potentiel de développement, créer du lien entre consommateurs, transformateurs, commerçants et producteurs locaux, et aussi promouvoir l’identité locale en matière d’alimentation.  Fraîchement développée, cette offre de service débutera avec de premières études début 2024.

Au mois de mai, la communauté de communes du bassin d'Aubenas a signé une convention de partenariat avec la chambre d'agriculture dans le cadre de son PAT. ©AAA_PDeDeus
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Ludovic Walbaum, élu à la chambre d’agriculture de l'Ardèche et responsable des partenariats collectivités.

Ludovic Walbaum, élu à la chambre d’agriculture de l'Ardèche et responsable des partenariats collectivités.

« Un projet alimentaire territorial c'est le croisement entre développement économique des territoires et attentes sociétales. Ça touche tous les citoyens et ça leur permet de mieux cohabiter avec leur agriculture locale. C'est aussi une attente du monde agricole. Avec ces PAT, les installations pourront être favorisées et les productions adaptées et mieux réparties sur le territoire. »