Entre importation de pays tiers, pas toujours limpide concernant l’origine du miel et la tentation d’adultération concernant la composition, la fraude va bon train. Première chronique d’un article en deux temps, consacré au miel, la fraude et ses conséquences.

Le miel et la fraude
Échantillons sans noms pour l'analyse. ©ADA_Aura

Près de la moitié des miels importés de pays tiers en Europe1 seraient non conformes2, c’est-à-dire qu’ils présenteraient des problèmes d’origines, d’appellation ou encore d’adultération (coupés avec des sirops de sucre) 3. Il existe deux types de fraude : sur la composition, et sur l’origine du miel.

Dans l’Hexagone, le dernier rapport portant sur les chiffres 2021 de la DGCCRF4 pose le même constat : en 2021, 40 % des établissements contrôlés présentaient des anomalies selon les réglementations administratives.

En décembre 2023, la Commission européenne a adopté un texte de loi pour lutter contre la fraude avec un meilleur système d’étiquetage et de traçabilité du pays d’origine du miel, afin de mieux informer les consommateurs. « En France, la loi Egalim 2 oblige déjà à écrire le nom des pays sur les pots, dans l’ordre croissant de poids », rappelle Claudine Guinet, responsable du laboratoire privé Naturalim, à Port-Lesney (39).

Fraude sur l’origine et la composition du miel

« Lorsque l’on mène des contrôles, nous sommes attentifs à la présence d’anomalies comme la non-conformité d’étiquetage. Par exemple, l’usage d’allégation nutritionnelle ou de santé telles que source de, riche en… Qui vont faire croire au consommateur que le miel possède des fins thérapeutiques, ou des mentions valorisantes, tel que miel de safran, par exemple », indique Charlotte Piron-Cabaret, inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en Ardèche. « On regarde aussi la composition. Le type variétal doit être le même que celui du pot », ajoute-t-elle. Les contrôles ne sont pas choisis aléatoirement. « Nous ciblons certains apiculteurs, mais aussi des grossistes et magasins. »

Avec 25 % de leurs analyses réalisées sur le miel, Claudine Guinet l’assure : « Nous contrôlons tous nos miels, depuis la réception jusqu’à la mise en pot. Les miels proviennent de notre coopérative et d’autres producteurs. Nos critères d’analyses se portent sur les normes du miel en vigueur, c’est-à-dire une vérification des qualités via la teneur en HMF (5-hydroxyméthylfurfural), un indice de fraîcheur, mais aussi une conformité à l’humidité, à l’appellation et à l’origine ». Pour la responsable du laboratoire, il faut prendre conscience de l’importance des contrôles réalisés. « La fraude existe sur de nombreux produits, et bien que tout ne puisse pas être contrôlé, comme pour la vente directe sur les marchés, la grande distribution effectue des contrôles en retour et nous impose des analyses également, c’est très rigoureux. »

De son côté, Patrick Molle, apiculteur et responsable des ventes de la coopérative Provence miel à La Roque-d’Anthéron (13), affirme : « Quasi systématiquement, chaque lot qui part vers la grande distribution est analysé. On fait des analyses polliniques pour regarder d’où provient le miel. Cela donne des informations sur l’origine géographique et permet de vérifier l’appellation ». Le PH est aussi analysé. « Les miels foncés ont une forte conductibilité électrique par exemple, cela peut donner lieu à des déclassements comme un miel de lavande foncé sera déclassé en miel de fleurs de Provence. Pour l’adultération, il y a également des analyses qui mesurent le taux de sucre dans les miels comme le taux de glucose, fructose et saccharose. Le pourcentage est propre à chaque miel », précise le responsable des ventes.

Mais si la coopérative affirme procéder à ses propres analyses, le miel reste l’un des produits alimentaires les plus fraudés, avec l’huile d’olive. Le risque principal pour le consommateur est d’être trompé. Pour l’apiculteur, le risque de produits fraudés mis sur le marché peut entraîner des conséquences plus dramatiques et mettre en péril son activité.

M.M.

1. Rapport de la Commission européenne, mars 2023
2. 46 % des échantillons sur 320 lots de miels
3. source ADA France et InterApi
4. Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Vous pouvez retrouver la suite de cette chronique consacrée au miel et à la fraude dans la prochaine édition de l’Avenir agricole de l’Ardèche. Il sera question des conséquences économiques pour les apiculteurs ainsi que du rôle tenu par le consommateur.

Chiffres

  • En 2021, au niveau national, 40 % des établissements contrôlés présentaient des anomalies et 4 produits sur 10. Plus de 300 établissements ont été contrôlés et 176 analyses effectuées.
  • En Ardèche en 2022, 756 apiculteurs ont déclarés des ruches : 30 679 ruches déclarées contre 25 264 en 2021. Pour rappel, tout le monde a l’obligation de déclarer ses ruches.1
  • La région Aura est la première région apicole de France.
  • L’Ardèche, la Drôme et l’Isère sont les départements où l’on compte le plus d’apiculteurs.
  • Production française de miel estimée à 31 387 tonnes en 2022.2

1. Données issues des déclarations annuelles de ruches via la Direction générale de l'alimentation (DGAL )
2. Source ADA Aura.

Que dit l’accord de décembre 2023 avec le Conseil européen ?

Afin de lutter contre les fraudes et de mieux informer les consommateurs, les négociateurs ont l’obligation d’indiquer clairement à proximité du nom du produit, les pays de provenance du miel, et non plus seulement s’il provient ou non de l’UE. Les pourcentages de miel provenant des quatre premiers pays d’origine au moins, doivent également être indiqués. Un code d’identification unique pour retracer le miel jusqu’aux apiculteurs va être mis en place, ainsi que le renforcement et l’amélioration des contrôles, via une plateforme européenne d’experts.

Source Parlement européen

Mise en pot du miel. ©ADA_Aura