PAROLE D’EXPERT
Le sol, un maillon essentiel dans le cycle de l’eau

Physicienne des sols, Isabelle Cousin est directrice adjointe de l’unité de recherche info &sols à l’Inrae Orléans. Entretien avec cette spécialiste qui a coordonné le projet RUEdesSols. Interview.

Le sol, un maillon essentiel dans le cycle de l’eau
Isabelle Cousin, directrice adjointe de l’unité de recherche info &sols à l’Inrae Orléans. ©IC

Quelle est l’importance du sol dans le cycle de l’eau ?

Isabelle Cousin : « Le sol joue le rôle de réservoir et de filtre des précipitations qu’il reçoit. Une partie ruisselle et va aller alimenter les fossés, les cours d’eau. Le reste s’infiltre dans la terre. Suivant la destination de l’eau, elle est appelée eau bleue ou eau verte. L’eau bleue circule dans le sous-sol, va recharger les nappes phréatiques par percolation. Doté de propriétés hydriques, le sol est aussi capable de stocker les précipitations, ce sont les eaux vertes. C’est donc un réceptacle qui garde l’eau temporairement pour la restituer aux plantes. Celles-ci la rejettent ensuite dans l’atmosphère par évapotranspiration. Le sol est un des maillons essentiels dans le cycle de l’eau. »

Comment évaluer la capacité de stockage d’un sol ?

I.C : « Pour cela, on utilise un paramètre que l’on appelle le « réservoir en eau utilisable maximum (RUM) ». Il s’agit de la quantité d’eau que le sol peut recevoir et stocker pour la mettre à disposition des plantes. Le surplus va ruisseler ou percoler pour recharger les nappes phréatiques. Ce RUM dépend de l’épaisseur et de la nature du sol. Il varie aussi selon le type de couvert végétal, prairie, forêt, cultures (enracinement profond ou différencié). On peut mesurer la capacité du réservoir en eau utilisable maximum grâce à des prélèvements d’échantillons du sol, on peut aussi l’estimer par des mesures mathématiques d’après l’épaisseur du sol, sa nature. Il existe aussi des bases de données nationales, exploitables uniquement à l’échelle régionale. Le projet RUEdesSols*, financé par l’Agence nationale de recherche (ANR), a permis de croiser les approches agronomiques et pédologiques pour évaluer le RUM à l’échelle du territoire français. Un guide technique pour donner suite au projet RUEdesSOLS, coordonné par Isabelle Cousin, a été réalisé avec Arvalis-Institut du végétal. Intitulé « Réservoir en eau du sol utilisable par les cultures », ce document disponible en téléchargement sur le site du RMT, expose ce qu’est la notion de RUM ; la manière dont on le calcule ; ses variations spatiales ; la façon de le gérer.

Comment préserver l’eau présente dans ce réservoir qu’est le sol ?

I.C : « Il s’agit avant tout de le protéger et d’éviter l’évaporation. Pour cela, il faut adopter des pratiques qui permettent de préserver le couvert végétal. Ces techniques possèdent plusieurs vertus. Elles offrent tout d’abord une protection car la pluie va glisser le long de la plante et arriver sur le sol lentement, sans impact violent. Cette présence biologique va lutter contre le ruissellement en ouvrant des conduits pour que l’eau pénètre dans le sol. Le couvert végétal, qu’il soit vivant ou mort, garde la fraîcheur, évite également l’évaporation et le dessèchement. Lorsque ces pratiques ne sont pas suffisantes et que l’on doit faire appel à l’irrigation, on peut s’appuyer sur les données existantes sur le sol, les connaissances que l’on a de son fonctionnement. On peut également mettre des capteurs pour mesurer l’humidité du sol. Il est possible également, en temps réel, d’adapter ses pratiques tant aux besoins de la culture qu’à la capacité hydrique du sol grâce aux outils d’aides à la décision des instituts techniques. Ils apportent des conseils qui permettent d’avoir une utilisation parcimonieuse de l’eau. »

Magdeleine Barralon