FILIÈRE BRASSICOLE
La bière, une production agricole à part entière

D’un hobby, la bière s'est transformée en une activité à part entière pour François Lambert. À Talencieux, ce viticulteur, vigneron et céréalier est aussi paysan-brasseur.

La bière, une production agricole à part entière
En guise de bar, une camionnette achetée en 1965, par les parents de François, pour vendre les fruits. Après une seconde vie de poulailler cette carcasse est maintenant le symbole de la brasserie des Sarments.

Tout a commencé avec des intempéries qui ont poussé l’agriculteur nord-ardéchois à diversifier son activité : « En 2015, suite au gel, ma récolte de raisin est passée de 15 tonnes à 750 kg », se remémore François Lambert. Sa femme qui le voit fabriquer sa bière à la maison, depuis plusieurs années, lui souffle alors l’idée de devenir brasseur. Après une formation de deux ans à l'Institut français de la brasserie et de la malterie, François se lance en 2017 et créé la brasserie des Sarments.

Malt et houblon

À 40 ans, François Lambert se définit comme « paysan-brasseur ». Parce qu’il cultive lui-même les céréales dont il a besoin pour fabriquer sa bière : l’orge pour la blonde et le blé pour la blanche. « J’ai essayé de produire mon propre houblon mais c’est compliqué, c’est une plante qui craint beaucoup le vent », détaille le brasseur. Jusqu’à l’année dernière, il pouvait en acheter à Bogy, à moins de 15 km de là. Mais en 2021, suite à un changement de culture, il a dû chercher un autre fournisseur… C’est finalement en Alsace qu’il trouvera ce dont il a besoin.

Une fois les ingrédients disponibles il ne reste plus que le maltage avant de passer à la préparation. Pour cela, François Lambert fait appel à la Malterie des volcans dans le Puy-de-Dôme. « Je devrais prochainement travailler avec la Malterie ardéchoise », annonce-t-il, ravi de relocaliser encore un peu plus la production. Enfin, pour ce qui est des malts torrifiés, tout est fait maison !  

Brasser toute l'année

Place maintenant à la préparation... Trois heures durant, les 200 kilos céréales sont chauffées à des températures allant de 50 à 70°. François, armé d’une grosse cuillère en bois, remue la préparation à un rythme régulier. La bière est ensuite filtrée, transvasée dans une autre cuve puis portée à ébullition. C’est à ce moment-là que le houblon entre en scène. « Il est intégré en deux fois. D’abord pour la conservation, puis pour l’arôme », explique le brasseur. Pour ce qui est de l'arôme, le houblon peut aussi être remplacé par d'autres produits, comme des cerises, des raisins ou encore du CBD…

Au total, il faut 8 à 10 heures de travail pour produire 500 litres de bière. Qu’il pleuve ou qu’il vente, en hiver ou en été, François Lambert répète cette même opération. « C’est l’avantage de la bière, il n’y a pas de saison, dit-il en servant un verre derrière le bar. Quand j’ai terminé la vinification mi-novembre, je peux repasser au brassage. » Car à l'EARL du Moulin, il est seul à mener de front la culture des céréales (dont 25 ha dédiés à la bière), de la vigne (10 ha qui représente 80 % du chiffre d'affaire de la ferme) et la production. Environ 20 000 litres rien que pour la bière.

La production est ensuite vendue à des grossistes, des restaurants, des épiceries mais aussi en direct à la brasserie ou sur des foires. Et si vous voulez rencontrer François Lambert, rendez-vous à Talencieux1 ou dimanche prochain pour le marché des vins de Ozon !

Pauline De Deus

1 La Brasserie des Sarments est ouverte tous les jours sur rendez-vous : 06 20 54 21 37.
Un malt ardéchois en pleine croissance
Robin Le Berre, chef d'exploitation de l'entreprise Art malt bio, aussi connue sous la nom Malterie ardéchoise.
MALTERIE

Un malt ardéchois en pleine croissance

En Ardèche, une seule malterie existe. Implantée à Vernoux-en-Vivarais il y a un peu plus d'un an, cette entreprise cherche à se développer.

Dans la salle de germination, l’odeur vient immédiatement vous chatouiller les narines. Au total, 24 tonnes d’orge attendent sagement de finir de tremper puis de germer dans les énormes bacs de la Malterie ardéchoise. En 2021, à Vernoux-en-Vivarais cette entreprise a ouvert ses portes en lieu et place de l'ancienne malterie locale. Une renaissance permise par une quinzaine d'associés issus de la filière brassicole régionale et à des financements publics. Avec un investissement de 2 millions d'euros, l'usine a été modernisée avec un process industriel sur-mesure. En 2022, le gérant, Bernard Cheynel, et ses 5 salariés ont vendu 800 tonnes de malt à plus de 160 clients en Auvergne Rhône-Alpes et dans les régions alentours. Pour 2023, la Malterie ardéchoise espère augmenter sa production de 2 à 300 tonnes pour, à terme, atteindre un rythme de croisière à 1300 tonnes de malt produit annuellement. Les signaux sont déjà au vert puisque la malterie a récemment été la première du pays à obtenir la labellisation Bio équitable en France.

 

Une région de brasseurs !

Auvergne-Rhône-Alpes est la première région brassicole de France et l’Ardèche n’est pas en reste. Le département compte aujourd’hui 43 brasseurs contre 16 il y a 6 ans.  « Cette offre artisanale alimentaire répond à une nouvelle demande des consommateurs pour des bières locales », explique Fabienne Munoz, présidente de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Ardèche.

Face à cette dynamique, la filière se structure avec le soutien des chambres des métiers, d'agriculture mais aussi des collectivités. À ce titre, En 2021, la Région a signé un plan sur 4 ans, accompagné d'une enveloppe de 1,8 M€, pour développer l'amont de la filière et permettre aux brasseurs de se fournir localement.

Houblon : une culture complexe

En Ardèche, ce développement peine encore à se faire ressentir. Seul un hectare de houblon est pour l'instant cultivé et un projet d'installation est en cours au sud du département. Mais cette culture est loin d'être aisée... Le choix variétal est complexe et il faut disposer d'un terrain plat, à l'abri du vent. Sans compter l'investissement que cela représente : 20 000 € par hectare de houblon cultivé. Il faut ensuite attendre 4 ans pour atteindre un niveau de production optimal.

 

Culture de houblon