ÉNERGIE
« Les dispositifs du gouvernement doivent être adaptés aux spécificités agricoles »

Le gouvernement doit tenir compte des spécificités agricoles en matière de tarifs de l’énergie et pour les délestages annoncés. La FNSEA y travaille au niveau national et dans chaque département. Interview de Franck Sander, vice-président de la commission économique de la FNSEA.

« Les dispositifs du gouvernement doivent être adaptés aux spécificités agricoles »
Franck Sander, vice-président de la commission économique de la FNSEA.

Quel est l’impact de l’énergie sur les exploitations agricoles et quelles sont les exploitations les plus concernées par les hausses des prix ?

Franck Sander : « Toutes les exploitations sont concernées, mais certaines sont davantage fragilisées. Dans les productions végétales, je pense aux endiviers, aux producteurs de pomme de terre et à tous les agriculteurs qui ont recours à l’irrigation pour sécuriser leurs récoltes (producteurs de maïs, de semences, de fruits et légumes sous contrat). Pour les productions animales, les producteurs de lait pour la traite, les éleveurs de volailles et de porcs qui ont besoin d’électricité pour la ventilation et le chauffage des bâtiments sont particulièrement concernés. Toutes productions confondues, les carburants, le gaz et l’électricité ont augmenté de 76 %, 25 % et 7 % en 2022 par rapport à 2021. Sans parler des engrais qui ont fait un bond de 94 %. »

Des dispositifs ont été annoncés par le gouvernement tels que le bouclier tarifaire et l’amortisseur d’électricité. Sont-ils adaptés à la production agricole ?

FS : « C’est un premier pas. Toutes les entreprises continueront à bénéficier de la baisse de la fiscalité sur l’électricité (TICFE) à son minimum légal européen et du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Pour les agriculteurs concernés le bouclier tarifaire permettra de plafonner les hausses des factures d’électricité à 15 % l’an prochain et pour les autres, ils seront éligibles à l’amortisseur d’électricité. Les exploitations agricoles, qu’elles aient déjà signé un contrat ou qu’elles soient en cours de renouvellement bénéficieront de ce mécanisme dès lors que le prix du mégawattheure de référence est supérieur à 180 €/MWh. Cet amortisseur se matérialisera par une aide forfaitaire sur 50 % de la consommation permettant de compenser l’écart entre le prix plancher de 180 €/MWh et le prix du contrat plafonné de 500 €/MWh. Au-delà de ces dispositions qui concernent toutes les petites entreprises, nous travaillons à ce que les spécificités agricoles soient davantage reconnues avec les fournisseurs d’électricité pour alléger les factures. Nous plaidons notamment pour que le bouclier tarifaire soit étendu au-delà de 36 kVA, pour toutes les très petites entreprises (TPE), ce plafond n’étant pas une contrainte communautaire. »

Le gouvernement a annoncé d’éventuels délestages d’électricité au mois de janvier prochain. Comment vous y préparez-vous ?

FS : « Les agriculteurs n’échapperont pas aux délestages comme l’ensemble de la population française. Je crains d’ailleurs qu’ils soient davantage touchés, car les zones rurales seront davantage ciblées que les agglomérations. En effet, les secteurs prioritaires identifiés par le gouvernement comme les hôpitaux et les zones proches qui échapperont aux coupures se trouvent dans les zones urbaines. Ces délestages auront un gros impact sur les élevages et les transformations agricoles et alimentaires (laiteries, abattoirs…). Actuellement, nous travaillons avec les préfets pour identifier les activités les plus concernées et voir de quelle façon nous pouvons anticiper et limiter l’effet de ces délestages. »

La loi sur les énergies renouvelables arrive à l’Assemblée nationale. Le projet de loi du gouvernement répond-il à vos attentes ?

FS : « Sur ce sujet, nous avons à la FNSEA une position très claire : pas d’installations photovoltaïques au sol sur les terres agricoles, hors friches et terres incultes. Ces installations doivent être réservées aux toitures, aux friches, aux bas-côtés des infrastructures ferroviaires et des autoroutes… Nous sommes favorables à l’agrivoltaïsme, à condition que les terres qui portent ces panneaux soient réellement cultivées et que les champs concernés soient éligibles à la Pac, ce qui garantira une production agricole. Nous avons une ligne rouge : la terre agricole doit conserver sa vocation alimentaire. En ce qui concerne le biogaz, il nous appartient de simplifier les procédures qui sont excessivement longues quand un agriculteur ou un groupe d’agriculteurs projette de monter une installation. Et pour préserver la vocation alimentaire de l’agriculture, rappelons que 15 % maximum de la culture principale peut être dédiée à la production d’énergie dans un méthaniseur. »

Actuagri