VIANDE DE CHEVREAU
Une filière porteuse, en quête de reconnaissance

En Ardèche, par conviction ou simple nécessité, de plus en plus d’éleveurs optent pour la valorisation de leurs chevreaux lourds en direct. Tour d’horizon des freins et opportunités de cette filière.

Une filière porteuse, en quête de reconnaissance
La filière chevreau se diversifie, avec le développement de l'engraissement à la ferme et la valorisation du chevreau lourd.

« Aujourd’hui tous ceux qui font du chevreau ne reviendraient pas en arrière ! » Denis Dumain en est persuadé : cette filière a de l’avenir. À l’élevage du Serre de Ribes, en sud Ardèche, il élève une centaine de chèvres avec ses deux associés, Laurent et Sylvain Balmelle, pour produire du fromage. Depuis 15 ans, les trois chevriers vendent aussi de leur viande de chevreau entre mars et avril. Une centaine de petits sont ainsi gardés pendant 2 mois puis valorisés tandis que les autres sont vendus à des éleveurs de la région.

Les engraisseurs se font rares

Pour chevriers, la gestion des petits mâles est une vraie problématique. Les engraisseurs qui collectent la majorité des chevreaux se font de plus en plus rares et ceux qui sont installés dans les départements voisins n’ont pas toujours la possibilité de travailler avec de nouveaux éleveurs. « Les chevreaux, on savait que ça serait compliqué », témoigne Léa Bruguier qui s’est installée à Etables en 2021 pour produire du fromage. Si la jeune éleveuse et son associée, Mylène Maussadet, valorisent également leur viande, elles ne peuvent garder tous les petits sur la ferme, faute de place. Aux Caprices du Petit Chère, le temps manque aussi à Mylène et Léa. Au moment des naissances, elles passent plusieurs heures par jour à préparer le lait, puis nourrir les petits à l’aide de seaux multi-biberons, sans compter le temps de nettoyage.

Une valorisation coûteuse

Face à cette difficulté, certains ont opté pour un distributeur automatique de lait (louve). « Je suis passée de 2 heures à dix minutes de travail par jour », assure Nicolas Revol, un autre éleveur installé à Boffres. Pour lui, cet investissement de plusieurs milliers d’euros a pu être amorti grâce à la vente de la viande.

« À la collecte, l’engraisseurs m’achète une trentaine de chevreaux d’une semaine pour 150 euros. C’est le prix d’un chevreau engraissé [de 5 à 8 semaines] », analyse Nicolas Revol. Le bénéfice reste toutefois limité pour les éleveurs. Si les chevreaux peuvent être nourris au colostrum (premier lait maternel des chèvres non valorisable) pendant une à deux semaines, les éleveurs doivent ensuite passer au lait en poudre ou sacrifier une partie de la production fromagère. Il faut ajouter à cela le coût d’abattage et celui de la prestation pour la découpe et l’emballage. « Vu les charges et les frais, on est obligé de vendre assez cher », reconnaît Léa Bruguier.

Chevreaux lourds : la demande est là !

À Ribes, la mécanique est rodée notamment grâce à « un alignement des planètes », assure Laurent Balmelle. Entre l’abattoir d’Aubenas à moins de 30 km, la location d’un laboratoire de transformation et la maîtrise de la découpe de Denis… Toutes les conditions étaient réunies pour produire une viande de A à Z. Au fil du temps, Denis Dumain a même affiné sa technique et enrichi sa gamme. Les traditionnels quarts de chevreaux sont maintenant remplacés par des gigots, des rôtis, des blanquettes, des côtes et même des souris.

La consommation, elle, est au rendez-vous ! « Tous les ans on s’inquiète et tous les ans on en n’a pas assez », se réjouit Denis. Au nord du département, la ferme Revol et le Gaec du Petit Chère tirent la même conclusion : que ça soit sur la ferme, au magasin de producteurs ou dans les restaurants locaux, la viande de chevreau est réservée avant même d’être transformée. Et pour Léa Bruguier qui produit aussi des rillettes, le stock s’écoule progressivement tout au long de l’année. Pour décoller la filière doit maintenant tordre le cou aux idées reçues et retrouver ses lettres de noblesses : une viande tendre, facile à cuisiner et appréciée quel que soit la période !

Pauline De Deus

Ils se mobilisent pour la filière chevreau

Un Label rouge dans les cartons

Lancée en 2018 par le syndicat caprin de la Drôme, une démarche Label rouge entend valoriser les chevreaux lourds - d’une vingtaine de kilos, après 5 à 8 semaines d’engraissement. Un commissaire d’enquête de l’INAO devrait rencontrer le syndicat dans les prochaines semaines pour discuter du cahier des charges, en particulier l’alimentation. Mais quoi qu’il en soit, il faudra en parallèle que la filière se structure pour que cette démarche voit le jour, avec organisation globale de collecte, d’abattage et de mise en marché.

Des expérimentations au Pradel

Pour avoir davantage de références sur l’engraissement chevreaux, la ferme du Pradel mène depuis plusieurs années des expérimentations sur le sujet. En 2023, un test va être mené autour de l’alimentation solide. Trois lots d’une vingtaine de chevreaux vont donc étudiés :

  • des chevreaux engraissés 60 jours sans sevrage,
  • des chevreaux engraissés 60 jours mais sevrés à 40 jours,
  • et des chevreaux engraissés à 80 jours et sevrés à 40 jours.

La croissance des chevreaux et les produits transformés vont être observés pour tenter de réduire le coût de l’alimentation, sans pour autant rogner sur la santé des animaux ou la qualité de la viande.

Retrouver toutes les conclusions du programme ValCabri sur le site de l’Institut de l’élevage : idele.fr/valcabri