BILAN CLIMATIQUE
Grande douceur en mars, puis retour de l’hiver en fin de mois

BILAN CLIMATIQUE / Après une grande douceur et beaucoup de pluie dans les deux premières décades, mars se termine dans une ambiance hivernale. Le troisième mois de l’année est par ailleurs le 10e d’une série ininterrompue de mois plus chauds que la normale, rapporte Météo France.

Grande douceur en mars, puis retour de l’hiver en fin de mois

Depuis mai 2019, qui avait été un mois plutôt frais, la France a connu une succession ininterrompue de mois plus chauds que la normale (moyenne de référence de 1981-2010), a révélé Météo France le 8 avril. « Ainsi, mars 2020 est le 10e mois consécutif (depuis juin 2019) avec une température moyenne au-dessus des normales. C'est une première en France ! », indique l’organisme de météorologie. En 2018, une douceur exceptionnelle avait déjà été enregistrée sur neuf mois de suite. En 2017 et, avant, en 2003, deux années très chaudes, la France avait également comptabilisé sept mois plus chauds que la normale. « Du début du XXe siècle jusqu’à la fin des années 1970, le nombre de mois « chauds » chaque année était généralement compris entre 2 et 5 (moyenne de 2,7 mois). Puis, à partir des années 1980, le nombre de mois « chauds » est souvent supérieur à 5 par an atteignant 10 par an en 2018 puis 2019 (moyenne de 5,7 mois) », précise Météo France.

Douceur, puis chute des températures

Encore une fois donc, le mois qui vient de s’écouler a été marqué par son extrême douceur. Sur l’ensemble du pays, la température moyenne en mars s’est établie à 9,4 °C, supérieure de 0,7 °C par rapport à la normale. C’est dans l’intérieur du pays que la douceur a été la plus marquée, les températures étant restées proches des moyennes le long des côtes. Le mois a cependant été contrasté, entre les deux premières décades, très douces pour la saison, et la fin du mois, qui a connu une chute brutale des températures et des gelées à plusieurs endroits.

Côté précipitations, le mois de mars se montre là aussi contrasté. Si le cumul mensuel sur l’ensemble du pays est excédentaire de 10 % par rapport aux normales, c’est surtout le début du mois qui a été très arrosé, avec des niveaux records de pluie dans certaines régions, l’Ouest notamment. « Il est tombé deux mois de pluie en dix jours à Nantes », a commenté la Chaîne Météo. Mais si cette tendance à une pluviométrie abondante sur la première décade a concerné tout le pays, toutes les régions n’ont pas été abondamment arrosées. « Les cumuls ont été déficitaires de 40 à 60 % sur l'est du Massif central, le long de la vallée du Rhône et sur le nord du Languedoc », indique Météo France. L’indice d’humidité des sols au 1er avril serait inférieur à la normale partout en France, relève, par ailleurs, Agreste dans sa note de climatologie datée du 9 avril.

De nouveau plus doux qu’ailleurs

Dans les départements de l’Ain, de l’Ardèche, de la Drôme, de l’Isère, du Jura, de la Loire, du Rhône, de la Saône-et-Loire et des Savoie, comme cela avait déjà été le cas en février, le mois de mars a, là encore, été plus doux qu’ailleurs, avec un écart de + 1,4 °C par rapport à la normale. C’est surtout les stations météorologiques de Lyon (+ 1,6 °C), de Mâcon (+ 1,5 °C) et même de Bourg-Saint-Maurice (+ 1,9 °C) qui ont relevé les écarts les plus importants. Au niveau des précipitations, ces dix départements sont majoritairement en déficit, sauf les secteurs savoyard et haut-savoyard. La station météo de Bourg-Saint-Maurice a en effet enregistré un excédent de 50 % de précipitations en mars. A contrario, les déficits enregistrés par les stations de Lyon et Saint-Etienne atteignent respectivement 48 % et 44 % ! De quoi commencer d’inquiéter le secteur agricole, qui n’a pas vu une goutte de pluie depuis la mi-mars (lire par ailleurs).

Le mois de mars a été jalonné de plusieurs événements climatiques : deux tempêtes en début de mois (Karine le 2 mars sur la moitié Sud et Myriam le 3 mars dans l’extrême Sud-Ouest) ; des pluies abondantes, décrites plus haut, du 1er au 10 mars et un coup de froid en fin de mois, avec de la neige jusqu’en plaine et de fortes gelées dans l’intérieur de la Provence. C’est surtout ce dernier événement qui a le plus impacté nos dix départements. Dans la nuit du 24 au 25 mars, les températures sont descendues en dessous de zéro. Des dégâts sur fruits et vignes ont été constatés en Ardèche, en Isère et en Drôme, où les régions des Baronnies et du Nyonsais ont été sévèrement touchées.

Situations hétérogènes pour les nappes

Globalement, les nappes phréatiques se sont bien rechargées. Il a beaucoup plu sur début mars et à partir de mi-mars, elles ont bénéficié de l’essentiel de leur recharge pour la saison 2019-2020. « Celle-ci a été nettement supérieure à la moyenne, du fait de pluies efficaces précoces et conséquentes. La situation en mars est très favorable, avec des niveaux autour de la moyenne à très hauts sur une grande partie des nappes », indique le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans son bulletin de situation hydrogéologique du 1er avril. Une situation cependant hétérogène, avec un niveau de recharge modérément bas sur les nappes de l’extrême sud de la plaine d’Alsace, du couloir de la Saône et du Rhône et de l’est du Massif Central. « Sur les bassins du Rhône amont et moyen ainsi que de la Saône, les niveaux demeurent modérément bas mais la situation est différente selon la réactivité de la nappe. Les nappes alluviales réactives bénéficient des apports pluviométriques de début mars. Leur situation est satisfaisante, leurs niveaux étant autour de la moyenne à hauts. Pour les nappes à forte inertie, la recharge se poursuit mais les niveaux restent modérément bas à très bas (nappes des cailloutis pliocènes et du fluvio-glaciaires de la Bresse, de la Dombes, de l’Est-lyonnais et du Bas-Dauphiné) », détaille le BRGM.

Situation des nappes phréatiques au 1er avril 2020 (© BRGM)

Situation des nappes phréatiques au 1er avril 2020 (© BRGM)
Sommes-nous au début d’une nouvelle sécheresse ?

Sommes-nous au début d’une nouvelle sécheresse ?

Pas une goutte d’eau depuis plusieurs semaines, un vent qui assèche la végétation, des sols déjà secs en surface et qui « fument » comme en plein été… Sommes-nous entrés dans une nouvelle période de sécheresse ? « J’ai l’impression de revivre la grande sécheresse de 2011 », lançait le 10 avril Nicolas Kraak, directeur du syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (Smhar). L’irrigation a démarré précocement début avril sur le secteur. « On a eu des débits exceptionnels de 2500 à 3000 m3/h pendant plusieurs nuits. Maintenant on est sur des tours d’irrigation qui ne vont pas s’arrêter malheureusement, tant qu’il n’y aura pas une pluie significative d’une quarantaine de mm », témoigne le technicien, qui parle de « jamais vu aussi tôt ». A cela s’ajoute la crainte de restrictions d’eau. Les nappes d’eau souterraines du département du Rhône et de la Métropole de Lyon ont été placées en vigilance début mars. « Côté Ouest, les retenues collinaires se sont bien remplies cet hiver. Côté Est, les nappes de l’Est lyonnais ne se sont pas assez rechargées, on démarre avec une situation difficile. » L’irrigation profite en ce moment en priorité au blé, à l’orge et aux cultures maraîchères, le colza peut attendre, indique Nicolas Kraak. Dans les monts du Lyonnais et les élevages fourragers, « on a demandé aux éleveurs de donner un premier tour d’eau sur les blés triticales. On a des sondes tensiométriques qui témoignent d’une sécheresse à 30 et 60 cm qui commence à galoper. » Le mot est lancé. « Nous sommes pour moi dans un début de sécheresse de printemps ! […] L’évapotranspiration atteint 6 mm / jour, digne d’une fin mai début juin », alerte le directeur du Smhar.

Le scénario de 2019 se répète

A quelques kilomètres de là, dans l’Ain, là aussi, les sols sont secs sur l’ensemble du département. « Cela fait un mois qu’il n’a pas plu », lance Fabien Thomazet, technicien irrigation à la chambre d’agriculture et à l’association syndicale d’irrigation de l’Ain (Asia). Conséquence : « dans les secteurs irrigués, on est contraints d’arroser les blés et les semis de maïs, et ce sera pareil pour le soja ». Ce qui est inhabituel, c’est d’arroser les semis de maïs. « On sème dans des sols très secs. On en est arrivé à arroser avant de semer. » Selon lui, il est trop pour parler de sécheresse de printemps. Pas de pluie, chaleur, vent… La situation reste gérable même si les prévisions ne semblent pas optimistes. Côté nappes, « on est dans des moyennes habituelles sur la partie plaine de l’Ain. En revanche, sur la Dombes, on reste très bas, on a eu quasiment aucune recharge cet hiver. » La nappe de la Dombes a été placée en alerte avec 20 % de restriction de pompage.

Plus au Sud, même constat. « Côté pluviométrie, le scénario de 2019 se répète : pour les 23 stations suivies, moins de 30 mm de pluie sur les quatre dernières semaines. Alors que les prévisions à trois mois restent sur cette tendance très sèche en avril. Cette situation est exceptionnelle : la pluviométrie cumulée de janvier, février et mars correspond en 2020 à 50 % de la normale », détaille le bulletin Pâtu’RA édité le 8 avril par les chambres d’agriculture de le Drôme et de l’Isère. Le gel matinal et le sec persistant pénalisent la pousse de l’herbe sur certains secteurs. Le sec est en surface, indiquait début avril François Dubocs, technicien à la chambre d’agriculture de la Drôme. Si les niveaux des nappes sont corrects sur les départements, les débits des cours d’eau sont bas pour la saison. La situation printanière n’est cependant pas jouée, s’accordent à reconnaître les observateurs. Météo France annonçait le 14 avril le passage d’une perturbation accompagnée d’averses pour le week-end des 18 et 19 avril et le début de semaine suivante.