PRODUCTION
Bio : les surfaces progressent malgré un recul du marché

Hausse des surfaces et du nombre d’exploitations en bio, développement des filières comme la vigne ou les plantes à parfum aromatiques et médicinales... La France est aujourd’hui devenue leader européen en agriculture biologique. Malgré tout, les soubresauts affichés par les marchés du bio obligent à une remise en question globale.

Bio : les surfaces progressent malgré un recul du marché
Les surfaces en production biologique sont à la hausse passant de 2,55 millions d’hectares en 2020 à presque 2,8 en 2021 soit une hausse de 9 %. ©DR

La production bio a-t-elle souffert des pandémies, du ralentissement de l’économie et de la consommation ? Les chiffres présentés par l’Agence bio le 10 juin, sur le site de Rovaltain dans la Drôme, montrent une nette progression en France, tant des surfaces cultivées que du nombre d’exploitations. Fin 2021, 58 413 exploitations agricoles étaient engagées en bio, soit 13,4 % des fermes et 18 % de l’emploi agricole contre 53 251 en 2020. Les surfaces en mode de production biologique sont en hausse, passant de 2,55 millions d’hectares en 2020 à presque 2,8 millions d’hectares en 2021, soit une hausse de 9 %. Fin 2021, plus de 10 % de la surface agricole utile (SAU) française était donc en bio. « La France reste un leader incontesté de l’agriculture biologique en termes de superficie agricole. Il est important, face à ces hausses, de privilégier les accompagnements des producteurs. Les terres encore en conversion restent stables à 0,6 million d’hectares. De même, les surfaces entrant en première année de conversion en 2021 se maintiennent avec 264 000 ha », a souligné Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio.

Plusieurs filières en progression

Ces chiffres montrent un intérêt toujours présent des producteurs pour le bio, planche de salut pour certains ou voie de développement pour d’autres. Quant aux filières, la France reste le leader mondial du vignoble bio en termes de surfaces. Le secteur connaît une hausse significative de 16 % par rapport à 2020 et la barre des 20 % du vignoble conduits en bio a été dépassée en septembre 2021. Des filières emblématiques telles que les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) - comme la lavande et le lavandin - ont poursuivi leur développement en bio en 2021 (+ 27 % par rapport à 2020). Les fruits à coques sont également très concernés, avec une progression de 14 % des surfaces en 2021. Ainsi, près de la moitié des vergers français de fruits à coques est conduite en bio.

Pas de hausse des sorties du bio

L’Agence bio souligne par ailleurs qu’elle n’a pas observé en 2021 de phénomène massif de « sortie du bio ». 4,17 % des fermes (contre 4,02 % en 2020) ont quitté l’agriculture biologique l’année dernière, soit seulement 0,15 % de hausse. Plus précisément, plus de la moitié des sorties du bio sont des départs à la retraite et non des agriculteurs qui renoncent à produire bio. « Ce sont des chiffres encourageants pour le futur. Car cette tendance révèle une réelle volonté de rester dans un mode de production biologique. Le bio, c’est aussi un monde, une philosophie à laquelle on s’attache », a souligné Loïc Guines, président de l’Agence bio. Producteur de lait bio, installé depuis trente ans, il est également président de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine et référent bio au sein des Chambres d’agriculture de France. L’Agence bio a également dressé un palmarès des vingt premiers départements en nombre de producteurs, en surfaces bio et en conversion. On retient de ce classement (chiffres 2021) que le département du Gers est leader avec 1 971 producteurs et 116 561 ha en bio ou en conversion. La Drôme se classe au deuxième rang en nombre de producteurs (1 729) et au cinquième rang en termes de surfaces engagées en bio ou en conversion, soit 60 438 ha et 32,2 % de la SAU du département.

Un moteur de la création d’emplois

« Malgré une légère baisse inédite de la demande, le bio n’est pas pour autant en péril », souligne l’Agence bio. Celle-ci rappelle qu’elle oeuvre au quotidien pour soutenir le marché, notamment grâce à ses deux missions : financer et structurer les projets collectifs des entrepreneurs du bio et informer les citoyens sur les bienfaits de l’alimentation biologique sur la santé commune et la santé sociale (créations d’emplois, satisfaction et attrait des métiers agricoles bio). Avec plus de 200 000 ETP générés, l’agriculture biologique est l’un des moteurs de la création d’emplois dans les territoires à toutes les étapes de la filière. Une ferme bio emploie 30 % de main-d’oeuvre de plus qu’une ferme non bio, soit 2,4 ETP en moyenne pour les exploitations bio, selon le recensement agricole de 2020. « Ce sont plus de 144 000 emplois ancrés dans les territoires et non délocalisables. Les régions productrices de bio restent dynamiques, c’est notamment le cas de la Nouvelle-Aquitaine et de l’Occitanie », conclut l’étude de l’Agence bio.

Pierre-Louis Berger

Les marchés du bio face à un tournant
Vincent Bascoul, président du Cluster bio Auvergne Rhône-Alpes. ©APr
ANALYSE

Les marchés du bio face à un tournant

Les marchés des produits biologiques traversent une période pleine de turbulences, dans laquelle il est nécessaire de se réinventer. Les chiffres clés ont été présentés par le Cluster bio Auvergne Rhône-Alpes le 3 mai dernier.

« À la suite de l’épidémie de Covid-19 qui laissait entrevoir un monde d’après plus collaboratif, plus responsable et plus bio, nous nous retrouvons dans un monde fragilisé où le bio est déstabilisé », a déclaré Vincent Bascoul, président du Cluster bio Auvergne Rhône-Alpes, lors de l’assemblée générale du 3 mai dernier à Alixan (Drôme). Ce jour-là, le réseau des entreprises bio de la région a dressé un état des lieux des marchés des produits biologiques. « L’année 2021 a été marquée par un recul de 3,1 % des ventes de produits bio (alimentaire, hygiène, beauté) par rapport à 2020 dans les grandes surfaces alimentaires », a indiqué Nadège Peteuil, consultante senior pour IRI Worldwide. « Dès le premier trimestre 2021, la part de marché du bio dans les grandes surfaces alimentaires (GSA) ne s’est plus développée. Nous sommes dans une situation inédite, après de nombreuses années de croissance euphorique pour le bio. Pour la première fois, nous avons une inversion entre la vente de produits biologiques et celle de produits non biologiques », a-t-elle poursuivi. Pourtant, le bio constituait ces dernières années une grande partie de la croissance des GSA. « Pratiquement tous les rayons sont en négatif. Les seuls où le bio résiste aujourd’hui concernent les bières, cidres, spiritueux et champagnes, des rayons où le poids du bio est encore réduit. C’est dans les rayons où le bio pèse le plus lourd que les difficultés sont les plus marquées, à l’image du rayon crèmerie (- 8,5 %). D’une manière générale, l’ensemble des acteurs constatent une contraction de leurs ventes en bio. Aujourd’hui, le bio ne peut plus compter sur le développement de l’offre. Nous sommes même dans un processus de rationalisation des produits en GSA, avec une réduction de l’assortiment de produits. En hypermarchés, près de 10 % des produits proposés sont biologiques, alors que la part du marché est de seulement 4,4 % », a détaillé Nadège Peteuil.

Redéployer une stratégie commerciale

Loïc Danel, directeur général de Biotopia Insights, a dévoilé l’état de santé des magasins biologiques. « Nous sommes à l’aube d’un véritable tournant, mais il ne faut pas céder à la panique. Il faut se réinventer », a-t-il indiqué. Il a également rappelé que depuis une dizaine d’années, la croissance endémique était assez faible et essentiellement portée par le développement des points de vente. La concurrence entre magasins bio mais aussi avec les GSA est plus élevée que jamais. « On remarque d’ailleurs que les consommateurs fragmentent de plus en plus leurs achats selon le bénéfice de chaque circuit », a-t-il commenté. Pour regagner du terrain, les magasins bio doivent avoir une meilleure visibilité sur internet avec des services en ligne (livraison à domicile, paniers bio, livraison de paniers repas), une plus grande approche avec les produits locaux, le respect d’une meilleure saisonnalité des produits frais ou encore le renouvellement de la confiance des Français. « Revenons aux consommateurs, à leurs attentes, à leurs besoins », a insisté Loïc Danel.

Une dispersion de la demande

Par ailleurs, le changement des modes de consommation des Français est un enjeu majeur. Aujourd’hui, tous ou presque veulent mieux consommer et des labels et mentions viennent répondre à cette demande. Le bien consommer est priorisé au détriment du bio qui perd en visibilité. À cela s’ajoute la question des prix, un frein majeur à l’expansion de la demande en bio. D’ailleurs, l’arbitrage financier du consommateur se fait plus que jamais ressentir, dans un contexte inflationniste important. « Les produits bio sont jugés trop chers par les consommateurs. 28 % ne font d’ailleurs pas confiance au bio. Il va être urgent de réexpliquer les fondamentaux du bio, de mettre l’accent sur la pédagogie et d’expliquer aux consommateurs pourquoi il est nécessaire de consommer bio, pourquoi cela coûte plus cher et à quoi correspond ce surcoût », a alerté Nadège Peteuil.

Une situation qui tend à s’aggraver

En moyenne, en GSA, une différence de prix de + 57 % est remarquée entre un produit bio et un produit conventionnel. Selon Nadège Peteuil, le bio est le parent pauvre des promotions dans les GSA. « Les produits bio sont beaucoup moins mis en avant, et pourtant, améliorer l’image prix est l’une des solutions », a-t-elle ajouté. Pour le début d’année 2022, la situation a tendance à s’aggraver. « Les ventes de bio connaissent un recul de 7 % dans tous les circuits : hypermarchés, supermarchés, e-commerce et drive, enseignes de proximité, hard discount, etc. C’est vraiment l’alimentaire bio qui impulse ce repli », a confirmé Nadège Peteuil.

Amandine Priolet

Un nouveau plan régional à fort enjeu
La Chambre régionale d’agriculture, présidée par Gilbert Guignand, coordonne le plan bio. ©SD
STRATÉGIE

Un nouveau plan régional à fort enjeu

Déclinaison du plan national, le futur plan bio régional en Auvergne Rhône-Alpes prendra effet en 2023. Par rapport à l’actuel plan bio, il devrait mettre l’accent sur le soutien aux producteurs déjà convertis plutôt que sur les nouvelles conversions.

«Nous sommes en phase d’écriture du plan bio régional 2023 », confiait le 3 mai der­nier Adrien Petit, directeur du Cluster bio, lors de l’assemblée générale de l’organisa­tion. Le plan bio 2017-2022 s’achevant à la fin de l’année, le Cluster bio mais aussi la Fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab) et La Coopération agricole travaillent à la construction du futur plan bio, sous la direction de la Chambre régionale d’agriculture Auvergne Rhône-Alpes, mandatée par la Région. « L’actuel plan bio ré­gional a été prolongé par un avenant en 2022. Le prochain couvrira la période 2023-2027 et définira les grands axes d’orientation de notre région dans le soutien à l’agriculture biologique », explique Claire Paganelli, co-directrice de la Frab Auvergne Rhô­ne-Alpes. « Le plan bio s’articule autour de quatre grands axes : l’accompagnement des agriculteurs en conversion, le soutien aux entreprises de l’aval, la structuration des marchés et le développement des filières, et enfin la communication auprès des agri­culteurs conventionnels », poursuit-elle. Si Coralie Di Bartolomeo, chargée de mission agriculture biologique à la Chambre régionale d’agriculture, évoque « un bilan assez positif puisque la croissance des filières est toujours là malgré une conjoncture pas évidente », du côté de la Frab, on regrette que le comité de pilotage régional annuel ne se soit pas tenu en 2022 ce qui empêche de disposer de résultats actualisés sur la progression du bio en Auvergne Rhône-Alpes. 

Réorienter le futur plan bio 

Concernant le plan bio régional 2023-2027, l’en­veloppe allouée par la Région devrait demeurer stable et les principaux axes seront les mêmes que pour l’actuel plan bio. Néanmoins, sa philosophie devrait évoluer. « Nous ne serons pas sur un objectif de conversion à tout prix », confie Coralie Di Bartolomeo. « Nous pensons que le bio ne se développe pas par une poussée artificielle de la production mais s’appuie sur la demande. L’accent sera mis sur l’information et l’accompagnement à la conversion de ceux qui souhaiteraient le faire. » Une nouvelle philosophie pas toujours en phase avec celle d’autres parties prenantes comme la Frab, pour qui « cela correspond à freiner les conversions en se basant uniquement sur le marché alors que l’agriculture biologique, c’est aussi un modèle de société ». Mais les prochains mois de travail doivent justement permettre « d’abattre les frontières pour que chacun y trouve sa place », dixit Coralie Di Bartolomeo. Avec un objectif commun : conserver le leadership national de la région Au­vergne Rhône-Alpes pour les entreprises de l’aval et maintenir un dynamisme des filières, en circuits courts comme en circuits longs. Pour y parvenir, la route est encore longue avant de trouver partout les mêmes débouchés qu’en viticulture par exemple, en témoigne le coup de frein mis par la filière bovin lait ces derniers mois. L’incertitude liée au change­ment climatique et la question du prix demeurent les principaux enjeux. La communication, auprès des professionnels comme du grand public, devrait donc occuper une place centrale dans le futur plan bio régional.

Pierre Garcia

MINISTÈRE / Marc Fesneau a rencontré la Fnab

Après son premier rendez-vous avec le nouveau ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire fin mai, le président de la Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France (Fnab), Philippe Camburet, rap­porte que Marc Fesneau a « ouvert des portes », sans s’engager précisément sur les différentes demandes expri­mées. La Fnab demandait notamment « un plan de résilience bio », avec au moins quinze millions d’euros spécifiquement sur le lait. À l’issue de cette rencontre, aucune enveloppe supplémentaire ne devrait être débloquée. Mais les agri­culteurs bio pourraient voir leur accès au guichet d’aides « Ukraine » facilité, alors que le critère sur la proportion d’aliment acheté aurait actuellement tendance à les en exclure. Le président de la Fnab n’a toutefois senti « aucune velléité particulière de faire de l’agricul­ture biologique un système plus méritant en matière d’aides » dans le cadre de ce dispositif d’urgence. Marc Fesneau au­rait en revanche manifesté « une volonté de voir les collectivités locales s’impliquer davantage » sur l’application des 20 % de nourriture bio dans les cantines, objectif fixé au 1er janvier 2022 dans le cadre de la loi Egalim. La Fnab estime la part de produits bio dans les cantines entre 6 et 10 %. « Marc Fesneau est un élu local qui aborde les difficultés sur le terrain de manière plus concrète que Julien Denor­mandie », observe Philippe Camburet. Le ministre prévoirait même déjà de revoir prochainement la Fnab « sur des sujets aussi préoccupants que l’installa­tion-transmission et la biodiversité ».

Agrapresse

PROMOTION / Une campagne à un million d’euros

Le 30 mai dernier, l’Agence bio a an­noncé le lancement d’une campagne collective de soutien et de promotion de l’agriculture biologique, en partenariat avec les interprofessions1 et la Maison de la bio (association de producteurs, transformateurs et distributeurs). Cette action « d’envergure » est dotée d’un fi­nancement d’un million d’euros, qui sera abondé par une enveloppe du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et par des budgets déblo­qués par le Cniel (interprofession du lait), Interfel (fruits et légumes) et la Maison de la bio. Bien que partenaires du pro­jet, les autres interprofessions n’ont pas souhaité participer à son financement en utilisant leurs contributions volontaires obligatoires (CVO), comme le leur de­mandait la Fnab. « C’est la première fois qu’une action d’une telle ampleur a pour objectif de sensibiliser les Français aux bienfaits de l’agriculture biologique pour l’homme et pour la planète », indique le communiqué de l’Agence bio. Cette cam­pagne de promotion se déclinera sous forme d’affiches, de spots radio et de publicités numériques personnalisées jusqu’à l’automne. Son slogan : « Pour nous et pour la planète, #BioRéflexe ».

Agrapresse 

1. Cniel, CNIPT, CNPO, InterApi, Interbev, Intercéréales, Interfel, Synalaf, Terres Univia.