FLORE
À la recherche d’une plante « couvre sol »

L’association Vigneron·nes du vivant en Beaujolais, la chambre d’agriculture du Rhône et Daniel Mathieu, botaniste, ont travaillé de concert pour constituer un herbier informatique à partir de cinq parcelles de vignes inspectées. L’objectif est de trouver des plantes résistantes à implanter sous le rang afin de diminuer le travail du sol et la mécanisation.

À la recherche d’une plante « couvre sol »
Plusieurs vignerons de l’association Vigneron·nes du vivant en Beaujolais (VVB) expérimentent l’implantation de Sédum sous le rang, un axe de travail élaboré pour la recherche de plantes couvre-sol. ©CA69

Organisée en différents sous-groupes de travail, l’association Vigneron·nes du vivant en Beaujolais (VVB) réfléchit au non-travail du sol afin de diminuer la mécanisation et de trouver des solutions pour des vignes non mécanisables. Pour avancer dans ce sens, la chambre d’agriculture du Rhône, accompagnée du botaniste Daniel Mathieu et de VVB, a posé une première pierre en commençant un recensement de la flore sous forme d’herbier informatique. « L’idée de ce travail est d’aller sur le terrain et d’identifier la flore spontanée présente dans les vignes, en faire un inventaire et voir quelles plantes seraient de bonnes candidates pour couvrir le sol », met en contexte Louane Gougeon, apprentie conseillère en viticulture à la chambre d’agriculture du Rhône. Cet inventaire de la flore a pour but de trouver une ou plusieurs plantes propices à implanter sous le rang, notamment pour pouvoir « retenir la terre ».

Une méthodologie précise

Pour cet exercice, cinq parcelles ont été passées au peigne fin. De Blacé à Odenas, en passant par Chiroubles, Vauxrenard et Lantignié, « nous avons sélectionné des parcelles avec des contextes différents », poursuit-elle. Parcelle après parcelle, les plantes présentes ont été recensées. Le but de cet exercice est de rechercher des solutions pour implanter un couvert végétal sous le rang. « Dans le rang de vigne, il est plus difficile de trouver une solution car la mécanisation pose un problème pour la conservation du sol et en même temps, si ce n’est pas travaillé, l’herbe qui pousse entre les ceps maintient l’humidité et pompe l’eau, ce qui est problématique en période de sécheresse », illustre le botaniste. En recensant la flore déjà présente, « nous avons des informations sur ce qui peut pousser. À partir de cette liste, nous définissons le profil écologique de chaque plante, précise Daniel Mathieu. Nous avons pu définir son espace de vie optimal, les caractéristiques du milieu. Cela sert à faire une lecture du sol et des conditions climatiques à partir des fleurs identifiées ».

Le travail scientifique qui se fait actuellement consiste à consigner dans un tableau les 48 plantes trouvées, dont 15 qui se révèlent être plus tolérantes à la sécheresse, « avec leur nom scientifique, leur nom français, l’abondance de la plante et ses valences écologiques en termes de lumière, de température, d’humidité atmosphérique, d’humidité du sol, de pH, de nutriments et de texture du sol… », indique Daniel Mathieu. Sur l’herbier informatique, se trouvent une photo de la fleur et des feuilles et une description botanique des feuilles et des fleurs « et parfois même du fruit et de la graine ».

Premiers résultats

À partir de cette liste de plantes plus résistantes à la sécheresse, le travail va continuer. « Ces plantes ne cochent pas toutes les cases : certaines présentent la même période de floraison que la vigne, poussent trop haut ou exercent une trop forte concurrence », relate Louane Gougeon. Les critères recherchés pour cette plante « couvre sol » répondent à un cahier des charges précis qui conviendrait à la vigne : « il faudrait qu’elle soit capable de vivre à forte amplitude de température, qu’elle résiste au gel, qu’elle pousse sur un sol avec peu de matières organiques, donc adaptée au Beaujolais, et que ce soit une plante facile à multiplier. C’est un cahier des charges idéal qu’il n’est pas forcément possible de trouver dans la nature mais le travail d’herbier permet de commencer ce travail », fait état Louane Gougeon.

Avec cette première étape, viennent les constats du botaniste : « le principal problème posé par les plantes, c’est la concurrence au niveau de l’eau. On recherche des plantes qui poussent à une autre saison que l’été, pour qu’elles ne soient plus présentes pour pomper l’eau lors de la saison de la vigne. On note certains facteurs en fonction des secteurs également. L’humidité du sol est plus faible sur Lantignié et Vauxrenard avec les arènes granitiques filtrantes. L’acidité est plus forte sur Vauxrenard et Chiroubles et on observe une richesse en nutriments importante sur Blacé avec des terrains plus riches en argile ».

Continuité des recherches

Si l’herbier sert essentiellement à lister les espèces observées sur les parcelles, « nous avons une grande diversité de plantes dans les vignes mais peu sont parfaites à implanter, constate Louane Gougeon. Les vignerons ont eu l’idée d’étendre le champ d’inventaire aux bordures de parcelles et aux prairies sèches du Beaujolais, car on y trouve des plantes qui vivent déjà dans des conditions difficiles avec peu d'eau et de nutriments. Les identifier nous aidera à se rapprocher de notre objectif ».

La conclusion en termes de pratique prendra du temps, « il faut continuer le travail, reprend le botaniste. Je pense aller plus loin et travailler en m’aidant des écrits de Gérard Ducerf et des plantes bioindicatrices, qui permettent d’avoir des données relatives au travail et à la structure du sol ». En travaillant sur ces enjeux depuis maintenant quelques années, les vignerons Vigneron·nes du vivant en Beaujolais ont pu monter en compétences sur l’identification de plantes. Et les trois parties prenantes du projet ne comptent pas s’arrêter là. Affaire à suivre !

Charlotte Favarel

Plusieurs outils sont disponibles sur le site du réseau des botanistes francophones Tela Botanica : tela-botanica.org

Exemples d'espèces recensées dans les vignes