Installé sur 3,5 hectares à Sarras, Erwan Masse expérimente les plantations agroforestières intra parcellaires et sous le rang en viticulture.
Sur la commune de Sarras, les vignes d’Erwan Masse s’épanouissent dans un système encore expérimental qui cultive de grands espoirs chez ce jeune vigneron âgé de 34 ans et originaire de Normandie. Diplômé d’un BTSA Viticulture-Œnologie suivi en apprentissage dans le Beaujolais, il arrive dans la région en 2013 comme salarié au Domaine de Champal à Sarras et s’installe à son compte en 2017 avec moins d’un hectare. Erwan Masse souhaite alors créer une « exploitation résiliente, compenser un climat déréglé et travailler dans un environnement sain ».
Aujourd’hui, il cultive 3,5 hectares de vigne, essentiellement des cépages Syrah, Viognier et Marsanne, pour la production de vins blancs, rouges et quelques pétillants. Sa cave et ses parcelles de vigne se situent en grande partie sur le plateau de Sarras à 350 mètres d’altitude sur des sols granitiques peu profonds. « Depuis 2018, je plante tous les ans de nouvelles parcelles en Saint Joseph rouge ou pour produire des IGP, aussi bien rouge que blanc. Toutes mes nouvelles plantations sont agroforestières », indique-t-il.
Des variétés anciennes de pommiers, pêchers et poiriers
Erwan Masse travaille selon les méthodes de l’agriculture biologique et a entamé sa certification au début de l’année 2021. Il expérimente divers systèmes agroforestiers, dont les couverts végétaux et le semis de différentes espèces (légumineuses, céréales, crucifères…), ainsi que la plantation d’arbres intra parcellaires et sous le rang. « Ces modalités demandent du temps, de l’observation et de la patience, mais les problèmes rencontrés au début sur les semis et la levée des différentes espèces, notamment les légumineuses, ne se posent plus aujourd’hui. Les sols se sont rééquilibrés en 4 ans », ajoute-t-il.
En 2020, il a commencé à effectuer des plantations agroforestières intra parcellaires et sous le rang. Excepté sur les parcelles d’AOC Saint-Joseph situées en coteaux, « j’ai l’équivalent de 120 arbres à l’hectare, principalement des variétés anciennes et locales de pommiers, pêchers et poiriers, qui sont moins sensibles aux maladies », indique Erwan Masse.
« Je plante tout en même temps »
Sur une jeune parcelle de 5 000 m2, il a planté 70 arbres sur un rang non palissé sur trois, à raison d’un arbre tous les 9 à 10 ceps, planté au pied de la vigne pour éviter toute perte de surface d’exploitation. « Je plante tout en même temps, arbres et vignes, toujours sur couverts végétaux, pour que ce soit homogène, que tout le monde s’acclimate facilement les uns avec les autres », explique le vigneron. « Les arbres doivent être tutorés et protégés. Ils sont arrosés pendant la plantation, en mars, puis plus du tout pour les obliger à aller chercher de l’eau en profondeur. Les couverts végétaux forcent la vigne, elle aussi, à aller puiser en profondeur. Au début elle souffre puis on voit la différence au bout de 3 à 4 ans. »
Ombrage, auxiliaires, diversification…
Ce type de plantation modifie la conduite de la vigne, mais Erwan Masse cherche surtout à expérimenter les bénéfices que les arbres pourraient lui apporter. Il compte tailler ses arbres en haute tige, pour permettre le passage des tracteurs. « Ce qui est intéressant aussi, c’est l’idée d’apporter de l’ombrage et un effet climatisation à la vigne », et ainsi limiter l’évapotranspiration et ralentir la maturité des raisins. « Les arbres cassent aussi la linéarité d’un vignoble, diversifient le paysage et les auxiliaires, les oiseaux peuvent y nicher. C’est aussi un moyen d’avoir d’autres productions. » Il projette de diversifier ses plantations avec des pruniers et des amandiers. « Je vendrais en direct les fruits récoltés donc si je peux avoir une diversité de productions, c’est mieux. » Coût de la plantation de ces 70 arbres sur 5 000 m2 : 1 000€. « Ce n’est pas un investissement faramineux, puis ce n’est pas irréversible, l’arbre peut faire du bois de chauffage. »
Un système encore très expérimental
À ce jour, les plantations agroforestières restent très expérimentales en viticulture. « Nous sommes peu nombreux à pratiquer ce système en Nord Ardèche donc nous ne savons pas vraiment s’il est transposable à nos types de sols et à nos climats », constate Erwan Masse. « Pour le moment, les seules références que nous avons viennent du Sud Ouest. » Plus proche, la Chambre d’agriculture de la Drôme a mis en place un vignoble expérimental à Étoile-sur-Rhône qui associe lui aussi vigne et arbres fruitiers.
En termes d’image, ces pratiques apportent une bonne valorisation aux vins d’Erwan Masse, qui échange volontiers à ce sujet avec sa clientèle, via les réseaux sociaux et lors de journées techniques entre professionnels.
A.L.
