PRÉDATION

Tournesol 2022 : quels leviers pour prévenir les dégâts oiseaux ?

Ces dernières années, au niveau national, on décompte plus d’un tiers des parcelles attaquées avec une forte incidence du pigeon ramier. Corneilles ou corbeaux freux (corvidés) peuvent causer des dégâts dès le semis en s’attaquant aux graines. Ils sont fréquemment observés dans les secteurs de l’Est de la France. Les pigeons (colombidés) ramiers et pigeons de ville vont, quant à eux, plutôt consommer des cotylédons et sont donc plus fréquents dans le Sud-Ouest. La fenêtre de sensibilité des plantules de tournesol aux dégâts de pigeon ramier est étroite : environ deux semaines de l’émergence à la première paire de feuilles. L’observation du type de dégâts sera indispensable pour faire un état des lieux du peuplement et éventuellement envisager un re-semis, car toutes les lésions ne sont pas préjudiciables. En effet, les lésions des cotylédons (consommation partielle) ne sont pas préjudiciables pour la culture, contrairement aux dégâts sur apex (jeune tige sectionnée).

Les leviers disponibles et leur impact

Terres Inovia a évalué plusieurs leviers et dresse un état des lieux pour chacun d’entre-deux. Pour atténuer les dégâts, il faudra multiplier et combiner les moyens de lutte possibles. Il faut tout faire pour une levée rapide et grouper les semis. De manière générale, les dégâts d’oiseaux sont d’autant plus faibles que la levée est rapide et homogène. Il est donc primordial de soigner l’implantation afin d’obtenir un tournesol vigoureux pour qu’il dépasse rapidement la période sensible. En groupant les semis à l’échelle d’un territoire, on peut créer un phénomène de dilution de la pression d’oiseaux et limiter ainsi les dégâts sur les parcelles. Pour actionner ce levier, les semis doivent être simultanés dans une zone proche. L’efficacité dépendra du ratio entre la surface de tournesol sous le stade deux feuilles et les populations d’oiseaux en présence.

Effarouchement et régulation

L’installation d’effaroucheurs (visuels ou sonores) doit se faire au plus près de la levée (et non dès le semis), en nombre suffisant et ils doivent être régulièrement déplacés pour limiter l’accoutumance des oiseaux. Son utilisation seule ne garantit pas une efficacité optimale car les oiseaux se déplacent sur de larges distances : ils se souviennent, raisonnent et communiquent entre eux.

La présence humaine régulière (tous les jours de la levée jusqu’au stade deux à quatre feuilles) dans la parcelle est une solution efficace, notamment le matin à la levée du jour et au coucher du soleil.

Les méthodes de régulation des populations d’oiseaux (tirs, cage à corvidés...) sont possibles hors période de chasse si l’espèce cible est classée « susceptible d’occasionner des dégâts » sur votre département. La démarche requiert l’identification de l’espèce visée, une demande d’autorisation à la préfecture une délégation du droit de destruction, si le demandeur n’a pas de permis de chasse. Pour tout renseignement complémentaire, consulter les services préfectoraux et les fédérations départementales de chasseurs. En complément, différents concepts de drones effaroucheurs sont aujourd’hui développés : du drone terrestre au drone volant biomimétique, avec possibilité de réaction à l’environnement (détecteur de mouvements). L’analyse d’images en temps réel est un axe de travail prometteur sur lequel travaille Terres Inovia en partenariat avec l’Inrae dans le cadre de l’institut Carnot Plant2Pro®.

Quid des répulsifs oiseaux ?

Si aucun répulsif oiseaux n’est homologué pour un usage sur tournesol, diverses préparations à allégation répulsive sont commercialisées. Quatre d’entre elles ont été évaluées par Terres Inovia, soit en pulvérisation en plein à la levée (AMO 03-09, Avifar, Gibstop), soit en enrobage de semence (PNF 19). Aucun résultat probant n’a été obtenu.

Booster la levée dans l’objectif de réduire la durée de la phase sensible du tournesol ?

Trois engrais dits « starters » ont été testés selon les recommandations des fabricants : Ecobios, Trika® Expert et Microplus. Aucun de ces produits n’a montré de différence sur la durée entre la levée et la première paire de feuilles par rapport au témoin non traité.

Tromper l’ennemi avec un semis du tournesol sous couvert ?

Cette technique permet de diminuer le taux d’attaques par effet de confusion, mais la conduite doit être adaptée pour éviter une concurrence préjudiciable à la culture du tournesol. Des travaux sont menés par Terres Inovia et ses partenaires pour améliorer les règles de décision afin de trouver un compromis idéal entre l’effet du couvert sur les dégâts des oiseaux et la réussite du tournesol.

Construire une approche territoriale et collective

Le couplage de méthodes de répulsion (effarouchement) et d’attraction (implantation d’espèces végétales en bandes destinées à fournir une ressource alimentaire aux déprédateurs) semble prometteur mais implique l’acquisition de connaissances précises sur la façon dont les oiseaux exploitent les ressources dans les paysages agricoles. Des recherches en partenariat sont en cours pour comprendre comment les colombidés sélectionnent les ressources alimentaires. À plus long terme, la gestion des populations de prédateurs doit être pensée dans un cadre global de gestion des habitats. L’objectif est d’obtenir des communautés plus diversifiées et de favoriser la nidification de prédateurs naturels (comme l’autour des palombes et le faucon pèlerin) pour retrouver un équilibre dans les populations d’oiseaux.

Clément Monnereau – Terres Inovia

Contact régional : Alexis Verniau - [email protected]