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« Avec la tournée des marchés de gros, je peux allier mes deux métiers »

Jeudi 7 septembre, l’auteur compositeur et interprète Marc Fichel a lancé sa tournée des halles de France au marché de gros de Lyon-Corbas, situé dans le Rhône. Un premier concert très matinal qui a ravi ses confrères et consoeurs, puisque l’artiste de 51 ans a une longue carrière de responsable d’export au marché de Rungis derrière lui. Interview.

« Avec la tournée des marchés de gros, je peux allier mes deux métiers »
Le concert a démarré à 7 h 30, tandis que les grossistes, producteurs et personnels du marché de gros terminaient leur matinée de travail. ©LR/APASEC

Comment êtes-vous devenu auteur-compositeur et interprète, sans avoir appris à lire une partition ?

Marc Fichel : « Je joue à l’oreille. C’est-à-dire que je joue tout ce que j’entends. J’ai fait beaucoup de reprises sur les réseaux sociaux. Je me filmais en train de chanter et de jouer avec un clavier qui se plie et déplie en quatre. Ces vidéos ont finalement généré beaucoup de vues, c’est comme cela que je me suis fait connaître. Aujourd’hui, nous sommes obligés de passer par les réseaux sociaux. Je ne m’en rendais pas compte avant, mais c’est bien plus puissant que la télévision. »

En quoi consiste cette tournée des halles de France ?

M. F. : « C’est quelque chose d’original, puisqu’il s’agit de jouer tôt le matin devant les professionnels des marchés de gros, mais aussi devant le grand public qui souhaite venir. Avec cette tournée, je peux allier mes deux métiers, puisque je suis également responsable export dans une société de pommes de terre au marché de Rungis (Val-de-Marne). Je m’épanouis, car mon but, c’est de ne faire plus que de la musique d’ici deux ans. Je suis un énergumène dans ce milieu. Certains terminent leur carrière à 50 ans, la mienne est en train d’exploser. Je suis un hyperactif, j’ai envie de faire encore plein de choses. »

La particularité de cette tournée, c’est aussi l’utilisation d’un camion de 12 tonnes (t) en guise de scène, pouvez-vous expliquer son fonctionnement ?

M. F. : « C’est un camion de 12 t classique. Pascal Neveu, qui est un pianiste jazz, a trouvé un système pour l’ouvrir et le refermer en appuyant sur un simple bouton, afin de copier le mouvement d’un éventail. Quand il est ouvert, il devient une scène. Une fois refermé, tout est attaché à l’intérieur et personne ne sait que c’est un camion de scène. Il est stabilisé par des piliers. Pascal Neveu s’en est notamment servi pour faire des concerts de jazz dans des champs d’agriculteurs. J’aimerais d’ailleurs chanter dans un champ de producteur également, car ils sont un peu trop souvent oubliés. Il faut venir à eux, car ils travaillent du lundi au dimanche, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »

Pourquoi avoir choisi le marché de Lyon-Corbas pour la première date de cette tournée ?

M. F. : « J’ai rencontré le président du marché, Christian Berthe, sur différents événements autour de l’alimentaire. Nous nous sommes pris d’affection l’un pour l’autre, nous avons les mêmes valeurs. Je ne connaissais pas du tout le marché de Lyon-Corbas, qui est très beau, et qui paraît encore tout neuf, tandis que le marché de Rungis date de 1969. »

Comment votre premier album a-t-il été financé ?

M. F. : « Les premiers albums ont été financés par des mécènes du marché de Rungis, ce qui m’a permis de décoller. Le début de cette tournée des halles est d’ailleurs sponsorisé par plusieurs producteurs de pommes de terre, d’oignons, d’échalotes et par un groupe de systèmes informatiques de comptabilité installé au marché de Rungis. »

En tant que spécialiste de la pomme de terre, quelle variété conseillez-vous d’acheter au consommateur selon ce qu’il souhaite cuisiner ?

M. F. : « Pour moi, le caviar de la pomme de terre, c’est la pompadour. Elle est grasse, donc la personne qui la cuisine à la vapeur n’a pas besoin de rajouter du beurre, simplement du gros sel, avec un soupçon d’huile d’olive. Mon autre variété préférée, c’est l’agria. Elle est surtout connue dans le milieu professionnel, mais c’est la meilleure pour faire les frites. Certes, elle est plus chère que la bintje, mais elle ne noircit pas à la cuisson et elle ne boit pas trop l’huile, ce qui donne une frite extraordinaire. »

Propos recueillis par Léa Rochon

De responsable d’export à artiste
Pour la première date de sa tournée Ma vie dans les halles, Marc Fichel a choisi de se produire au coeur du marché de gros de Lyon-Corbas, dans le Rhône. ©LR/APASEC
BIOGRAPHIE

De responsable d’export à artiste

À 51 ans, il considère que sa deuxième vie ne fait que commencer. Depuis une dizaine d’années, l’infatigable Marc Fichel jongle entre sa vie de responsable d’export au marché de Rungis (Val-de-Marne) et sa carrière d’auteur, interprète et compositeur musical. « Mes parents ont voulu que je fasse de longues études », relate celui qui rêve dorénavant de troquer définitivement les cagettes de pommes de terre, contre les malles et flight-case des concerts et des tournées.

Des chansons signées chez Wagram Music

Ses influences musicales ? Elles s’étendent de France Gall à Bénabar, en passant par Jean-Jacques Goldman, Michel Berger ou encore Juliette Armanet. Son clip Ma vie dans les halles, sorti en 2017, raconte avec joie et convivialité le quotidien d’un marché de gros. Au même moment, son premier concert Food music, organisé au marché de Rungis, avait réuni 1 000 personnes. De quoi inspirer à sa manageuse une idée plus qu’originale : lancer la première Fête de la musique la plus matinale de France. L’année dernière, c’était au tour de C’était le temps, de percer sur les ondes radio et d’être diffusée sur NRJ. Un clip et une chanson dans laquelle le quinquagénaire raconte la vie de ses grands-parents épris de liberté, qui ont fui la Roumanie et le communisme. Sa tournée au coeur des halles lui promet un bel avenir, tout comme les trois chansons qu’il a signées chez Wagram Music.

L. R.

Informations pratiques : Les dates de la tournée de Marc Fichel sont à retrouver sur sa page Facebook et son compte Instagram.
LE MOT DES PRODUCTEURS / Un concert à 7h30 du matin, « une première »
Christine Delaigue, maraîchère dans l’Ain et présidente du Carreau des producteurs du marché de Lyon-Corbas, a assisté au concert. ©LR/Apasec

LE MOT DES PRODUCTEURS / Un concert à 7h30 du matin, « une première »

« Je suis très heureux d’être ici avec vous, ce soir… Ou plutôt ce matin ! » Pas évident de se mettre dans l’ambiance d’un concert dès 7h30, même pour celui qui n’en est pas à sa première représentation sur scène. Pour Christine Delaigue, maraîchère à Miribel (Ain) et présidente du Carreau des producteurs du marché de Lyon-Corbas, ce concert matinal sur l’un de ses lieux de travail était une première. « Je trouve cela courageux de sa part d’avoir fait quelque chose de sa passion, on ne peut pas tous changer de métier et se lancer », déclare-t-elle. Les paroles du chanteur résonnent forcément à ses oreilles. « Finalement, les petites inquiétudes, nous les avons tous en commun. » À une exception près… Celle de trouver de la main-d’oeuvre prête à travailler dans les champs ou sous les serres en ces périodes caniculaires.

L. R.

Corbas
Le marché de gros a déménagé à Corbas (Rhône) en janvier 2009. ©MatejaLux

CORBAS / En chiffres

35 000 m² de bâti sur un site de 12 ha.

1 165 passagers par jour en moyenne.

2 bâtiments pour les grossistes avec une 150 000 m³ de froid.

23 sociétés de grossistes.

1 bâtiment dédié au Carreau des producteurs d’une surface de 2 600 m².

60 producteurs provenant à 97 % de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

109 producteurs-livreurs issus à 98 % de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

2 297 clients majoritairement régionaux, dont 45 % de marchés, 30 % de détaillants, 7 % de métiers de bouche et 5 % de restaurants.

305 000 tonnes de marchandises par an provenant à 40 % de la France, 30 % de l’Europe et 30 % de l’Afrique du Nord et du reste du monde.

385 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.