PAC
Feader 2014-2020 : 100 % des crédits européens consommés

La mise en œuvre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour la programmation 2014-2020 s’est faite sous la responsabilité des Régions, devenues autorités de gestion. Quel est le bilan pour Auvergne Rhône-Alpes ? Quels sont les enjeux de la période de transition et de la future Pac pour notre territoire ? Le point avec le président de Région, Laurent Wauquiez.

Feader 2014-2020 : 100 % des crédits européens consommés
« Nous avons travaillé principalement sur deux priorités : les bâtiments et la dotation Jeunes Agriculteurs (DJA), c’est- à-dire l’installation », explique Laurent Wauquiez. DR
interview
Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. ©C. Pietri

2,2 milliards d’euros de crédits européens ont été placés sous autorité de gestion de la Région Auvergne Rhône-Alpes dans le cadre de la programmation Feader 2014-2020. Où en étions-nous fin 2020 de l’utilisation de ces crédits et de leur versement ?

Laurent Wauquiez : « Nous sommes très fiers car nous n’allons renvoyer aucun euro à Bruxelles ! Au total nous serons normalement à 100 % de consommation des fonds alloués. Concernant le taux de paiement, il se situe autour de 80 %. Lorsque j’ai récupéré la Région (en 2016, ndlr), 11 000 dossiers n’étaient pas payés ; aujourd’hui, sur plus de 30 000 dossiers, moins de 1 000 sont en retard. L’Etat avait confié l’instruction des dossiers aux Régions, mais la mise en paiement était effectuée par un logiciel du ministère de l’Agriculture, qui n’a jamais fonctionné. La Région a dû financer une vingtaine de postes pour assurer la mission de l’Etat et nous avons obtenu une dérogation pour mettre en place notre propre logiciel. C’est lui qui nous a permis de rattraper tout le retard et d’être la Région qui a instruit et payé le plus depuis 2017. Et durant le confinement, nous avons même augmenté de 14 % en Auvergne et en Rhône-Alpes les montants payés sur les mesures non-surfaciques1. »

Le Feader est le second pilier de la Pac ; il est géré depuis 2014 par les Régions. Quelles ont été les priorités fixées en Auvergne-Rhône-Alpes pour la période de programmation ? 

L.W. : « Nous avons travaillé principalement sur deux priorités : les bâtiments et la dotation Jeunes Agriculteurs (DJA), c’est- à-dire l’installation. Nous nous sommes également focalisés sur l’accompagnement et la structuration des filières, sur lesquelles nous avons également mobilisé des crédits pour la rénovation des bâtiments… En plus d’avoir consommé 100 % des fonds européens, la Région a dans le même temps multiplié par trois son budget pour l’agriculture. Résultat : nous sommes la Région où l’installation des jeunes a le plus augmenté, avec la première DJA de France, à 44 000 € en moyenne par jeune. Ce qui crée des envieux aux frontières de notre région… Concernant les autres axes du Feader, nous avons plutôt réussi à conserver des mesures de bon sens. Je regrette cependant qu’il soit toujours difficile de financer des retenues collinaires. Et j’ai vécu comme un crève-cœur le retrait de l’Etat sur le financement des mesures bio… »

Comment la Région a-t-elle géré la coexistence des deux PDR Auvergne et Rhône-Alpes2

L.W. : « Nous aurions aimé que les crédits Feader puissent permettre d’organiser la fusion, mais l’Europe l’a refusé. Nous avons essayé de faire vivre chacune des programmations et à chaque fois que la Région a ajouté des dispositifs, nous avons fait en sorte qu’ils soient harmonisés à tout le territoire. Sur la politique de filières, par exemple, elle existait en Rhône-Alpes, mais pas en Auvergne. Nous l’avons instaurée sur l’ensemble de la région en finançant intégralement le surcoût, ce qui nous permis de renforcer la politique de filières en Rhône-Alpes et de la mettre en place en Auvergne. »

Durant la période de transition 2021-2022, les Régions vont travailler sur l’ancienne maquette Feader et bénéficier de crédits provenant des Plans de relance européen et français. L’enveloppe est estimée à 936 millions d’euros sur deux ans, ICHN comprise. À quoi ces moyens supplémentaires vont-ils servir ?

L.W. : « Nous avons eu très peur et nous nous sommes fortement mobilisés avec la profession, syndicats et Chambres d’agriculture. Notre travail a payé car nous allons bénéficier d’une programmation de transition avec une enveloppe en hausse par rapport à 2014-2020. La Région devrait atteindre, en enveloppe annuelle sur 2021-2022, 140 millions d’euros. Notre objectif ensuite est de récupérer 200 millions d’euros de contreparties nationales. Les crédits supplémentaires de relance de l’UE pourront être engagés jusqu’en 2024, ce qui est une bonne nouvelle, tout en sachant qu’il vaut mieux monter les projets le plus vite possible sur les deux années qui viennent. »

Un nouveau programme Feader sera mis en œuvre pour 2023-2027, dans le cadre de la réforme de la Pac. Les Régions sont chefs de file du second pilier. Quels vont être les enjeux pour l’agriculture d’Auvergne Rhône-Alpes ?

L.W. : « Je suis très préoccupé car la suite de la programmation n’est pas bonne, avec des enveloppes en baisse. Nous craignons que l’État garde sur le second pilier la majeure partie de l’enveloppe Feader pour financer ses mesures (dont l’ICHN, ndlr) ; et qu’en conséquence, sur les autres axes, il baisse le taux d’utilisation du Feader et demande des enveloppes supplémentaires très importantes que les Régions ne pourront jamais honorer. L’État annonce aujourd’hui une baisse de 30 % sur la DJA et le plan bâtiment. Dans notre région, nous avons besoin de l’ICHN, de la DJA et du plan bâtiment : nous ne voulons pas choisir entre l’un ou l’autre ! Nous devons continuer de nous mobiliser avec la profession sans quoi nous risquons de perdre sur tous les tableaux ! Nous devons aussi veiller à ne pas non plus tomber dans le piège de la mise en concurrence entre le premier et le second pilier. »

Propos recueillis par Sébastien Duperay

1. Les mesures non-surfaciques incluent les aides aux projets (ex. investissements, installation…).
2. Les programmes de développement rural (PDR) définissent pour chaque région l’orientation générale d’allocation des crédits européens ainsi que les taux de co-financement. Aura compte deux PDR : un pour l’Auvergne, un pour Rhône-Alpes.