CHAMBRE D’AGRICULTURE
« Se fixer des objectifs élevés »

Propos recueillis par Pierre Garcia
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CHAMBRE D’AGRICULTURE / Désireuses de contribuer à la relance de l’économie, les Chambres d’agriculture ont dévoilé une liste de propositions concrètes. Le point avec Gilbert Guignand, président de la Chambre régionale d’agriculture d’Auvergne Rhône-Alpes.

« Se fixer des objectifs élevés »
Gilbert Guignand, président de la Chambre régionale d’agriculture.

Pourquoi placez-vous le thème de la « reconquête de la souveraineté agricole » au coeur du plan de relance d’activité ?

Gilbert Guignand : « Un certain nombre de nos filières, je pense notamment aux fruits et aux légumes, sont aujourd’hui déficitaires et nous souhaitons les redynamiser. Nous demandons aussi l’instauration d’un grand plan national pour les protéines afin de réduire notre dépendance vis-à-vis du Mercosur et de peser davantage sur l’orientation de la future Pac. Pendant le confinement, aucune chaîne alimentaire ne s’est retrouvée à l’arrêt et notre agriculture française a prouvé sa valeur. Nous souhaitons désormais aller plus loin et profiter de l’attrait qui est né chez les consommateurs pour les circuits courts. Nous avons fixé comme objectif de parvenir à l’autonomie alimentaire dans un rayon de cent kilomètres autour de chaque commune. Cela peut paraître impossible mais il faut se fixer des objectifs élevés, même si on sait qu’on ne les atteindra pas sur tous les produits. »

Quels sont les leviers réglementaires, politiques ou encore financiers à actionner ?

G.G : « L’urgence aujourd’hui est d’avancer sur les appels d’offres des marchés publics. En ce sens, nous demandons un assouplissement de la réglementation européenne actuelle qui interdit l’inclusion de critères de proximité dans les appels d’offres lancés par les collectivités. Nous proposons aussi d’inclure dans la loi Egalim un véritable référencement sur la localisation des produits qui n’existe pas actuellement. Nous travaillons activement avec Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales, sur une expérimentation visant à favoriser les produits locaux dans la restauration collective. Un appel d’offres sur un territoire ou deux sera lancé et permettra d’impulser un élan dans la commande de produits locaux aujourd’hui captée à plus de 80 % par des gros faiseurs qui ne garantissent aucune traçabilité alimentaire. »

Quels sont aujourd’hui les investissements prioritaires pour redynamiser le secteur agricole ?

G.G : « Nous voulons lancer un grand plan de modernisation des structures. Il passera d’abord par des aides à destination des agriculteurs pour leur permettre de moderniser leurs outils de production. Nous souhaitons que des investissements massifs soient réalisés en faveur de l’innovation et de la transition agroécologique. La réduction des phytosanitaires et la gestion de l’eau seront des thématiques essentielles à prendre en compte. Un gros travail sur le foncier doit aussi être fait. Nous souhaitons inscrire le foncier agricole aux secteurs d’activités d’importance vitale (SAIV) et inclure dans la loi que la surface agricole utilisée ne descende pas en dessous de 50 % du territoire métropolitain. Cette thématique du foncier a un lien important avec celle de l’installation de jeunes agriculteurs. Il faut aujourd’hui arrêter de perdre du foncier et se battre pour que lorsque l’on perd un hectare, celui-ci soit compensé. »

Quelles sont les principales mesures que vous proposez pour l’emploi agricole ?

G.G : « Nous trainons toujours comme un boulet cette image de métiers physiques, peu formateurs et peu rémunérateurs. Pour renforcer l’attractivité des métiers de l’agroalimentaire, nous devons revenir aux origines et renforcer la formation. Nous devons aussi engager une réflexion de fond sur le travail saisonnier. Nous demandons aujourd’hui l’annualisation de tous les postes et un assouplissement de la loi travail car nos métiers exigent souvent de travailler plus de 7 heures par jour. Enfin, en matière d’emploi, nous devons aussi accompagner les agriculteurs qui s’engagent dans l’agritourisme. Nous avons connu des années difficiles et l’agritourisme peut non seulement représenter une source de création d’emplois mais aussi une vraie arme de communication pour l’agriculture. »

Propos recueillis par Pierre Garcia