ÉLEVEURS AUTREMENT
Des méthodes adaptées à la réalité du métier

Face aux crises récurrentes que traverse le monde agricole, des éleveurs du Puy-de-Dôme expérimentent ensemble des méthodes alternatives pour reprendre la main sur leur activité. En changeant leur façon de travailler, ils parviennent à diminuer charges, temps de travail et stress. Désireux de partager leurs découvertes, ils fondent en 2015 l’association Éleveurs Autrement qui accompagne aujourd’hui 450 éleveurs en France.

Des méthodes adaptées à la réalité du métier
Initiation aux médecines manuelles traditionnelles (ou reboutage).

« Soit j’arrêtais, soit je faisais autrement », raconte l’éleveur Bruno Gourdon, acculé au mur par la crise laitière de 2009. « J’ai cherché à comprendre pourquoi je n’arrivais pas à me rémunérer. Beaucoup de monde intervenait sur ma ferme pour m’expliquer comment faire : vétérinaire, marchand d’engrais, nutritionniste… En fait je ne maîtrisais rien. » Pendant trois ans, il cherche à enrichir son savoir et fait le constat suivant : « On tombe souvent sur des formations si compliquées qu’elles impliquent de payer un service d’accompagnement derrière ». Pour ne pas dépendre une nouvelle fois d’un tiers, les éleveurs décident de mutualiser leurs connaissances. « On a créé un collectif entre copains, on a pris les techniques en main sur nos fermes et on a tout revisité », avec une ligne directrice : « Il ne faut pas seulement que la technique marche, il faut aussi qu’elle soit accessible, pratique, et qu’on s’y retrouve économiquement et éthiquement ».

Des éleveurs pour accompagner des éleveurs

Créée en 2015, l’association se compose aujourd’hui de quinze sous-groupes répartis par secteurs géographiques, chacun animé par un référent qui, le plus souvent, est un éleveur. Ce dernier est chargé de récolter chaque année les demandes des membres sur les sujets qu’ils souhaitent aborder. C’est le cas de Virginie Ondet, éleveuse en bovins, qui a monté un groupe en 2019 avec les agriculteurs qui s’installaient autour de son exploitation. « Après m’être formée, je me suis très rapidement rendu compte de l’impact positif sur mon exploitation. Ça crée de l’engouement, j’ai eu envie d’en parler, que tout le monde ouvre les yeux. » Victime de son succès, l’association qui compte deux salariés est arrivée au bout de sa capacité de travail : « On peut difficilement assurer un suivi de 450 personnes, c’est pourquoi on demande aux différents groupes de ne pas se former à la même chose afin qu’ils puissent se transmettre le savoir », explique Bruno Gourdon. Ces échanges rendent les éleveurs autonomes et les interactions au sein de chaque sous-groupe les font progresser plus vite. « Ils ont plus de facilité à trouver la solution chez le voisin plutôt que chez eux, et cela les aide à se poser les bonnes questions sur leur propre exploitation », remarque Bruno Gourdon.

Vers une médecine préventive

Virginie Ondet a acquis des méthodes immédiatement applicables. « J’ai appris à observer mon troupeau : les bouses, les yeux, les poils, le comportement… Tous les indicateurs visibles à l’œil nu permettent de savoir si l’alimentation de l’animal est adaptée. S’il mange trop, cela provoque un excès d’énergie qui va se traduire par des mammites, des boiteries, des inflammations… » Depuis qu’elle est attentive à tous ces paramètres, Virginie Ondet a vu fondre ses frais vétérinaires, tout comme son stress : « Je n’ai plus du tout de boiterie ni de mammite dans mon troupeau. On gagne en sérénité ». Elle constate aussi les bienfaits sur la qualité du lait : « Il est plus digeste pour le veau : il n’y a plus une seule diarrhée en hiver, finis les piqûres et les réhydratants pendant des semaines… Pour mes collègues qui font de la transformation, le lait caille mieux et cela se ressent sur la qualité des fromages ». Cela nécessite tout un basculement de pensée. « On se rend compte que ces vaches qui mangent moins sont en meilleure santé et qu’elles produisent plus de lait. C’est parfois compliqué à faire comprendre », explique-t-elle. Cette optimisation dans l’usage des ressources est pourtant bien réelle. Bruno Gourdon fait remarquer que sur sa ferme, « la production est identique mais avec 30 % de fourrage et 20 % de concentré en moins. Cela vous donne une idée de l’impact que peuvent avoir ses méthodes sur la résilience des fermes en plein réchauffement climatique… ».

Le Comité technique de la région Auvergne Rhône-Alpes