ARBORICULTURE
Des solutions alternatives contre drosophila suzukii

Annie Laurie
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EXPÉRIMENTATION / La dernière « Séance arbo » de la Sefra, le 22 septembre à Étoile-sur-Rhône, s’est intéressée à des solutions alternatives testées contre des bioagresseurs problématiques, dont drosophila suzukii, le forficule et la punaise diabolique.

Des solutions alternatives contre drosophila suzukii
Le domaine de La Tapy teste les filets périphérique sans toit.
Article
Au sein d’un réseau, Sud-Expé teste le piégeage massif de drosophila suzukii.

À cette « Séance arbo », Claire Gorski (Sefra) a présenté la synthèse d’essais de produits pouvant agir comme barrière mécanique contre drosophila suzukii. Parmi ceux testés en 2016, seules les argiles ont donné des résultats intéressants (70 % d’efficacité). Dans l’essai de 2017 (forte population de drosophila suzukii), ils étaient similaires à ceux des insecticides chimiques (efficacité de 70 % aussi). Mais l’argile marque les cerises (pellicule blanche sur les fruits), un inconvénient pour la vente.

Argile plus adjuvant

De 2018 à 2020, un programme FranceAgriMer a visé plusieurs objectifs : chercher des stratégies bio ou conventionnelles en maximisant l’efficacité et limitant le marquage des fruits ; valider l’efficacité sur drosophila suzukii et rhagholetis cerasi (mouche de la cerise) ; tester des solutions de nettoyage des fruits en post-récolte et déterminer l’impact éventuel sur leur conservation.

En 2018, un trop faible volume de bouillie a été appliqué. Et des dégâts de rhagholetis cerasi ont été constatés sur les modalités « argile » sans insecticide chimique (en 2017 aussi). En 2019, l’argile a bien joué le rôle de barrière contre drosophila suzukii (elle empêche ses pontes). Et son efficacité a été augmentée de 20 % avec un adjuvant. En 2020 (pression drosophila suzukii assez élevée), elle a varié entre 50 et 70 % selon les stratégies testées, l’adjuvant a eu le même effet et rhagholetis cerasi a causé des dégâts dans les modalités « argile seule ».

La station de la Tapy est arrivée aux mêmes résultats en termes d’efficacité sur drosophila suzukii et de gain avec un adjuvant dans ses essais de 2019 et 2020. Parmi ses autres observations, l’alternance avec d’autres produits n’a pas forcément d’intérêt, sauf peut-être pour viser rhagholetis cerasi. En conventionnel, l’efficacité de l’argile appliquée seule est de l’ordre de 70 % en cas de forte pression de drosophila suzukii, similaire à des stratégies chimiques. Il peut y avoir un intérêt à alterner ou placer des traitements chimiques au moment de la véraison pour cibler rhagholetis cerasi puis une argile près de la récolte.

Et pour nettoyer les fruits en post-récolte, quatre modalités ont été essayées : le jet d’eau sur cerises en caisses, la calibreuse à séparateur hydraulique (petite ou format industriel), l’hydrocooling et l’acidification de l’eau. Cette dernière solution (ajout d’acide citrique dans l’eau de la calibreuse) semble une piste intéressante.

Filets et bâches

Le domaine expérimental La Tapy a aussi testé une combinaison de filet anti-insectes et bâche anti-pluie dans le cadre du projet Dephy Ecophyto Cap Red (2013-2018). Résultats : sous les filets, les indicateurs de fréquence de traitement (IFT) ont baissé d’au moins 80 % sur les années 2015 à 2017, et de 60 % en 2018. Autres constats : moins d’éclatements, davantage de fruits commercialisables sous les filets qu’avec la référence chimique (surtout en 2018 : 93 % contre 78). « Dans notre essai, le filet permet de réduire le nombre de traitements tout en assurant la protection du verger, a noté Olivier Simler. Mais l’investissement est conséquent : la question de la rentabilité nécessite une approche globale. » Le domaine de la Tapy a en outre posé des filets anti-insectes sur des cerisiers en gobelet (filet seul et filet + bâche). Dessous, la population de drosophila suzukii peut être maintenue à un niveau faible pendant la maturation des fruits. Peu de dégâts ont été constatés à la récolte, toutes modalités confondues, et les IFT ont baissé tout en conservant une protection des cerises. Une autre expérimentation est en cours, dans le cadre du projet Casdar DS2 : un filet périphérique sans toit.

Piégeage massif

Valérie Gallia (SudExpé, station de recherche appliquée fruits et légumes) a communiqué les premiers résultats d’un essai de piégeage massif de drosophila suzukii au sein d’un réseau (10 sites sur cerise en 2019 et 2020), en collaboration avec Bayer Cropscience (projet de biocontrôle I604BCS). La firme a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché pour cerisier, fraisier, framboisier, cassisier, pêcher, prunier, figuier, kiwi, kaki, vigne. Les pièges contiennent de la deltaméthrine et des attractifs spécifiques à drosophila suzukii (durée d’attractivité donnée : minimum 60 jours. La firme recommande de poser 100 pièges par hectare environ 45 jours avant récolte (nouaison) en complément de la stratégie drosophila suzukii de l’arboriculteur.

Les résultats ne sont pas encore tous rassemblés mais « la protection semble souvent améliorée en complément de la stratégie producteur si la pression du ravageur est forte et équivalente en cas de stratégie allégée et pression moyenne ».

Annie Laurie

Des essais ont montré l’efficacité de l’argile (rôle de barrière) contre drosophila suzukii, encore augmentée avec un adjuvant

Des essais ont montré l’efficacité de l’argile (rôle de barrière) contre drosophila suzukii, encore augmentée avec un adjuvant
Le piégeage massif de forficules
« Le piège “pot-journal”est performant, ne coûte pas cher et la récupération des forficules est facile », souligne Yannick Montrognon.

Le piégeage massif de forficules

À la Sefra, Yannick Montrognon a essayé le piégeage massif de forficules sur pêchers. D’abord avec un pré-test de trois types de pièges de fabrication « maison » pour les comparer : un en forme de T, un tuyau de plomberie et un « pot-journal ». Paraissant « prometteur », ce dernier a été retenu pour un test. Un piège a été posé environ tous les deux arbres (256 à l’hectare). Les forficules présents dans la boule de papier ont été récupérés avec un entonnoir. En trois relevés (les 25 juin, 1er et 15 juillet), plus de 180 000 forficules ont ainsi été capturés cette année (nombre estimé à partir de pesées).

« Nous avons choisi le piège “pot-journal”, a conclu Yannick Montrognon, car il est intéressant. C’est le plus performant des trois. La récupération des forficules est facile. Et il ne coûte pas cher : 1,25 € de matériel par piège et environ 28 heures de main-d’œuvre par hectare pour la fabrication, la pose, les trois relevés ainsi que le retrait. Un essai avec différentes modalités devra être réalisé pour connaître l’impact réel du piégeage et son éventuel intérêt économique ».

A. L.

PUNAISE DIABOLIQUE / « La stratégie passera par une combinaison de solutions »
La stratégie de lutte contre les punaises diaboliques « passera par une combinaison de solutions : filets, auxiliaires, plantes de service attractives ou répulsives », selon Nicolas Drouzy, conseiller chambre d’agriculture Savoie-Mont Blanc.

PUNAISE DIABOLIQUE / « La stratégie passera par une combinaison de solutions »

Les piqûres d’alimentation de la punaise diabolique (Halyomorpha halys) et l’injection d’une salive riche en amylases provoquent des dépressions à la surface des fruits, voire des déformations, a expliqué Nicolas Drouzy, conseiller chambre d’agriculture Savoie-Mont Blanc, lors de la « Séance arbo » de la Sefra. Leurs dégâts commencent à être observés environ quatre semaines avant récolte.

Cette punaise est très mobile, se déplace beaucoup, se laisse tomber au sol. Pour vérifier sa présence, les battages tôt le matin ou lors de journées fraîches sont le meilleur moyen (elle est moins mobile). La pêche, la poire, la pomme notamment sont des espèces attractives pour Halyomorpha halys, qui change d’hôtes et suit la maturité des fruits.

On sait que, chez nous, il y a deux générations de punaises diaboliques par an. Elles hivernent sous forme adulte dans les habitations. Mais on ignore combien de femelles survivent et où elles sont entre la sortie de l’hiver et leur arrivée dans les vergers. On ne sait pas non plus où pond la première génération. Halyomorpha halys pond en moyenne 28 oeufs blancs en ooplaque sur la face inférieure des feuilles mais on ne sait combien de fois.

Le projet Supor

Nicolas Drouzy a notamment évoqué le projet Supor (FranceAgriMer) dont le but est de développer des stratégies de protection alternatives contre les punaises phytophages en vergers de pommiers et poiriers. L’un des axes de ce projet est l’amélioration des connaissances : biologie, tests de piégeage (pour identifier la présence de ces ravageurs et optimiser la fermeture des filets) et surtout recherche d’auxiliaires naturels (notamment parasitoïdes) pour peut-être des lâchers « inondatifs » dans le futur. « Cette année, l’efficacité des filets anti-insectes mono-rang ou en barrière latérale a pu être validée : avec, on est passé de 25 % de dégâts à moins de 2 % », a signalé Nicolas Drouzy. La solution chimique n’est pas pérenne ; c’est une transition. La meilleure solution, pour moment, ce sont les filets. La stratégie passera par une combinaison de solutions : filets, auxiliaires, plantes de service attractives ou répulsives. »

A. L.