ARBORICULTURE
Kiwi : une saison en demi-teinte

Mylène Coste
-

ARBORICULTURE / En Ardèche, une centaine d’exploitations produisent aujourd’hui du kiwi, en variété Hayward pour la grande majorité. La récolte 2020 s’annonce globalement moyenne, marquée ça et là par les aléas climatiques et/ou sanitaires.

Kiwi : une saison en demi-teinte
Joséphine Martin, de l’Earl Les Vergers de mon Papé à Baix, a démarré la récolte dès le 12 octobre.

À l’Earl « Les Vergers de mon Papé », à Baix, la récolte a démarré cette année un peu plus tôt qu’à l’ordinaire : « Nous avons commencé à ramasser avec une semaine d’avance, soit le 12 octobre », indique Joséphine Martin, qui succède à son père à la tête de l’exploitation familiale vieille de trois générations. « Le taux de sucre était déjà à 5° voire plus. C’était le moment, précise-t-elle. Nous espérons pouvoir finir avant le 11 novembre : les anciens avaient coutume de dire que des coups de gel pouvaient survenir dès le début du mois ! » L’exploitation comprend 8 ha de kiwi Hayward, convertis en bio il y a cinq ans. « Nous avons aussi quelques kiwaï, et envisageons, pourquoi pas, d’en replanter pour offrir plus de diversité à nos clients », indique Joséphine. Le kiwi jaune ? « Trop sensible à la bactériose, que nous avons déjà du mal à maîtriser sur Hayward. »

PSA, une menace stabilisée mais toujours présente

Depuis quelques années en effet, la bactériose, d’abord cantonnée à quelques foyers proches (Loriol, Saint-Laurent-du-Pape), s’est développée à Baix. « Il y a deux ans, nous avons perdu 20 % de la récolte à cause de PSA, souligne Joséphine Martin. C’est allé très vite, et il a fallu adapter nos pratiques pour éviter que la maladie ne se propage. Aujourd’hui, on applique à la lettre les mesures prophylactiques : on laisse plus de bois lors de la taille, on désinfecte systématiquement le matériel de taille, on s’occupe des parcelles malades en dernier, on traite au cuivre… » Résultat ou pas de ces précautions, la bactériose semble s’être stabilisée : « Sur les arbres que l’on a rebattus et que l’on a fait repartir, la production repart, explique l’arboricultrice. Cette année, on devrait retrouver des volumes de récolte proches de la normale, même si l’on n’atteindra pas notre potentiel maximal qui est de 150 t. »

À quelques kilomètres, la bactériose a aussi donné du fil à retordre à l’Earl Lap’Fruits (Saint-Laurent-du-Pape). « Dans les meilleures années, on a atteint les 80 t de kiwis sur nos 4 ha de vergers, indique Silvain Laprat. Mais avec la bactériose, on est passé en 2018 à 10 t. Face à la propagation de la maladie, on ne se sait plus quelle stratégie adopter. Nous avons arraché une parcelle, mais cela engendre des frais importants. Pour le reste, on essaie de sauver les souches et de faire repartir les arbres. » Bien qu’encore loin de retrouver les niveaux d’avant la maladie, la récolte 2020 devrait être meilleure que les deux précédentes : « Si on parvient à 15 – 20 t, on sera content ». 

Bactériose… Mais pas seulement !

La bactériose touche aussi le bassin d’Aubenas depuis 2017. « Mais ce n’est pas le seul problème, souligne Marie-France Constant, qui cultive 3 ha de kiwi à Aubenas. La pullulation des campagnols fait des ravages : les rats taupiers mangent les racines, les fruits se font rares et plus petits, certains arbres dépérissent. Le pourridié engendre également beaucoup de dégâts. »

Stéphane Leyronas, arboriculteur à Saint-Étienne-de-Fontbellon, confirme : « Le pourridié est responsable de mortalités importantes. Par ailleurs, nous avons eu un peu de gel en avril, mais aussi deux épisodes grêleux en juillet qui ont pénalisé la récolte. » Marie-France Constant poursuit : « Branches et feuilles ont été impactées par la grêle, et on craint des dégâts la saison prochaine ; les yeux pourraient ne pas ressortir. »

En Sud-Ardèche, des pertes liées au gel

Productrice à Bourg-Saint-Andéol, Édith Cabello déplore quant à elle des pertes importantes dues au gel du mois de mars. « Nous aurons à peine une demi-récolte. C’est une catastrophe, d’autant plus que d’autres productions ont été touchées, l’abricot notamment. » Cette arboricultrice paye aujourd’hui le prix de plusieurs années successives d’aléas climatiques : « J’ai perdu des marchés avec des grossistes, faute de pouvoir leur fournir de volumes suffisants. Désormais, toute ma production de kiwis est vendue en direct. J’espère que le reconfinement ne viendra pas assombrir un peu plus les ventes. »

Mylène Coste

1. Pseudomonas syringae pv. Actinidiae.

À Saint-Laurent-du-Pape, Silvain Laprat a vu sa récolte chuter depuis trois ans du fait de la bactériose

À Saint-Laurent-du-Pape, Silvain Laprat a vu sa récolte chuter depuis trois ans du fait de la bactériose
A Saint-Laurent-du-Pape, Silvain Laprat a vu sa récolte chuter depuis trois ans du fait de la bactériose.
« Nous peinons à trouver des plants de qualité »
Stéphane Allix.

« Nous peinons à trouver des plants de qualité »

TROIS QUESTIONS À / Stéphane Allix, directeur administratif et financier chez Vivacoop (Saint-Sernin).

Comment se déroule cette campagne au niveau de la coopérative ?

Stéphane Allix : « Nous ferons une petite année : nous avons perdu des volumes du fait de l’arrêt d’activité d’un coopérateur mais aussi des impacts de la grêle du mois de juillet qui a fait d’importants dégâts sur le secteur d’Aubenas. Les producteurs impactés ont eu très peu de fruits et de petits calibres. La bactériose, qui semble avoir ralenti sur la plaine d’Aubenas, est toutefois toujours virulente sur le secteur de Rosières. Nous devrions atteindre cette année les 200 t de kiwi, loin de notre potentiel de 400 t. La qualité est cependant au rendez-vous, avec des fruits très sucrés et gustatifs. »

Le renouvellement du verger n’est-il pas un enjeu ?

S.A. : « Notre verger de kiwi est en effet vieillissant, et la dynamique de plantation a été refreinée par la bactériose. Pour autant, je crois que le kiwi a un avenir en Ardèche, car la demande ne cesse de croître, les marchés sont là, et cette culture peut représenter un bon complément d’activité à la vigne en Sud-Ardèche. Cependant, nous peinons à trouver des plants de qualité en Hayward. Certains producteurs ont même dû enlever des plants qu’ils venaient d’implanter, constatant qu’ils n’étaient pas du tout productifs. C’est un réel enjeu pour la filière, y compris au niveau national. »

Quelles variétés sont aujourd’hui privilégiées à Vivacoop ?

S.A. : « Nous avons principalement du Hayward, et un peu de Moncap en début de saison (20 t ont été produites cette année à Vivacoop). On parle beaucoup du kiwi jaune aujourd’hui, mais nous sommes plutôt sceptiques car ces variétés ont été vectrices de maladie dans certaines régions. Par ailleurs, nous avons le terroir propice au kiwi vert, qui jouit d’une vraie demande. C’est véritablement devenu un fruit phare de l’hiver, alors profitons-en ! »

Propos recueillis par M.C.

Une récolte française en recul
Les principales régions productrices françaises en 2018. Source : Interfel.

Une récolte française en recul

CAMPAGNE 2020-2021 / Si la production européenne de kiwi est globalement en hausse, celle du kiwi vert diminue. Les variétés de kiwis à chair jaune poursuivent quant à elle leur essor.

La production française de kiwi devrait accuser un recul de 10 %1 par rapport à 2019, où elle s’élevait à près de 55 000 t. Une tendance à la baisse qui se confirme sur les cinq dernières années, puisque l’Hexagone produisait en 2015 et 2016 près de 65 000 t de kiwis. En cause, la baisse des surfaces en production : entre 2019 et 2020, une centaine d’hectares de vergers auraient dépéri. La production de kiwi vert représente 89 % de la production française, largement dominée par le kiwi Hayward (98 % des volumes). 

Une réalité qui contraste avec les tendances de consommation, puisque les Français consomment de plus en plus de ce fruit. Les sommes dépensées par les ménages dans l’achat de kiwi sont au plus haut depuis cinq ans. En termes de distribution, les hypermarchés, marchés et primeurs cèdent du terrain aux produits des enseignes à dominante marques propres (EDMP dont hard discount), grandes surfaces frais (Grand Frais, etc.) et magasin bio. 

Europe : le kiwi vert en recul, le kiwi jaune explose

Au niveau européen, la production progresserait de 6 % par rapport à l’an dernier, soit environ 707 000 t2. La production italienne serait en croissance de 3 %, malgré un net recul de l’Hayward en raison d’importants dépérissements dans les principales régions productrices. Les plantations italiennes de kiwi vert sont remplacées par des variétés jaunes ces dernières années. Une tendance qui se confirme au niveau de l’Europe, dont la production de kiwi vert devrait baisser de 4 %, tandis que le kiwi jaune poursuit son essor (+35 %). 

Toutefois, les volumes grecs de kiwi vert continuent d’augmenter depuis trois ans (+10 % en 2020), en raison de plantations importantes de kiwi Hayward qui remplacent les vergers d’agrumes. Une tendance à la plantation de variétés jaunes semble également émerger.

En France les variétés jaunes se développent et devraient entrer en production dans les prochaines années. Les variétés rouges émergent également, mais devraient rester une niche sur la prochaine décennie ; ces variétés très sensibles à PSA impliquent en effet une culture sous serre plus contraignante.

1. Selon les données du Bureau interprofessionnel du kiwi / Interfel.

2. Selon International kiwifruit organization (IKO).

En Ardèche, le kiwi représentait 3 809 ha en production pour 53 2020 t en 2018.
En Ardèche, le kiwi représentait 3 809 ha en production pour 53 2020 t en 2018.