CONTRACTUALISATION
"La référence au coût de production dans les contrats est non négociable"

Propos recueillis par Sophie Chatenet
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Éleveur dans l’Ain et président de la section régionale bovine Auvergne Rhône-Alpes, Jonathan Janichon appelle les producteurs à redoubler de vigilance dans l’élaboration et la négociation de leurs contrats de contractualisation.

"La référence au coût de production dans les contrats est non négociable"
Jonathan Janichon président de la section régionale bovine de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. © Apasec

Dans le cadre de la loi Egalim 2, la contractualisation est obligatoire depuis le 1er janvier entre l’éleveur et son ou ses acheteur(s). C’est donc bien à l’éleveur de proposer son contrat ?

Jonathan Janichon : « Effectivement, c’est bien à l’éleveur de proposer un contrat ou lorsqu’il est en organisation de producteurs ou coopérateur, ces structures peuvent le faire pour lui si leur règlement intérieur leur permet. Mais dans tous les cas, l’éleveur doit en connaître les modalités et les valider. »

La référence aux coûts de production est l’une des modalités centrales des contrats. Pourquoi les éleveurs ne doivent-ils pas transiger sur cette notion ?

J.J : « La prise en compte des coûts de production est effectivement le point névralgique de la contractualisation. Il vaut mieux ne pas signer un mauvais contrat que d’en signer un qui n’engagerait que des volumes sans faire référence aux indicateurs de coûts de production. Pour mémoire, les seuls indicateurs valables sont ceux validés par l’interprofession. L’enjeu est très clair car il vise une rémunération à hauteur des producteurs. Nous appelons donc tous les éleveurs à ne pas se laisser enfermer par un prix fixe, d’autant que les tarifs ne pourront être revus, que si et seulement si, les indicateurs de coûts de production figurent bien dans les contrats. »

Que se passe-t-il si le producteur vend à plusieurs acheteurs ?

J.J. : « L’éleveur peut faire plusieurs contrats, il n’est pas obligé de contractualiser toute sa production avec un seul acheteur, même si certaines entreprises et coopératives demandent un taux minimum d’apport¹. »

Une fois le contrat proposé, quelles responsabilités incombent aux acheteurs ?

J.J. : « Pour vendre ses animaux, l’éleveur doit proposer un contrat aux acheteurs. Ensuite, les deux parties peuvent rentrer dans un schéma de négociation. Du moment où nous sommes dans le processus de négociation, nous sommes dans la légalité, à condition que l’acheteur ait fait une réponse à la proposition de contrat. Là aussi, ce retour est obligatoire. »

Comment accompagner les éleveurs dans ce changement profond ?

J.J. : « En cas de doute et d’interrogation, les éleveurs ne doivent pas rester seuls. C’est pourquoi, nous les invitons à faire appel à leur réseau syndical. Ne perdons pas de vue l’intérêt énorme pour les producteurs de mener à bien cette contractualisation, et saisissons cette opportunité inédite pour enfin être payés au juste prix. »

Propos recueillis par Sophie Chatenet

1. Pour mémoire, le décret qui régit les apports minimums d’un adhérent à son OP viande bovine (OPC et OPNC) fixe le niveau à 75 % des volumes (comptage en têtes).

À NOTER / Sanctions : jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires

Une amende allant jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires peut être appliquée en cas de non-respect des dispositions de la loi, notamment sur les mesures relatives à la contractualisation producteur-premier acheteur. Cette amende s’applique soit au vendeur, soit à l’acheteur, selon la situation. Les pouvoirs publics indiquent que des contrôles seront mis en place pour vérifier l’application de la loi. Par ailleurs, en cas de litige relatif aux contrats, le médiateur des relations commerciales peut être saisi. Puis en cas d’échec, la nouvelle instance créée par la loi : le « Comité des différends ». Puis le juge, si l’affaire est portée au tribunal.

PRÉCISION / Contrats : pas d'obligation au-dessous de 10 000 € de CA

Les éleveurs bovins de races à viande ne sont pas concernés par l'obligation de contractualiser s'ils réalisent pour ces productions un chiffre d'affaires inférieur à 10 000 €, d'après un décret paru au Journal officiel le 26 décembre. Prévue dans la loi Egalim 2 du 18 octobre, cette exemption s'applique aussi à leurs acheteurs jusqu'à 100 000 € en bovins. Le décret paru le 26 décembre s'applique également aux broutards, à qui la contractualisation obligatoire s'appliquera le 1er juillet 2022. Par ailleurs, la vente directe et les ventes réalisées dans le cadre de marché aux bestiaux sont exemptées de contractualisation.