FILIÈRE BRASSICOLE
Le houblon, une production en plein essor en Auvergne Rhône-Alpes

Marin du Couëdic
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Dynamisée par la croissance des brasseries artisanales dans la région, la culture du houblon attire aussi bien des agriculteurs à la recherche d’une activité complémentaire que des personnes en reconversion professionnelle. Une formation dédiée a réuni quatorze participants à La-Voulte-sur-Rhône le mois dernier. 

Le houblon, une production en plein essor en Auvergne Rhône-Alpes
Une quinzaine d'hectares de houblon sont actuellement cultivés en Auvergne Rhône-Alpes. Ici, la houblonnière « Le champ du loup » à Saint-Laurent-du-Pape au printemps dernier (Crédits photo : Bastien Actis).

Les lianes de houblon s’enroulent petit à petit dans le paysage agricole régional. Dans le sillage du développement des brasseries artisanales, la culture de cette plante grimpante suscite de plus en plus d'intérêt en Auvergne Rhône-Alpes. Fin décembre 2021, à La-Voulte-sur-Rhône, c’est un groupe de quatorze curieux venus de toute la région qui ont suivi une « initiation à la production de houblon » proposée par la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. Animée par plusieurs houblonniers professionnels (Ain, Ardèche, Yvelines), la formation de deux jours visait à acquérir les fondamentaux de cette culture spécifique, comprendre les enjeux de ce marché et mesurer son potentiel dans le cadre d’une installation ou d’une diversification agricole. Le stage s’est achevé par la visite de l’exploitation de Bastien Actis, producteur de houblon à Saint-Laurent-du-Pape, dans la vallée de l’Eyrieux.

« Dans la région, il y a une forte demande des brasseurs pour du houblon bio, local et de qualité. C’est devenu en réponse une production porteuse avec de nombreux projets en cours et des débouchés économiques importants », expose Fabien Repiquet, vice-président de l’Association des producteurs de houblons en Auvergne Rhône-Alpes (Aphara) et producteur dans l’Ain (Houblon du Moulin). « Aujourd’hui, la pénurie en houblon français pousse la plupart des petites brasseries à se fournir à l’étranger, notamment en Allemagne et aux États-Unis, complète Johann Lakowski, président de l’association Houblons de France et producteur en Île-de-France. Il y a toute une filière nationale à structurer à travers la formation, les partenariats et l’évolution de la législation vers des pratiques agroécologiques ».

« Relocaliser la production au plus près des brasseurs »

Loin des grandes houblonnières cultivées traditionnellement en Alsace et dans le Nord, ce modèle émergeant est constitué de petites structures indépendantes d’un à quatre hectares, tournées vers la vente directe, l’agriculture biologique et la diversité variétale. « Notre ambition est de constituer une filière régionale en relocalisant la production sur un modèle remontant, qui part du besoin des brasseurs en matière première », reprend Fabien Repiquet.

L’initiative, qui inclut également la production d'orge (appelé à être transformé en malt), porte ses fruits avec la signature en septembre 2021 d’un plan régional de soutien à la filière brassicole et l’augmentation progressive de la surface cultivée. Selon l’Aphara, Aura serait ainsi passé de 6 ha de houblon en 2018 à une quinzaine d’hectares aujourd’hui, cultivés principalement dans la Drôme, l’Ain et l’Isère. Un chiffre qui devrait grimper à 25 ha en culture en 2022 pour un potentiel de près de 80 ha dans la région. Largement de quoi répondre à la demande.

Diversification ou reconversion

La culture du houblon a donc le vent en poupe et attire un public varié. En témoigne le profil des participants à la formation qui s’est tenue à La-Voulte-sur-Rhône le mois dernier : porteurs de projet cherchant à mettre un premier pied dans l’agriculture, exploitants agricoles en quête de diversification, brasseurs intéressés par l’autoproduction… Installé en grandes cultures à Saint-Priest (Rhône) et élu à la Chambre d’agriculture départementale, Stéphane Peillet en ressort conquis. « Avec mon associé, nous souhaitons créer un emploi à plein temps sur l'exploitation en lançant un atelier houblon bio. Cette formation a rendu les choses plus concrètes et nous a conforté dans notre projet, même s’il manque quelques années de maturité avant qu’on ne commence à planter », témoigne l'agriculteur céréalier.

Mieux renseignés sur les enjeux économiques et techniques de ce type de production, d’autres stagiaires repartent avec moins de certitudes. « J’avais pensé à la culture de houblon pour me diversifier et pour ombrager mes framboisiers. Au terme de cette formation passionante, je ne suis pas certaine d’avoir assez de temps et de surface à y consacrer sur mon terrain en pente », confie Mélissa Lesman, éleveuse de brebis et arboricultrice à Saint-Pierre-sur-Doux, dans le nord de l’Ardèche. 

Une culture exigeante

Si le houblon supporte bien le gel et la neige, il craint le vent (plus de 40 km/h) et la grêle. Sa culture est adapté aux surfaces relativement planes et à un sol sablo-limoneux et acide (ph supérieur à 6). L’entretien du sol se résume à un désherbage mécanique ou thermique et à des opérations de buttage et débuttage répété pendant la saison. Côté sanitaire, ses principaux ennemis sont le mildiou, les araignées rouges et les pucerons.

Mais le principal frein pour se lancer est l’investissement de départ en temps et en argent. Une houblonnière met en effet trois ans à entrer en pleine production et requiert au minimum 300 heures/ha de main-d'œuvre. Selon Fabien Repiquet, il faut compter environ 25 000 € à l’hectare pour la plantation, investir dans du matériel spécifique (trieuse, sécheuse) et prévoir un système d'irrigation. « Si de plus en plus de houblonniers parviennent à en vivre, c’est un modèle économique fragile, qui reste encore à consolider, admet le producteur. Pour autant, de plus en plus de personnes se lancent et il y a encore de la place ! »

CULTURE / Petite histoire du houblon

Ingrédient indispensable au brassage de la bière en compagnie du malt, de l’eau et de la levure, le houblon est une plante herbacée grimpante et vivace (durée de vie de 15 ans) de la famille cannabinacées. Humulus lupulus de son nom scientifique est présent dans nos contrées à l’état sauvage et pousse au bord des cours d’eau. Il est cultivé depuis le 9ème siècle en Allemagne, pays qui compte toujours parmi les plus gros producteurs mondiaux avec les États-Unis et l'Éthiopie. En France, sa production est majoritairement située dans l'Est et le Nord depuis le 19ème siècle.

Le houblon est utilisé depuis le Moyen Age dans la fabrication de la bière pour l'arôme contenue dans ses huiles essentielles et son amertume caractéristique, qui varient selon la variété (il en existe des centaines). Ses propriétés antiseptiques aident également à la conservation. L’un des critères majeurs de distinction des houblons est leur taux d’acides alpha présents dans la résine portée par les fleurs (la lupuline). Les bières dites légères (pils) contiennent entre 20 et 50 g de houblon alors qu’une IPA (Indian pale ale), type de bière très en vogue depuis quelques années, peut monter jusqu'à 300 g/hl. 

FINANCEMENT/ La filière régionale soutenue jusqu'en 2024

Le plan régional de soutien à la filière brassicole a été signé en septembre dernier pour une durée de quatre ans (2021-2024). Financé à hauteur de 1,8 M€ par la région Auvergne Rhône-Alpes, il vise à soutenir l'amont en développant les productions de houblon et d'orge, à renforcer le soutien aux malteries et aux brasseries et à soutenir la recherche et le développement. Pour les producteurs de houblon, il permet une participation à l'achat de plants et d'équipements pour faciliter l'implantation de la culture de houblon.

Un plant de houblon quelques semaines avant la récolte, à l'été 2021 (Crédits photo : Bastien Actis).