LAIT DE CHÈVRE
La lactation longue en production caprine : un choix stratégique

Mylène Coste
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LAIT DE CHÈVRE / Aujourd’hui, les éleveurs caprins sont de plus en plus nombreux à se poser la question de la lactation longue, soit une lactation supérieure à 450 jours selon l’Institut de l’élevage. Un choix à la fois stratégique, mais également structurel. En revanche, elle doit être décidée et non subie. Le point avec Séverine Fontagnères de Rhône Conseil élevage.

La lactation longue en production caprine : un choix stratégique
Avant de se lancer en lactation longue, il est primordial de se poser les bonnes questions : est-ce que cela vaut le coup de traire toute l’année ? Ai-je le bâtiment adéquat ? Quel est mon besoin en lait ?

Depuis plusieurs années, les éleveurs caprins sont nombreux à mettre en place la lactation longue sur leur exploitation ou tout du moins à y réfléchir. Plusieurs raisons les poussent à sauter le pas. « Cette année, ils sont en effet  nombreux à me questionner sur cette méthode de travail car, en début d’année, la filière a dû faire face à un problème de ramassage des cabris, certains centres d’engraissement ayant fermé leurs portes. Par ailleurs, le faible prix au kilo du chevreau a également conduit à cette réflexion. À cela est venue s’ajouter la crise de la Covid-19 et les stocks sont pleins. Ainsi, la lactation longue permet d’avoir beaucoup moins de mises bas et donc moins de cabris », commente Séverine Fontagnères de Rhône Conseil élevage. Pour autant, la conjoncture n’est pas la seule motivation des éleveurs. En effet, certains choisissent la lactation longue dans un but économique : « car cela induit une production de lait toute l’année, pour les laitiers un prix du lait mieux rémunéré en hiver et pour les fromagers une vente de fromages constante sans les contraintes du désaisonnement. Cela permet également de conserver les chèvres à haut potentiel qui ont des problèmes de reproduction ». D’un point de vue sanitaire, les risques associés à la mise bas sont également réduits ainsi que les maladies liées à une surpopulation de chevreaux.


Un bâtiment adapté

Pour autant, s’il semble ne pas en falloir davantage afin d’opter pour cette organisation de travail, avant de sauter le pas, certaines choses doivent être regardées de près pour réussir son passage en lactation longue. Ainsi, est-ce que j’ai le bâtiment adapté pour pouvoir séparer les lots efficacement et permettre la distribution d’une ration plus riche en concentrés aux lactations longues ? « Il faut limiter les apports énergétiques et supplémenter en protéines les plus productives », note Séverine Fontagnères. Comment j’organise le renouvellement de mon troupeau ? Ce sont autant de questions que l’éleveur doit se poser en amont. « En lactation longue, la traite ne s’arrête jamais. Si toutes les conditions sont réunies, l’éleveur doit alors impérativement alloter son troupeau. Le pourcentage des lactations longues ne doit pas dépasser 30 % du troupeau pour éviter toutes dérives », souligne la technicienne. Il ne faudra donc pas se tromper dans la sélection des animaux.


La productivité,critère numéro 1

« Le choix des chèvres est primordial. La sélection sera principalement basée sur la productivité et le statut cellulaire. Plus une chèvre est productive, meilleure sera sa persistance. La quantité de lait doit se situer autour de 2,5 kg à 210 jours de lactation. La mise en lot unique des chèvres en lactation longue permet d’adapter la ration à leur production, le but étant de les maintenir en lactation le plus longtemps possible. Il faudra être vigilant sur le taux de renouvellement (25 %) pour ne pas faire vieillir le troupeau », explique Séverine Fontagnères. Pour ce faire, l’agriculteur devra évaluer finement son besoin en lait pour assurer par exemple sa production de fromages et donc répondre aux besoins de ses clients. « Il faut savoir si cela vaut le coup de traire toute l’année et quel est le volume nécessaire. Plus le troupeau est performant, plus ce sera facile de mettre en place la lactation longue. Il est important de noter qu’il est aussi possible d’instaurer de la lactation longue en monotraite. »


Préserver le potentiel génétique

Pour Séverine Fontagnères, il est également primordial de préserver le potentiel génétique du troupeau. « Pour cela, il faut privilégier l’insémination les trois premières lactations. Les chèvres plus âgées ayant une bonne persistance laitière ou étant peu intéressantes génétiquement pourront être des candidates à la lactation longue. Une mauvaise morphologie de la mamelle peut également être un critère de choix », explique-t-elle. Il est aussi possible de sélectionner les primipares après leur première mise bas pour favoriser leur croissance et les « recaler » avec le reste du troupeau pour la reproduction l’année suivante. Autant de questions qu’il faut évidemment se poser avant la reproduction pour la mettre en place au moment choisi.


Marie-Cécile Seigle-Buyat