VENDANGES
Une avance record

Anaïs Lévêque
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VENDANGES / La saison des vendanges a démarré entre le 6 et le 10 août en Sud Ardèche. Une précocité historique qui s’inscrit dans un contexte économique difficile pour la filière viticole.

Une avance record
Rentrée de Chardonnay à la cave de Valvignères.
Texte de l'article
Jérôme Volle, président de la cave de Valvignères.

Après un printemps ensoleillé et de faibles précipitations cet été, les vendanges ont commencé en Sud Ardèche avec deux à trois semaines d’avance par rapport à 2019. « C’est une année très précoce qui commence exceptionnellement tôt, plus tôt qu’en 2003 qui était une année historique en matière de sécheresse », annonce Jérôme Volle, président de la cave de Valvignères qui a entamé les vendanges de Chardonnay le 10 août. Quelques jours avant sur le secteur de Ruoms, le Muscaris (voir ci-contre) avait déjà donné le départ de ces vendanges 2020. « Avec les températures caniculaires, les degrés montent très vite, il faut vite les rentrer, ils sont déjà entre 11 et 12 degrés », indiquait alors Pierre Champetier, président de l’IGP Ardèche et vigneron à Labeaume. « Maintenant, il faut se tenir prêt dès le début du mois d’août pour vendanger, ça devient la norme. »

Situation sanitaire oblige, des règles strictes de prévention ont été mises en place sur les chantiers de récolte et les travaux en cave. Les embauches de salariés saisonniers sont essentiellement locales.

Des maturités qui évoluent très vite

Cette année 2020 s’annonce également « très concentrée », explique Claudia Gomez, œnologue à la cave de Valvignères, les maturités évoluant très rapidement. « Cette concentration de sucre est un atout pour les blancs et les rosés, mais c’est plus compliqué pour les rouges car l’acidité descend tout doucement à cause du manque d’eau », pouvant donner des degrés d’alcool trop importants. « Nous espérons que ce sera une année équilibrée. Sur les parcelles qui produisaient un “bon rouge”, ce ne sera pas forcément le cas donc il va falloir s’adapter et être très prudents sur la gestion de l’acidité », ajoute Jérôme Volle.

Les rendements des cépages précoces, Chardonnay et Pinot, s’annoncent faibles. « Les Chardonnay sont ceux qui ont le plus souffert du gel et de la neige fin mars, nous aurons globalement des rendements de 25 à 30 hl / ha », estime François Guigon, président des Vignerons Ardéchois, particulièrement sur les contreforts du Coiron, les secteurs d’Alba-la-Romaine, Vogüé et Saint-Remèze. « Pour les cépages tardifs, tout dépendra des pluies à venir. Les vignes commencent à souffrir mais sans exagération, elles sont vertes pour le moment », indique Jérôme Volle.

Hausse des achats locaux

La dégradation du marché économique de la filière viticole par la crise du Covid-19 impacte de nombreux professionnels bien qu’ils constatent une reprise et une stabilité des ventes. « Nous ne rattraperons pas les pertes de chiffre d’affaires de ce printemps mais nous observons un changement de comportement, avec une part d’achats locaux bien plus importante, qui pourrait bénéficier à l’agriculture et à la viticulture ardéchoises », annonce Jérôme Volle. La présence des vacanciers cet été dans les caveaux et sur les activités œnotouristiques confirme cette tendance, pour le plus grand plaisir des professionnels.

Anaïs Lévêque

Premières vendanges avec le Muscaris !
Le Muscaris a été récolté dès le 6 août sur le secteur de Ruoms. ©VigneronsArdéchois

Premières vendanges avec le Muscaris !

En partenariat avec la Chambre d’agriculture, différents cépages résistants aux maladies et à la sécheresse sont expérimentés en Sud Ardèche, comme le Floréal et le Muscaris qui sont issus de créations variétales françaises et étrangères. Très résistant aux maladies cryptogamiques, au mildiou et à l’oïdium, le Muscaris est un cépage hybride créé en Allemagne et issu d’un croisement entre le Solaris et le Muscat Petits Grains, « lointain parent du Seibel créé en Ardèche », indique Pierre Champetier, président de l’IGP Ardèche et vigneron à Labeaume.

Ce cépage a été implanté sur 5 hectares en Sud Ardèche en 2018. Il faudra donc attendre encore 2 à 3 ans pour obtenir des rendements suffisants et évaluer ses potentiels. D’autant plus que les vignes ont été touchées par le gel en mars dernier et ne sont pas homogènes. « C’est un cépage blanc qui a l’air intéressant, très aromatique, avec des notes de Muscat. C’est une première année, il faut attendre... Les vignes ne sont pas homogènes mais elles n’ont pas eu de mal à mûrir et elles n’ont pas souffert de la sécheresse. Il est très précoce et atteint sa maturité avant le Chardonnay. Il laisse présager des vendanges dès juillet, ce qui n’est pas le plus simple pour le travail en cave… », estime Pierre Champetier.

Cette précocité inquiète aussi le président des Vignerons Ardéchois, François Guigon : « Aujourd’hui, nous avons presque un mois d’avance sur les vendanges par rapport à ce que l’on avait 30 ans avant, en raison du réchauffement climatique mais aussi de plantations de plus en plus précoces. Je pense que les jeunes générations devront trouver des cépages leur permettant de retrouver des vendanges plus tardives. Ce n’est pas un avantage cette précocité. Les vendanges sont plus intéressantes début septembre, les maturités peuvent aller très vite. »