EMPLOI
Un besoin de main-d’œuvre "formée et pérenne"

Le ministre Olivier Dussopt s’est rendu sur le site de la Pépinière Lauriol à Saint-Maurice-d’Ardèche, à l’invitation de la FDSEA, Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche et des élus de la fédération régionale de la pépinière viticole Auvergne Rhône-Alpes. Au centre des échanges : les problématiques liées à la compétitivité et la pérennité de la main-d’œuvre agricole.

Un besoin de main-d’œuvre "formée et pérenne"
Les ouvriers saisonniers de la Pépinière Lauriol (Saint-Maurice-d’Ardèche) assurent une multitude d’opérations techniques, comme ici et en premier lieu la récolte des sarments de vigne. ©AAA_AL

Installée à Saint-Maurice-d’Ardèche, la pépinière viticole Lauriol, spécialisée dans la production de boutures greffables et de plants de vignes certifiés, recrute une cinquantaine de salariés saisonniers chaque année entre décembre et mai. Son activité s’étend sur une soixantaine d’hectares en vignes mères à porte-greffe pour la production d’environ 500 000 plants de vigne d’une cinquantaine de variétés différentes.

Ses ouvriers saisonniers assurent une multitude d’opérations techniques liées à la production de plants de vigne : récolte des sarments de vigne et mise en fagot, taille des porte-greffes, greffage, décaissage des greffés soudés, plantation, entretien, arrache des plants, tri… Cette année, le recrutement s’est bien passé, souligne la gérante Cécile Lauriol. « Nous avons trouvé de la main-d’œuvre locale et des salariés marocains recrutés avec l’Ofii1, mais de façon générale, il est très difficile de trouver des saisonniers, de les accueillir… Ils effectuent un travail très physique et exigeant. »

« Le travail n’attend pas »

Ces difficultés d'embauche de salariés saisonniers, qui travaillent sur un temps plus moins long, bousculent de nombreuses filières viticole, arboricole, maraîchère... Lever les freins de ce recrutement intervient avec le maintien et le rehaussement des aides à l’embauche et à la formation des employeurs et des salariés, sans oublier le maintien des exonérations TO-DE, ont expliqué les élus syndicaux. « La situation peut être différente selon les territoires et nous ne sommes pas les seuls métiers à chercher à recruter, à fidéliser, à former, mais nous avons besoin de main-d’œuvre formée et pérenne, de retrouver chaque année des salariés et surtout d’être certain de pouvoir récolter quand c’est le moment. Que ce soit pour les fruits ou les pépinières viticoles, le travail n’attend pas », explique la présidente de la FDSEA, Christel Cesana. « Pour le renouvellement des générations et que les métiers agricoles deviennent plus vivables aussi, cela passe par pouvoir être remplacé et avoir des salariés compétents et formés », ajoute Nathalie Soboul, présidente de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche.

Des contrats difficiles à mettre en œuvre

Globalement, les contrats d’emplois saisonniers sont difficiles à mettre en œuvre, ont expliqué les élus, et « un certain nombre de métiers et d’emplois agricoles n’attirent pas suffisamment nos ressortissants. C’est pour cela que nous nous tournons vers des contrats Ofii1 », déclare Jérôme Volle, président de la commission emploi à la FNSEA.

Les élus réclament un assouplissement de la réglementation relative à l’embauche de main-d’œuvre dont celle des salariés étrangers hors UE. Ils pointent du doigt la longueur des délais de traitement des procédures de demande d’introduction d’un salarié étranger ; le passage obligatoire des offres d’emplois saisonniers auprès de Pôle emploi ; les règles encadrant le logement des salariés saisonniers sur les exploitations… Sur le dossier Ofii, « il faut que nous ayons des positions d’entente avec les pays dont sont ressortissants les saisonniers étrangers hors UE, pour sécuriser leurs allers-retours et caler leurs fonctions aux besoins économiques des employeurs », poursuit Jérôme Volle.

Il a évoqué le travail mené sur le label « Mes saisonniers agricoles », qui vise à améliorer la politique d’accueil et d’investissement de ces travailleurs. « La question du logement est centrale également. Il faut être capable de financer une qualité d’accueil. » Sur le secteur touristique où se trouve la pépinière Lauriol, « il était très difficile de trouver des locations, c’était peine perdue, même en faisant appel à des agences immobilières », retrace la gérante. Ces salariés saisonniers sont logés sur place dans des locaux dédiés.

Reconnaissance en « métiers en tension »

La reconnaissance de l’ensemble de l’agriculture en « métiers en tension » est réclamée par les élus. Décliné par Région, le titre « métiers en tension » autorise à la régularisation des travailleurs dans des secteurs sinistrés en termes de main-d’œuvre, en délivrant une carte de séjour d’un an, moyennant trois ans de présence et huit fiches de paie.

Le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion Olivier Dussopt l’a assuré : « On va essayer de faire en sorte que l’agriculture soit intégrée à cette liste des métiers en tension ». Sa révision n’est pas obligatoire tant que la loi immigration n’est pas votée, a-t-il ajouté. « Si la loi passe, elle sera révisée tous les ans. » Elle se construit sur des données statistiques et références relevées dans le cadre des embauches mais ne tient pas compte des Tesa simplifiés, ont rappelé les élus.

L’enjeu des groupements d’employeurs

Pour pérenniser l’emploi de salariés saisonniers, les élus ardéchois travaillent sur la création d’un groupement d’employeurs départemental. « Nous espérons signer un contrat début avril 2024 avec beaucoup d’ambitions. C’est un enjeu indispensable », a expliqué le président de la chambre d’agriculture, Benoit Claret. Ce dispositif permet de réunir des employeurs de main-d’œuvre saisonnière et de recruter des salariés en CDI, qui auront à intervenir chez divers adhérents pour des travaux saisonniers. Une formule qui réduit les démarches administratives. « Le secteur de l’emploi agricole effraie parfois. Un groupement d’employeurs permettrait de proposer un point accueil emploi où l’on pourrait trouver non seulement un éventail de saisonniers mais aussi une sécurisation dans la rédaction des contrats de travail, des bulletins de salaire, etc. La possibilité aussi de pérenniser des emplois et sortir les saisonniers de la précarité », ajoute Christel Cesana. La modification du calcul des cotisations des groupements d’employeurs, intégrée dans la loi des finances, devrait faciliter le travail des groupements, a rappelé le ministre.

A.L.

1. Office français de l’immigration et de l’intégration.

Le ministre Olivier Dussopt, avec à sa droite la présidente de JA Ardèche, Nathalie Soboul, à sa gauche la présidente de la FDSEA, Christel Cesana, et derrière lui la préfète Sophie Elizéon et le président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche Benoit Claret. ©AAA_AL
L'activité de la pépinière de Cécile Lauriol s’étend sur une soixantaine d’hectares en vignes mères à porte-greffe pour la production de plants de vigne. ©AAA_AL
Environ 500 000 plants de vigne sont produits chaque année à la pépinière Lauriol. ©AAA_AL
Jérôme Volle, président de la commission emploi à la FNSEA. ©AAA_AL