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Covid – 19 : Les laiteries ardéchoises dressent le bilan

Mylène Coste
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LAIT / Comment les laiteries ardéchoises ressortent-elles de ces deux mois de crise commerciale ? Comment envisagent-elles l'avenir ? La parole aux laiteries ardéchoises.

 

Covid – 19 : Les laiteries ardéchoises dressent le bilan
Les fromages de chèvres ont eu grand mal à trouver des débouchés durant le confinement.
« Les premiers signes du déconfinement sont encourageants  »
Les produits de la laiterie Rissoan.

« Les premiers signes du déconfinement sont encourageants »

Mathieu Porlan, responsable d'exploitation à la laiterie Rissoan (Luc)

« Nous avons maintenu la collecte durant tout le confinement. Cependant, nous avons demandé aux éleveurs de faire l'effort de réduire le litrage, soit une baisse des volumes collectés d'environ 6% sur la période. Nous n'avons ainsi jeté aucun lait, et le cours est resté globalement stable.

Les ventes de fromages ont fortement diminué durant le confinement, jusqu'à - 30 %, et ont été très aléatoires selon la période et le secteur. Notre lait de Lozère, vendu en bouteille, s'est en revanche bien vendu et nous a permis d'écouler le lait, bien que ce produit ne rapporte pas de marge.

Nous espérons cependant un sursaut avec le déconfinement. Les premiers signes sont encourageants : notre magasin d'usine en bord de route à Luc, qui était resté ouvert durant la crise, accusait une chute des ventes de 50 % par rapport à l'année passée. Mais depuis le 11 mai, les clients reviennent. Espérons que la tendance se confirme dans les jours et les semaines à venir . »

 

Florent Oddoux
Florent Oddoux

« Nous misons beaucoup sur la réouverture des glaciers et restaurants »

Florent Oddoux, adjoint à la direction à la Laiterie Carrier (Vals-les-Bains)

« Les premières semaines du confinement ont été très difficiles avec l'arrêt de la restauration hors-domicile (RHD). Nous sommes parvenus à reporter une partie de nos ventes vers la grande distribution et avons ainsi pu limiter les excédents en lait de vache. Nous produisons par ailleurs du lait fermenté pour le ramadan, ce qui nous a permis d'absorber une partie des volumes. Mais nous craignons un risque d'excédents trop importants qui nous contraindrait à faire des stocks ou à vendre en poudre de lait, aboutissant à une perte de valeur.

La situation a été très tendue en lait de chèvres. Nous avons été aidés par la laiterie Gérentes qui a acheté une partie de nos volumes. Cela reste aujourd'hui compliqué et très incertain pour la suite.

Nous misons beaucoup sur la saison estivale et la réouverture des glaciers et restaurants qui sont d'importants clients. La période a été rude pour eux : nos volumes de vente auprès des glaciers se sont effondrés de 50 %. Espérons que la situation s'améliore. Nous sommes également très vigilants quant à la santé de notre équipe face au virus. »

 

« Nous vendrons notre lait là on on voudra nous accueillir »
Vincent Bunel (Laiterie de la Laoune) vend du lait sur des marchés locaux.

« Nous vendrons notre lait là on on voudra nous accueillir »

Vincent Bunel, gérant de la Laiterie de la Laoune (Coucouron)

« Malgré nos efforts de stockage, nous avons été contraints d'interrompre la collecte mi-avril. La chute des ventes a été brutale, et bien que les superettes, petites épiceries et grandes surfaces aient rouvert les portes, les consommateurs achètent encore peu de fromage. Quant aux restaurants , un de nos débouchés les plus importants, ils demeurent porte close. Et même s'ils devaient reprendre, leur activité serait ralentie. Aujourd'hui, on navigue à vue. Plus les jours passent, et plus le fromage qui reste dans nos caves s'abîme, perd du poids et donc de la valeur.

Toutefois, certaines enseignes de grandes et moyennes surfaces (GMS) ardéchoises nous ont ouvert leurs portes, ce qui a représenté une bouffée d'air frais pour nous. Mais cela n'est pas encore suffisant pour compenser les pertes. Espérons qu'avec le déconfinement, les consommateurs reprendront leurs habitudes de consommation.

Depuis un mois, et avec l'accord des autorités, nous avons entrepris de vendre du lait (chèvre, vache et brebis) sur les marchés hebdomadaires de Mendes, Langogne et Châteauneuf-de-Randon, mais également depuis mercredi sur celui de Coucouron. Les consommateurs jouent le jeu, et on constate un réel engouement pour notre lait. Nous pourrions également faire une vente sur le parking d'un supermarché de Ruoms. Nous sommes prêts à aller là où on voudra nous accueillir pour écouler notre lait ! »

Mylène Coste

 

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« Il faudra bien ressortir les stocks un jour »
Didier Gérentes

« Il faudra bien ressortir les stocks un jour »

Didier Gérentes, dirigeant de la Laiterie Gérentes (Coucouron / Aurales)

« Depuis le début de la crise, nous n'avons jamais interrompu la collecte. Pour autant, nous avions demandé à nos producteurs de réduire leurs volumes et ils ont fait cet effort, avec une baisse de 4 % des volumes collectés en avril par rapport au mois de mars, et une baisse à peu près équivalente en mai.

Les ventes sont très variables d'un secteur géographique à l'autre, et selon le type de produits. Durant le premier mois de confinement, nos ventes de beurre et de lait UHT ont explosé et ont presque vidé nos stocks. Cette euphorie s'est ensuite calmée en quelques semaines. Nous accusons cependant une chute des ventes de fromages, et si l'activité reprend petit-à-petit, on est encore loin de retrouver un niveau suffisant. Nous avons la possibilité de stocker une partie du fromage, notamment du fromage à pâte pressée. Mais nous ne sommes pas les seuls à faire du stockage, et il faudra bien ressortir ces stocks à un moment ou à une autre, ce qui ne sera pas sans conséquence.

Nous ne pouvons rien augurer pour la suite. Les grossistes reprennent timidement. La saison touristique semble également compromise, or nous vendons la majorité de nos produits en région Auvergne Rhône-Alpes, en particulier l'été avec l'arrivée des visiteurs. »

Gilles Margerit
Gilles Margerit

« La situation en lait de chèvre est préoccupante »

Gilles Margerit, responsable de site à la Fromagerie du Vivarais (groupe Bellevaire - Désaignes)

« Dès le mois de mars, nous avons demandé à nos producteurs de diminuer leurs volumes. L'effet n'a pas été immédiat mais ils ont joué le jeu. Nous avons donc poursuivi la collecte et pu transformer la quasi-totalité du lait en tommes et raclettes essentiellement, avec 50 t seulement de congélation. 1/5 du lait a pu être écoulé sur le site de Bellevaire en Savoie pour faire du gruyère et du fromage de garde; nous n'avons donc pas eu besoin de vendre du lait.

Globalement en fromage de vache, nous avons pu écouler de manière satisfaisante nos produits, notamment par un système de commandes-expéditions via Internet. Mais aujourd'hui, on commence à ressentir une tension au niveau commercial au regard de l'accumulation de stocks au niveau national.

La situation en lait de chèvre est plus préoccupante : dès le début du confinement, les produits lactiques à durée de conservation plus courte ont été boudés par les consommateurs, qui ont aussi réduit leurs dépenses. Le picodon, notamment, s'est très peu vendu, et la fermeture des stands à la coupe, des marchés locaux et halles durant le confinement a été pénalisante pour ce type de fromages. Nous avons transformé un partie du lait de chèvre en tomme pour avoir une conservation plus longue. Nous espérons aujourd'hui qu'avec le déconfinement, les consommateurs se tourneront à nouveau vers les fromages de chèvres, et misons beaucoup sur la saison touristique à venir. »