AGRIVOLTAÏSME
« On a sacrifié le peu de foncier qu'on avait »

Mylène Coste
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Depuis plusieurs années, des constructeurs de structures photovoltaïques s'intéressent au potentiel que représente l'agriculture. En Ardèche, Stéphane et Adèle Lheure en ont fait les frais après avoir signé pour une serre de 2,5 ha. Témoignages.

« On a sacrifié le peu de foncier qu'on avait »
La serre photovoltaïque de Stéphane Lheure est désormais vide, faute de rendement, de calibre et de qualité des framboises cultivées sous la structure.

Dès 2019, Stéphane Lheure s'est lancé dans l'aventure de l'agrivoltaïsme pour la production de framboises. « Je cherchais à changer mes tunnels vieillissants et c'est à ce moment-là qu'on m'a démarché pour me proposer une serre photovoltaïque », résume l'agriculteur de 52 ans. Des visites organisées par le promoteur du projet permettent à Stéphane de visiter des installations similaires dans le Sud-Ouest et en Isère. Il est convaincu. Un an plus tard, une serre photovoltaïque de 2,5 ha sort de terre en Ardèche. Une structure entièrement financée par le constructeur qui empochera les revenus de production d'énergie pendant toute la durée du bail, c’est-à-dire 30 ans.

« Je savais que je perdrais 15 à 20 % de rendement mais avec un outil qui ne coûte rien, ça passe », calcule Stéphane. Quatre ans plus tard, la serre est toujours là mais les framboises, elles, ont disparues. Un rendement diminué de 50 %, une forme et une coloration différentes, des calibres plus petits, un goût qui n'est pas à la hauteur... Après trois ans d'essais, l'agriculteur a décidé d'arrêté les frais : « Sur chaque kilo, je perdais de l'argent ! Ce sont des framboises hors-sol donc la mise en culture est coûteuse, sans compter la main-d'œuvre... Chaque année, c'est un investissement de 100 000 € pour des framboises qui perdent leur valeur ajoutée. »

Manque de lumière, chaleur, air sec

Les framboises, Stéphane Lheure les cultive depuis 25 ans. Sous la serre photovoltaïque, il a observé des réactions végétales qu'il n'avait pas anticipé. « Quand on plante tout va bien, la problématique vient à la floraison », analyse-t-il. Plusieurs raisons expliquent, selon lui, cette débâcle : le manque de lumière, la chaleur et l'air sec. Un environnement qui a aussi favorisé l'arrivée d'acariens sur ses plants. L'agriculteur a alors dû passer par des traitements, puis a tenté d'augmenter l’hygrométrie en installant des tuyaux d'aspersion, il a aussi réduit la densité de plants pour améliorer le rendement... Mais rien n'y a fait. « Malgré ça il faisait chaud et il manquait de lumière », conclut-il.

Autre observation troublante : les difficultés de pollinisation. « La framboise est très mellifère donc habituellement on n'a pas besoin de ruche », détaille Stéphane. Pourtant sous la serre, dès la deuxième année de production, il n'entend pas ce bourdonnement si familier... Les abeilles n'entrent pas. Il commande alors des ruches de bourdons. « Mais j'ai constaté qu'il y avait moins d'activité que dans une serre classique, j'ai dû en mettre le triple. » Stéphane avance l'hypothèse des ondes électriques : « En 2020, quand la structure n'était pas encore reliée au réseau, il n'y avait pas de rendement mais les fruits avaient été pollinisés et on voyait des abeilles sous la serre », se souvient-il.

« Je n'ai pas envie de voir ça vide »

« On a sacrifié le peu de foncier qu'on avait », observe Stéphane, désabusé. Grâce à une autre serre de 2,5 ha (en verre et sans panneaux photovoltaïques), louée dans une commune voisine en 2020, l'exploitation a pu faire face à cette déconvenue. Mais qu'adviendra-t-il à l'avenir ? Avec l'installation de son fils sur l'exploitation il y a quelques mois, Stéphane cherche désormais un site pour monter d'autres tunnels. « En 2022, j'ai acheté 5 ha sur un site bien exposé, à l'abris du vent, mais le permis de construire a été refusé au dernier moment en raison du risque inondation », déplore l'agriculteur. Il balaie des yeux l'immense serre autour de lui. Seuls quelques plants de fraises poussent encore dans un coin. « Je n’ai pas envie de voir ça vide », lâche-t-il. « J'aimerais trouver une solution mais il faut qu'on m'accompagne sur des idées ou des protocoles. »

Pauline De Deus