MARAÎCHAGE BIO
Banc d’essai pour de nouveaux outils

AUTO-CONSTRUCTION / Après une période de recherche et développement au printemps, plusieurs outils fraîchement sortis d’atelier ou de test au champ ont été présentés en juin dernier par l’Atelier Paysan. La démonstration a permis d’échanger sur ces prototypes, d’identifier collectivement les « angles morts » et de recueillir les réactions et pistes d’améliorations.

Banc d’essai pour de nouveaux outils
Un vibroplanche « nouvelle version » : remplacement des dents par des éléments roulants, les « roulémiettes ».

Fin juin, L’Atelier Paysan a organisé une matinée de démonstration à La ferme du Trian à Tullins (Isère), chez Antony Fouqueau, maraîcher installé en agriculture biologique, auto-constructeur chevronné et sociétaire de l’Atelier Paysan. Un évènement organisé par la coopérative, en partenariat avec l’AdaBio1 et Limaille 382 pour présenter huit outils auto-construits pour le maraîchage. Sur trois pôles de démonstration, les machines et outils ont été présentés en action, autour de la préparation des sols et des cultures, de la gestion de l’enherbement (bineuse hydraulique, vibroplanche à étoiles « roulémiette », semoir maraîcher multi-graines) ; de la gestion de la fertilité des sols (épandeur à fumier-compost, distributeur d’engrais) ; du maraîchage sous-couvert (strip-till) ainsi que de l’ergonomie, la polyvalence et l’assistance électrique (lit de désherbage et chtit’bine). Près de 80 personnes, en activité ou en cours d’installation, ont pu découvrir ces équipements et contribuer à poursuivre l’amélioration collective de ces technologies.

Préparation des cultures
La bineuse à guidage hydraulique. ©Atelier-Paysan

Préparation des cultures

Bineuse à guidage hydraulique

Premier outil présenté : une bineuse à guidage hydraulique, dont l’originalité se trouve dans le guidage des parallélogrammes sur lesquels sont montés les éléments de binage (« écrouteurs », socs et doigts bineurs). Contrairement à une bineuse « classique », ces parallélogrammes sont contrôlés hydrauliquement. Très rapprochés les uns des autres, ils sont indépendants du châssis roulant, ce qui permet une grande précision et une meilleure réactivité. Le confort de travail est également grandement amélioré. Par ailleurs, le chassis est posé sur des roues de jauge et il supporte des éléments (étoiles) qui interviennent en bord de planche et ramènent de la terre pour la reformer.

Cet outil semble particulièrement adapté sur des sols battants ayant tendance à croûter en surface comme en témoigne Laurent Naselli, maraîcher au Fontanil-Cornillon (Isère), utilisateur du prototype et qui avait auparavant besoin de trois passages de bineuse « classique » pour arriver à passer les doigt-kress dans de bonnes conditions. Des questionnements techniques sont à poursuivre sur le dimensionnement de ressort pour mesurer au mieux la tension nécessaire de travail.

Preparation culture2
Un vibroplanche « nouvelle version » : remplacement des dents par des éléments roulants, les « roulémiettes ». ©Atelier-Paysan

Vibroplanche à étoiles

Autre nouveauté, le vibroplanche à étoiles avec des éléments nommés « roulémiettes » actuellement en test dans la ferme de Laurent Colas à Moirans (Isère) ainsi que chez quelques autres maraîchers du département. Troisième outil de la gamme de travail en planches permanentes après la buteuse et le cultibutte, il permet une configuration finale de la planche, tant au niveau de la forme qu’au niveau de la structure. Cette version révisée à étoiles est « plus roulante » que le vibroplanche à dents classique avec un remplacement de tous les éléments par deux lignes d’étoiles roulantes (roulémiettes), un rouleau cranté et un rouleau cage.

Cette nouvelle configuration permet d’éviter les problèmes de bourrage fréquents sur cet outil, surtout en terre lourde ou avec quelques résidus de cultures. Il peut, par ailleurs, être passé à grande vitesse (7-8 km/h) et d’autres éléments peuvent être ajoutés tel un traceur sur le prototype mis en démonstration. Les tests en cours dans les fermes permettront de voir si l’humidité du sol entraînera ou non un colmatage sur le rouleau, auquel cas des solutions de lissage seront à trouver. Un réglage hydraulique du premier rouleau pour gérer la profondeur de travail a également été suggéré par un maraîcher présent.

Preparation cultures3
Le semoir maraîcher multi-graines. ©Atelier-Paysan

Semoir maraîcher multi-graines

Dernier outil pour la préparation des cultures et pas des moindres, le semoir maraîcher multi-graines dédié au semis de graines potagères. Il est polyvalent avec son rouleau de semis composé de 25 cellules semeuses permettant de semer l’ensemble de la gamme maraîchère. L’outil est aussi précis et robuste avec un variateur proportionnel à l’avancement mécanique. Pas d’électronique donc sur ce semoir simple à régler et facilement transférable du strip-till à d’autres outils (deux boulons à dévisser seulement).

Joseph Templier, fondateur de l’Atelier Paysan à l’origine de ce prototype, est revenu sur les pistes d’amélioration et de travail sur cet outil : « Des tests de différentes roues de rappui vont être effectués selon le type de sol ou la qualité de préparation de la surface. Des évolutions sont également à réfléchir sur le choix des canules pour qu’elles puissent suivre les aléas du sol. Une piste pourrait par exemple être des canules en tubes emboîtées comme l’on trouve sur des semoirs Nodet. Il faudra enfin voir comment réduire les 10 % de pertes de graines (qui se coincent) aujourd’hui constatées ». Des améliorations et tests qui devraient être réalisés à l’automne pour un outil proposé en formation début 2021.

Fertilité des sols
L’épandeur à fumier-compost autoconstruit : un équipement adapté aux petites fermes. ©Atelier-Paysan

Fertilité des sols

L’épandeur à fumier-compost

La gestion de la fertilité des sols avait également la part belle en cette matinée avec la démonstration de deux nouveaux outils auto-construits : l’épandeur à fumier-compost ainsi que le distributeur d’engrais. Le premier est un outil à benne basculante avec système de trappe attelé au tracteur via un triangle d’attelage. Il est léger et possède un mécanisme de chargement autonome avec système hydraulique. Il permet d’épandre entre 20 et 35 t/ha de fumier composté et possède un débit relativement rapide (environ 70 planches en 2 heures). Il est également possible d’épandre d’autres types de matière organique. Autant pour ses caractéristiques techniques que son prix (1500€ en coût matière), l’épandeur à compost-fumier semble donc particulièrement adapté pour les petites fermes.

Le distributeur d’engrais organique

Le distributeur d’engrais organique est un outil simple qui permet d’amender les cultures avec des engrais organiques sous forme de bouchons ou de poudre. La trémie peut contenir 4 sacs de granulés, et peut être complétée d’une rehausse. Elle est facilement amovible pour pouvoir être installée sur un outil de préparation de sol. Le principe de l’outil est le même que pour le semoir multi-graines : un variateur proportionnel à l’avancement (intégralement mécanique également) permet le réglage du cylindre de distribution, donc de la quantité à épandre. Actuellement, l’outil s’utilise à 2-3 km/h, pour être précis sur le volume épandu.

Une amélioration est d’ores et déjà prévue : augmenter la taille des alvéoles du cylindre pour un meilleur remplissage du bouchon organique et donc plus de précision dans le volume épandu, même à vitesse plus importante. Parmi les suggestions recueillies lors de la matinée de démonstration, on retiendra entre autres le fait de prévoir une poche de récupération de l’engrais en fin de chantier d’épandage, une zone d’émiettage en cas d’engrais colmaté ainsi qu’une nouvelle trémie utilisable sur différents outils via un système de fixation simplifié.

Maraîchage sous couvert
Le strip-till en version autoconstruite adaptée au maraîchage sur sol couvert. ©Atelier-Paysan

Maraîchage sous couvert

Le Strip-till

Le Strip-till est une technique culturale simplifiée, qui consiste à préparer le sol sur une bande de largeur réduite qui accueille le semis ou la plantation. Elle s’insère notamment dans les stratégies d’agriculture de conservation, de maraîchage sur sol couvert et de maraîchage sur sol vivant. L’outil dédié à cette technique est également nommé strip-till et est équipé d’éléments de travail du sol, tels qu’un disque trancheur pour travailler dans un mulch et une dent de travail en profondeur mais sur faible largeur. La version conçue avec l’Atelier Paysan peut également être équipée d’une trémie de semis pour les graines potagères et d’un distributeur d’engrais organique pour combiner les passages.

Ergonomie, polyvalence et assistance électrique
Le « lit de travail » conçu par Farming Soul, adapté au maraîchage, visant l’ergonomie et la polyvalence. ©Atelier-Paysan

Ergonomie, polyvalence et assistance électrique

Lit de travail

La dernière zone de démonstration était consacrée aux outils favorisant l’ergonomie et la polyvalence, à commencer par un lit de travail issu de travaux de Farming Soul pour améliorer l’ergonomie de certaines positions de travail. L’outil permet en effet de travailler allongé sur une banquette pour le désherbage, la plantation ou la récolte. Disponible en différentes largeurs, il enjambe la planche de travail. Kévin Piermay, salarié de Farming Soul3, a rappelé lors de la démonstration le caractère « simple, léger et abordable de l’outil qui peut être réalisé avec 2 vélos de récupération pour une version finale non-électrifiée d’environ 200 e ». Des participants ont suggéré d’utiliser des systèmes d’accroches de planche à voile pour soutenir les jambes et pieds, l’installation d’un support sur le toit pour mettre des caisses et ainsi augmenter la contenance pour les récoltes. Une vitesse d’avancement plus rapide a également été évoquée.

Ergo2
La « chtit’bine » en action. ©Atelier-Paysan

La « chtit’bine »

Quant à la « chtit’bine », il s’agit d’un porte-outil électrique polyvalent, permettant d’atteler des petits outils agricoles, de réaliser un travail du sol superficiel mais aussi de travailler en configuration « lit de désherbage ». Cet outil fonctionne avec 4 batteries de 12V60Ah alimentant un moteur de vélo-cargo ce qui permet de dégager une puissance maximale de 1500 W (soit environ 2CV). La « chtit’bine », par sa conception, permet de travailler avec une grande amplitude de vitesse. Elle présente 10 à 20 h d’autonomie selon les travaux, et un panneau solaire peut être installé (en plus de l’autonomie électrique, le confort de l’ombrage est bienvenu en été). Antony Fouqueau, maraîcher ayant auto-construit l’outil basé à Tullins, regrette néanmoins un manque d’ergonomie et de confort pour l’accès du lit de désherbage.

Objectif réussi pour cette journée qui aura permis de recueillir plusieurs réactions et pistes d’améliorations. Encore quelques mois d’essais, de réglages et de modifications, et certains de ces outils seront proposés en formation à l’hiver.