VITICULTURE
« Nous avons retrouvé une dynamique »

Propos recueillis par A.L.
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TROIS QUESTIONS AUX / Présidents des caves de Saint-Remèze, Orgnac-l’Aven et Bourg-Saint-Andéol qui ont cessé de fusionner depuis cet été.

« Nous avons retrouvé une dynamique »
Les membres du conseil d'administration de la cave d'Orgnac-l'Aven, accompagnés au centre de leur présidente Christel Cesana.
Article 1
Christel Cesana, présidente de la cave d'Orgnac-l'Aven.

Depuis quand les caves de Bourg-Saint-Andéol, Saint-Remèze et Orgnac-l’Aven fusionnaient-elles ? Quels étaient les besoins à ce moment-là ?

Cyril Jaquin : « Les trois caves fusionnaient depuis 2010. Avec l’Union des Vignerons Ardéchois, nous avons toujours eu de très bons prix sur nos vins, mais les surfaces en production de chaque cave diminuaient par rapport à l’arrachage définitif, les volumes traités également, donc nous avions des frais de vinification importants, rendant les activités difficiles pour chaque structure.

La fusion était aussi une solution intéressante par rapport au fait que nos productions étaient identiques, nous faisions tous des vins AOC (Côtes-du-rhône et Côtes-du-rhône Village et Côtes-du-Vivarais). Nous pensions donc qu’il était opportun de mutualiser nos activités face à la diminution des apporteurs et des volumes produits. »

Christel Cesana : « Ce rapprochement répondait aussi à une volonté de moderniser et de pérenniser les structures. Nous avions peur que les charges et frais de vinification augmentent ce qui nous a incité à vouloir s’organiser autrement. »

Jean-Christophe Tardieu : « Nous espérions insuffler un nouveau dynamisme avec la création d’un pôle AOC, en mutualisant les apports entre caves, les compétences en production et sur le volet administratif. À ce moment-là, nous sortions d’une crise importante pour les AOC, qui avait duré trop longtemps. »

Article 2
Cyril Jaquin, président de la cave de Saint-Remèze.

Quels problèmes avez-vous rencontré, expliquant l’arrêt de cette fusion fin juillet 2020 ?

J.-C. T. : « Nous ne sommes jamais arrivés à atteindre nos objectifs de frais de vinification. Nous avons pu les contenir, mais pas les réduire. Nous avions eu aussi de nombreux aléas climatiques qui ont perturbé cette fusion, des départs de coopérateurs, et des arrachages définitifs que nous n’avions pas pris en compte au moment de la fusion. »

C.J. : « Le fonctionnement du secrétariat marchait bien mais pour le reste, chaque cave avait gardé son propre fonctionnement. Nous n’avions pas pensé à la distance géographique entre les trois caves. Sur une cuvée, il était très difficile de mutualiser les apports de raisins, c’est inimaginable la distance entre les trois caves en tracteur… Nous n’avons donc pas réussi à générer de diminution de nos frais de vinification. Nous n’avons pas réussi non plus à créer de lien entre les coopérateurs et cette nouvelle entité. Quand on s’éloigne de son outil, les gens s’impliquent moins. Avec la distance géographique, chacun restait lié à son propre site de vinification. Nous avons constaté aussi un éloignement de nos coopérateurs à leur propre caveau. Dans ces conditions, nous n’arrivions pas à avancer sur des projets communs. Les trois sites ont donc décidé de recréer chacun une cave, avec un fonctionnement moins éloigné de leurs coopérateurs. »

C.C. : « Il est difficile de fermer un site mais certains viticulteurs avaient en effet l’impression de perdre leur identité. L’éloignement des caves posait de sérieux problèmes financiers aussi, il aurait été possible de fermer une cave et s’organiser pour récupérer la production - la cave de Bourg-Saint-Andéol étant située entre les deux autres caves, sa production aurait pu être acheminer à la cave de Saint-Remèze - mais cela n’a pas été possible. La cave de Bourg-Saint-Andéol travaille pour 80 % en Côtes du Rhône bio et avait peur que celle de Saint-Remèze ne soit pas assez adaptée pour ce type de production. Nous aurions pu le faire mais ce n’est pas si simple. »

Depuis l’arrêt de cette fusion, quels résultats se font d’ores et déjà sentir ?

C.C : « Les coopérateurs comprennent mieux le lien que nous avons avec l’Union des Vignerons Ardéchois, qui vend nos vins. Cela nous a rapproché, tout en gardant l’esprit de coopération de chaque cave, notre identité et notre terroir. Nous allons tout faire pour aller de l’avant ! Trouver des solutions pour récupérer des raisins, partager les étapes de vinification, les compétences et les outils de chacun. La coopération est un outil formidable. Il permet de mettre en œuvre des choses que l’on ne peut financer seul. Il faut garder cette dynamique de groupe. »

J.-C. T. : « L’arrêt de la fusion a été un électrochoc. Il nous permet de partir sur d’autres bases et, je pense, de remutualiser nos compétences sans reproduire les erreurs que l’on a pu faire par le passé. Dans le futur, il faudra mutualiser le côté administratif des Vignerons Ardéchois, que toutes les caves s’harmonisent entre elles. Si nous voulons travailler ensemble, il faut s’harmoniser entre nous. »

C.J. : « Aujourd’hui, les coopérateurs reviennent et sont plus impliqués, sur tous les sites. Nous avons retrouvé une dynamique. Nous sommes trois caves maintenant, mais nous restons toujours des Vignerons Ardéchois ! »

Propos recueillis par A.L.