VITICULTURE
L’IGP Méditerranée s’impose, dans le sud-est et au-delà

Pauline De Deus
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Tous les voyants sont au vert pour Inter-Med. Mardi 16 janvier, la fédération a fait le bilan annuel lors de son assemblée générale organisée à Saint-Sernin, en sud Ardèche.

L’IGP Méditerranée s’impose, dans le sud-est et au-delà
Eric Paul, président du comité IGP de l’Inao, Thierry Icard, président d’Inter-Med, Marc Dejoux, président de l'IGP Ardèche, et Olivier Nasle, président du comité national de l'agriculture biologique de l'Inao. ©AAA_PDeDeus

Inflation, contexte international tendu, baisse de la consommation, aléas climatiques… Comme toutes les productions, la viticulture n’est pas épargnée par la conjoncture actuelle. Pourtant, et bien que les difficultés aient été rappelées par le président d’Inter-Med, Thierry Icard, force est de constater que la fédération a su tirer son épingle du jeu. Davantage de production, davantage de ventes, et même, davantage d’opérateurs : l’IGP Méditerranée s’impose comme une indication viticole puissante et toujours plus reconnue pour ses qualités œnologiques. « En 2011, à partir du moment où on est passé de vin de pays à l’IGP Méditerranée, on a fait émerger une vraie appellation régionale », se félicite Thierry Icard. En 13 ans, les volumes ont connu une hausse de 60 % dans les huit départements producteurs.

Un vignoble de plus de 11 000 ha

La saison 2022-2023 marque d’ailleurs un nouveau cap avec des surfaces jamais atteintes jusque-là pour l’organisme de gestion (ODG) : aujourd’hui, le vignoble de l’IGP Méditerranée s’étend sur 11 389 hectares, notamment dans le Vaucluse, premier département producteur. C’est toujours en rosé, sa production historique, que ce vin se démarque (plus de 70 % de la production et de la commercialisation). Toutefois, les blancs et surtout les rouges de l’IGP Méditerranée se font progressivement une place sur les tables des Français. En 2023, les vins blancs se sont particulièrement illustrés, avec une hausse des ventes en volume de plus de 20 %, particulièrement pour les Bibs (bag in box), de plus en plus prisés. La vente de vin rouge IGP Méditerranée a également progressé de 5 %. Au niveau géographique, la consommation s’est déplacée vers le nord. Avec les chaleurs et la baisse de fréquentation touristique dans la région Paca, les ventes ont été impactées, mais compensées par la demande parisienne qui est, elle, en hausse.

Une stratégie à l’export

Mais la stratégie de l’IGP Méditerranée se situe surtout en dehors de l’Hexagone. Bien que le marché extérieur connaisse régulièrement des soubresauts, les responsables de l’interprofession ont la conviction que c’est l’axe à privilégier pour perdurer. Avec une baisse de la consommation intérieure, qui pourrait atteindre 17 millions d’hectolitres en 2030 (contre 24 millions en 2022), « le marché français se meurt », dénoncent certains acteurs du secteur. À l’export, au contraire, la demande de certains pays semble porteuse. Notamment chez de nouveaux consommateurs, au nord de l’Europe, comme au Pays-Bas et au Danemark où les exportations ont respectivement progressé de 136 et 66 % pour l’IGP Méditerranée. Et la fédération dispose encore d’une large marge de manœuvre : « On fait 100 000 hl annuellement à l’export… À l’échelle internationale, ce sont de petits volumes ! », défend Roger Ravoire, vice-président d’Inter-Med. Pour développer cet axe, la fédération compte aussi sur les contributions de ses opérateurs, afin d’avoir davantage de moyens et de pouvoir encore conquérir de nouveaux marchés.

Pauline De Deus

EAU

Une irrigation synonyme de qualité

Le besoin en eau a occupé les débats des viticulteurs lors de l’assemblée générale d’Inter-Med, avec une conclusion : irriguer oui, mais mieux, et toujours dans l’optique d’améliorer la qualité des vins.

Pour ouvrir le débat, Sylvain Gras, directeur du centre œnologique de Ruoms, a présenté l’intérêt de l’irrigation : « Une pulpe stressée est plus gélatineuse, plus sucrée ou, au contraire, plus acide, avec des écarts importants d’une baie à l’autre. C’est compliqué de réussir à produire nos vins souples, frais et très axés sur le fruit avec une vigne stressée ». Toutefois, les méthodes d’irrigation sont, selon lui, aujourd’hui de vrais enjeux avec des infrastructures parfois vétustes, sur des terrains complexes, qui engendrent des marges d’erreur pouvant aller jusqu’à 60 % (entre l’irrigation souhaitée et l’eau qui arrive effectivement à la plante). « La solution à cela, c’est un système d’irrigation bien en place, bien entretenu, mais ce n’est pas anodin, prévient-il. Ça demande des investissements et une charge de travail importante. »

Favoriser l’accès à l’eau

En réponse à cette présentation, Jérôme Volle, viticulteur en Ardèche et vice-président de la FNSEA, a tenu à rappeler qu’en matière d’irrigation, les viticulteurs sont « en train de se professionnaliser et d’évoluer ». Problème : en Ardèche, tous n’ont pas accès à l’eau. « Sur la zone arboricole, le réseau existe, mais dans d’autres secteurs il n’y a aucune infrastructure d’irrigation », rappelle-t-il. Dans ce contexte, le représentant FNSEA plaide pour un travail autour de la ressource : « L’agriculture s’est positionnée en disant que nous, on voudrait irriguer 4 000 hectares de vignes sur les 6 000 ou 7 000 ha de notre territoire ! L’objectif, c’est de montrer que la viticulture fait partie des secteurs qui auront besoin d’eau à l’avenir ».

Aller vers plus d’acceptation sociétale

Pour Jérôme Volle, le combat est, à la fois, professionnel (pour améliorer l’efficacité de l’irrigation), politique (pour obtenir le soutien des pouvoirs publics dans la création de réseau), mais également sociétal (pour aller vers plus d’acceptabilité du grand public autour de ces sujets). « On veut corriger le stress hydrique pour faire des vins qui correspondent aux demandes des consommateurs », abonde Eric Paul, président du comité IGP de l’Inao. De son côté, Olivier Nasle, président du comité national de l’agriculture biologique de l’Inao, rappelle qu’« une eau d’irrigation, n’est pas une eau perdue ». Outre les services que l’eau peut rendre à la population (pour la consommation, l’économie touristique, la lutte contre les incendies, les autres cultures, etc.), l’eau participe aussi au maintien de la biodiversité dans des territoires asséchés par les chaleurs. Et Olivier Nasle d’ajouter : « Le grand enjeu pour nous, c’est notre équilibre économique, la répartition des usages et la façon dont on va l’expliquer à la société ».

P.D.-D.

COMMERCIALISATION

« On produit avant tout des IGP Ardèche »

Si la campagne 2022-2023 est une fois de plus positive pour l’IGP Méditerranée (avec une hausse de 25 % des volumes commercialisables), la contribution ardéchoise reste relativement faible, avec une moyenne de 30 000 hl annuellement. 

« On était dans les pionniers pour lancer le Méditerranée, avec André Mercier et Pierre Champetier, mais aujourd’hui, on produit avant tout des IGP Ardèche qu’on arrive à mieux valoriser », précise Marc Dejoux, président de l’IGP Ardèche. La production d’IGP Ardèche est en moyenne de 350 000 hl par an, et la contribution ardéchoise à l’IGP Méditerranée de 30 000 hl. D’autres départements, dont les IGP locales ne bénéficient pas de la même renommée, sont au contraire de gros producteurs de l’indication Méditerranée. C’est notamment le cas du Var, du Vaucluse ou des Bouches-du-Rhône.

Une maîtrise des stocks

« Mais que ce soit en Ardèche ou en Méditerranée, face à la crise viticole, nous avons pris les décisions nécessaires pour maîtriser les stocks », souligne Marc Dejoux. Un outil baptisé VIP2C (Volume individuel de production commercialisable certifiée) a été mis en place sur les rosés et les rouges pour que le volume commercialisable des metteurs en marché soit établi en amont, en se basant sur les moyennes des années précédentes et le contexte commercial. « Ainsi, on arrive à maintenir nos prix », se félicite Marc Dejoux. Il souligne toutefois la difficulté pour les exploitations viticoles qui voient leur marge diminuer en raison de l’inflation. « On fait le dos rond et on espère que des jours meilleurs vont arriver », conclut-il.

L’IGP Méditerranée en bref

  • Vins : rosés (70 %), rouges (19 %), blancs (11 %).
  • Principaux cépages : Grenache, Cabernet, Merlot, Syrah, Viognier, Chardonnay, Caladoc et Marselan.
  • Produite dans huit départements : Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Drôme, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse.

Inter-Med : double casquette

Créée en 1999, la fédération Inter-Med exerce 2 activités. Elle est à la fois l’organisme de défense et de gestion pour l’IGP Méditerranée, mais elle a aussi un rôle de représentativité syndicale pour les 16 IGP présentes sur son territoire de production. Elle mutualise également les moyens avec les 7 syndicats de département.