ARBORICULTURE
L'emploi et l'actualité arboricole au cœur des débats

Pauline De Deus
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Un temps d'échanges autour de l’arboriculture et son actualité a été organisé par la FDSEA et Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, jeudi 16 mai, au sein de l’exploitation arboricole de Fabien Rousset à Empurany.

L'emploi et l'actualité arboricole au cœur des débats
Élus et agriculteurs se sont réunis pour aborder plusieurs thèmes d'actualité. Le recrutement et la lutte sanitaire ont tenu le haut de l'affiche. ©AAA_MMartin

Ce rendez-vous réunissait arboriculteurs et élus, venus pour échanger autour de l’actualité arboricole, mais aussi des avancées obtenues et du travail encore en cours, suite aux mobilisations de ce début d’année. Devant la difficulté des agriculteurs à recruter, le thème de l’emploi a été un des sujets phares abordés par les agriculteurs. Fabien Rousset, arboriculteur sur les hauteurs d’Empurany et hôte de cette réunion, a partagé en guise d’introduction son expérience : « Avec le changement climatique, nous avons des pics de travail aléatoires et une main-d’œuvre rare. De plus, la population de salariés que nous avions l’habitude d’embaucher vieilli. À l’automne dernier, j’ai fait appel à un prestataire de services. Au 15 avril, quatre salariés sont venus pour travailler sur l’exploitation. Mais ce n’est pas si simple et il faut les héberger ». La problématique du logement est longuement revenue dans les débats, faisant état de normes de logements difficiles à mettre en place, selon les agriculteurs, notamment par rapport à une réglementation parfois non adaptée à la saisonnalité des emplois agricoles, ou encore l’interdiction en Ardèche de proposer un logement sous tente. Pourtant, le logement est la pierre angulaire de l’attractivité des emplois agricoles. Luc Pierron, viticulteur dans le sud du Beaujolais et président de la commission emploi de la FDSEA du Rhône, invité pour cette matinée d’échanges, a assuré qu’au « niveau national, un travail est mené pour assouplir des règles ».

Des avancées… Mais encore un long chemin à parcourir

« Lancé par la FNSEA, au niveau national, se met en place un système pour ceux qui bataillent à trouver de la main-d’œuvre avec le dispositif "Mes Saisonniers Agricoles" », informe le viticulteur rhodanien. « Depuis janvier, on s’est raccroché à la mesure nationale », ajoute de son côté le secrétaire général de la FDSEA, Benoît Nodin. En Ardèche, un groupement d’employeurs devrait se mettre en place d’ici le mois de juin, porté par des membres fondateurs tels que la chambre d’agriculture, la FDSEA, JA et le Service de remplacement. Un service offert aux employeurs, dans le but de fournir une aide administrative et une aide pour la ressource afin de fédérer la main-d’œuvre en réseau.

Parmi les avancées obtenues, figure la pérennisation du dispositif TODE (Travailleur occasionnel demandeur d’emploi), revalorisé à 1,25 du Smic, qui permet aux employeurs agricoles de bénéficier d’exonérations de cotisations sociales pour l’embauche de travailleurs saisonniers. « Nous souhaitons désormais l’élargissement de l’allègement des charges à l’ensemble des contrats agricoles, pour permettre à l’entreprise de développer ses activités et monter en compétences », affirme Benoît Nodin.

Autre sujet évoqué, la lutte sanitaire s’est imposée sur le devant de la scène au cours de la réunion. Concernant la lutte biologique contre les ravages de la Drosophila Suzukii, la recherche avance, à l’instar du récent lâcher de microguêpes Ganaspis, un parasitoïde luttant contre la mouche provenant d’Asie du Sud-Est. Mais pour Aurélien Soubeyrand, membre du bureau du FNPF, « il faut rappeler au gouvernement l’importance de prolonger l’autorisation de mise en marché (AMM) de certaines matières actives, car la recherche prendra quelques années ». L’Exirel, un insecticide, a ainsi obtenu une dérogation de mise en marché jusqu’à fin 2024.

Concernant les usages de l’eau, Sylvain Bertrand, membre du bureau et du conseil d’administration JA, se félicite : « Au sujet des retenues collinaires, les procédures via la DDT se sont considérablement améliorées. Un arrêté interdisait la construction de retenue sur zone humide ». Désormais, en dessous d’un hectare, « on peut avancer sur des projets de capture d’eau », ajoute Benoit Nodin.

Cette rencontre entre arboriculteurs et élus a permis de faire un point sur les avancées obtenues depuis les mobilisations de janvier et février, tout en restant vigilants sur les sujets à améliorer et les combats qu’il reste à mener.

M.M.

« Nous souhaitons assouplir les conditions de logement, tout en restant dans des conditions qui soient dignes pour nos salariés »
Luc Pierron, viticulteur et président du CREF Aura. ©JA07
INTERVIEW

« Nous souhaitons assouplir les conditions de logement, tout en restant dans des conditions qui soient dignes pour nos salariés »

Luc Pierron est président de la commission emploi de la FDSEA du Rhône. Il revient sur l’un des thèmes les plus débattus lors de cette rencontre : l’emploi.

Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs qui cherchent à recruter ?

Luc Pierron : « Tous les secteurs agricoles sont concernés par la difficulté à recruter, il y a énormément d’offres d’emploi à pourvoir. Il n’y a pas assez de personnes disponibles aux périodes de récolte dans l’agriculture. C’est pourquoi il y a toujours eu des saisonniers étrangers à hauteur de 30 à 40 % sur le territoire pour pallier ce manque. Il est donc important d’avoir plusieurs sources de recrutement via les groupements d’employeurs, les réseaux sociaux, le bouche-à-oreille, les réseaux étudiants. Nous savons aussi que la mobilité et le logement sont des facilitateurs à l’embauche. »

Que faudrait-il faire pour faire face aux difficultés de logement des salariés ?

L.P. : « Nous sommes en train de mener une réflexion avec différents ministères pour trouver des alternatives aux règles nationales qui s’appliquent à tous les corps de métiers. Nous souhaitons un assouplissement des conditions de logement, tout en restant dans des conditions dignes pour nos salariés. Les salariés du monde agricole ont les mêmes besoins que des salariés du bâtiment par exemple. Cependant, lors des saisons agricoles, il peut y avoir un pic d’activité de 3, 4 ou 15 jours et nous ne pouvons pas avoir forcément davantage de bâtiments - construire ou les agrandir n’est pas non plus facile au regard de la réglementation d’urbanisme - pour accueillir la main-d’œuvre et répondre aux normes. En effet, nous mettons à disposition des logements pour de courtes durées et on nous demande de respecter des normes qui sont différentes de celles des hôtels Formule 1, par exemple. Des normes qui concernent le nombre de m2/personne, le nombre de douches, etc. Il y a des choses à mettre en place en faisant preuve de bon sens. Un des freins évoqués lors des discussions pour trouver des avancées en matière de logement est la concurrence déloyale notamment avec les campings ou les centres hôteliers. Sauf qu’il est très difficile et coûteux de réserver gîtes ou camping dans certaines régions touristiques en période estivale. Nous sommes dans une dualité car d’un côté pour les saisonniers, en général, les hébergements leur conviennent et de l’autre, on ne colle pas forcément aux règles pour l’inspection du travail. »

Sur la pérennisation et le renforcement du dispositif TODE1, quelles autres avancées ont été obtenues pour améliorer les conditions de recrutement ?

L.P. : « Le maintien du dispositif TODE est un réel soulagement pour nous, en effet, nous n’aurons plus la crainte que ce dispositif essentiel pour l’agriculture s’arrête. Nous avons également acquis la reconnaissance de métier en tension. Nous en avions besoin pour nous permettre de réduire la longueur de la procédure pour embaucher des salariés étrangers. Nous ne sommes plus obligés de passer par France Travail pour déposer nos annonces. »

Pouvez-vous présenter le dispositif « Mes Saisonniers Agricoles » ?

L.P. : « C’est un dispositif lancé par la FNSEA, dont le but est d’aider le recrutement agricole et de sécuriser la main-d’œuvre. J’entends par là, l’employeur, mais aussi les saisonniers étrangers qui vont venir travailler sur le territoire : les sécuriser à l’aller, mais aussi au retour. Le dispositif fonctionne avec une cellule de recrutement sur place qui prend en compte le profil pour le poste recherché et le nombre de personnes à recruter. Il faut compter en moyenne un délai de 4 mois pour une première embauche entre la prise en compte du besoin de main-d’œuvre et l’arrivée des saisonniers. Si c’est un renouvellement d’autorisation, cela va un peu plus vite. De notre côté, on s’engage à avoir des conditions d’accueil et à respecter les bonnes pratiques et le droit du travail. Le but est aussi d’arriver à communiquer les documents qu’il faut à tous les organes de contrôle. »

Pourquoi créer une charte des bonnes pratiques ?

L.P. : « C’est important d’avoir un document qui recense tout ce qu’il faut faire pour être en règle lorsqu’on fait appel à un prestataire. Nous travaillons avec des acteurs comme la MSA, l’inspection du travail, les organisations syndicales de salariés… On essaie de toucher à tous les sujets : on part du contrat de travail jusqu’aux questions de logement. C’est un long travail, mais obligatoire pour sécuriser nos entreprises face à la complexité du droit du travail. Nos FDSEA sont là pour vous accompagner si vous avez questions. »

Propos recueillis par M.M.

De gauche à droite : Luc Pierron, Fabien Rousset, Benoit Nodin, Auréline Soubeyrand, Anthony Feasson et Benoit Claret se sont déplacés pour rencontrer les arboriculteurs. Parmi les thèmes abordés : le recrutement, l'assurance récolte, la problématique des vergers abandonnées, l’eau, la lutte sanitaire et les aléas climatiques. ©AAA_MMartin