ARBORICULTURE
Kiwi : de gros calibres, mais une récolte disparate

Cette année, la récolte de kiwis a été retardée en Ardèche. Au profit de gros calibres, mais d'une récolte décevante pour de nombreux producteurs.

Kiwi : de gros calibres, mais une récolte disparate
Chantal Capelle du Gaec Les Clapas est au diapason avec les autres producteurs de kiwis : « Nous avons eu de la grêle au mois de mai sur des kiwis tout juste formés et donc de la perte sur la récolte, mais un bon calibre avec un bon taux de sucre ». ©Gaec_Les_Clapas

« Le calibre est plus joli que l’an dernier, malgré la chaleur. La pluie de septembre a favorisé le calibre. Mais le taux de sucre a été très lent à monter avec un taux de fermeté qui retombe très vite. La récolte a été retardée, nous avons été obligés de déclencher la récolte pour pouvoir ensuite conserver les kiwis », constate Marc Dejoux, cultivateur de 2,5 ha de kiwis en variété Hayward à Saint-Sernin.

À l’aide d’un réfractomètre, les producteurs, en prélevant un échantillon, estiment si le taux de sucre est suffisant pour la récolte. « Selon la météo, on déclenche, on peut commencer à partir de 6.2, 7 brix », développe Édith Cabello, productrice de 6,5 ha de kiwis à Saint-Marcel-d’Ardèche. « Aux alentours de la Toussaint, le gel accélère la maturité. Les kiwis très acides au départ, peuvent être conservés six mois dans un frigo. Par contre à la vente, le taux de sucre peut vite monter », prévient Silvain Laprat, producteur de 6 ha de kiwis à Saint-Laurent-du-Pape.

Pour Marc Dejoux, cette année, c’est une « demi-récolte », en partie due à ses plantations âgées. « J’ai replanté un hectare qui n’est pas encore entré en production », analyse-t-il. « Dans le coin, on a tous planté plus ou moins en même temps, donc les plantations ont vieilli. »

Une récolte au gré des aléas climatiques

Si la récolte est déficitaire sur l’ensemble du territoire national, le manque de tonnage cette année en sud Ardèche est pour Christophe Guigue, arboriculteur de 16 ha d’Hayward à Saint-Just-d’Ardèche, en partie causé par la chaleur et la sécheresse de 2022. « La floraison se fait en juin, s’il y a un problème de chaleur, cela a un impact l’année d’après. » Du côté d’Édith Cabello, qui récolte entre 15 et 20 tonnes à l’hectare quand les conditions climatiques sont favorables, « il y a un manque d’eau, depuis deux, trois ans, il ne pleut pas au printemps, au développement de la plante ». De plus, le gel et la grêle, combinés aux grosses chaleurs favorisent l’apparition de la bactériose (PSA).

Le fantôme de la bactériose

Autre facteur à prendre en considération concernant la baisse du tonnage : la bactériose, très présente dans les vergers de kiwis et qui impacte le rendement en augmentant la mortalité. À cause de la maladie, Christophe Guigue n’a pas replanté pour renouveler sa plantation vieillissante. « À lever le pied, on se retrouve le bec dans l’eau », constate-t-il avec une pointe d’ironie. « On a appris à vivre avec », philosophe Marc Dejoux.
Silvain Laprat a de con côté subi de plein fouet la bactériose en 2018, juste après s’être installé. « On est passé de 80 tonnes à 10 tonnes de production. Il aura fallu cinq ans pour revenir sur 6 ha (dont un verger pas encore en production) à 40 tonnes. »

« Des solutions empiriques existent », concède Marc Dejoux. Les moyens de lutte dont se servent les arboriculteurs sont la prophylaxie, le traitement au cuivre ou encore les plantations sous filets, onéreux, mais qui limitent la casse des branches et donc la prolifération de maladies, car « la bactériose pénètre dans la plante par les feuilles et est véhiculée par la sève », ajoute l’arboriculteur.

Un suivi technique insuffisant

Malgré l’adaptation des producteurs, « face à la maladie, il faut plus de recherche » , affirme Marc Dejoux. Un avis partagé par Florent Mounier, producteur d’un hectare d’Hayward à Saint-Laurent-du-Pape et qui sort son bois de taille pour éviter la prolifération de la maladie. « Il n’y a pas de structure capable de donner des conseils techniques au niveau Drôme ou Ardèche », constate Christophe Guigue. « Il n’y a que le que BIK1 et les coopératives, pour égrener quelques conseils, mais pas de réelle structuration », insiste-t-il. Pourtant, tous soulignent l’importance de structurer la filière pour mettre en place un appui technique plus important et une recherche de souches de kiwis plus résistants.

L’engouement du marché pour différentes variétés

« L’Italie, la Grèce et la France sont les plus gros producteurs en Europe », avance Marc Dejoux. « L’Europe manque de kiwis et le marché du kiwi vert Hayward se porte bien », ajoute-t-il « cette année, le prix est soutenu, mais ne compensera pas le tonnage. L’engouement pour des variétés plus rares ne faiblit pas. » Cependant, les producteurs ardéchois sont bien en peine de fournir au marché français des variétés autres que l’Hayward, et pour cause, « le Kiwi Gold est sous franchise, il faut payer des royalties et adhérer à un club pour pouvoir en produire », explique Marc Dejoux avant d’ajouter : « Des kiwis jaunes sortent en France. Si on veut être attractif, il faut s’ouvrir à toutes les couleurs : vert, jaune, jaune à cœur rouge et aux variétés plus ou moins précoces ou tardives. Il faut se tenir prêt malgré la bactériose », affirme, optimiste, le producteur de Saint-Sernin. Malgré tout, planter du kiwi jaune, plus précoce, peut être un frein pour les agriculteurs. « La récolte peut tomber en même temps que les vendanges », tempère-t-il.

Si pour Christophe Guigue, la récolte a été meilleure que l’an dernier avec « de très jolis calibres », malgré un manque de tonnage par ailleurs, il a planté 1,5 ha de kiwis jaunes. « Il y a une demande soutenue, mais est-ce un effet de mode ? » , s’interroge-t-il. Effet de mode ou pas, les producteurs s’accordent à dire que le marché du kiwi est florissant. Si la recherche pour contrer la bactériose avance, l’Ardèche n’a pas fini d’entendre parler de ce fruit exotique rebaptisé au nom de l’emblématique oiseau de Nouvelle-Zélande.

M.M.

1. Bureau national Interprofessionnel du Kiwi

Silvain Laprat, producteur à Saint-Laurent-du-Pape. ©AAA_MMmartin
Parcelle d'arbres en fleurs. ©Gaec_Les_Clapas

Un canevas nécessaire pour produire des kiwis

Une armada de structure. Voilà ce qu’il faut au kiwi pour se développer, car l’arbre ne tient pas tout seul. Entre fils de fer, poteaux, câbles, filets anti-grêle et palissage, la structure est exigeante. Mais une fois bien installé et régulièrement taillé, le kiwi ne nécessite pas une attention extrême.

Des dates de commercialisation strictes

Pour ne pas enter en concurrence avec les Européens, les kiwis en provenance de l’hémisphère sud, Nouvelle-Zélande en tête, ne doivent plus être sur les étals à partir du mois de novembre, au profit des kiwis européens, qui ont jusqu’à la fin avril pour écouler leur stock.