Mercredi 24 janvier, au niveau du rond-point de l'autoroute A7 Montélimar, à l’appel de la FDSEA et des JA, les agriculteurs de la Drôme, du Vaucluse et de l’Ardèche sont venus nombreux, témoignés de leur colère.
Devant les gendarmes et la police nationale assurant la sécurité de tous, sur le rond-point devant l’entrée de l’autoroute, les agriculteurs s’organisent et peaufinent les dernières banderoles. « C’est inédit, je n’ai jamais vu un tel rassemblement », s’enthousiasme la présidente de la FDSEA Ardèche, Christel Cesana. Ils étaient entre 200 et 300 et une cinquantaine de tracteurs, réunis sur l’Autoroute A7 afin de partager leurs revendications. Deux autres points de rassemblements avaient lieu en Ardèche au même moment, l’un au niveau de l’Auberge de Peyrebeille et l'autre au niveau du pont de Serrières.
La matinée avance et un convoi provenant de Drôme se retrouve piégé, au niveau de l’entrée de la bretelle d’autoroute, sous le pont. La ribambelle de tracteurs bigarrés et drapés de slogans pour l’occasion, s’installe. Des barbecues improvisés entre deux glissières apparaissent pour casser la croûte et assurer un moment convivial entre agriculteurs provenant des trois départements. La mobilisation est un moment de convergence entre agriculteurs, tous réunis, syndiqués ou non, portant les mêmes revendications.
Des revendications provenant de toutes les filières
« La goutte d’eau a été l’arrêt de la défiscalisation du GNR, mais aussi, la loi Egalim dont on ne voit pas les résultats », affirme Gaëtan Mouthon, vice-président de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche. Une colère qui gronde pourtant, depuis des années. De faibles revenus, une hausse des taxes, l’agribashing (critique du mode de production intensif agricole), des écarts de marges grandissants entre les industriels et les agriculteurs, des normes et interdits envahissants, notamment concernant les phytosanitaires, mais aussi sur le statut de protection du loup, empêchent les agriculteurs de vivre de leur métier. Cerise sur le gâteau, le changement climatique s’accélère et fait des dégâts dans le monde agricole.
L’empilement de normes nationales qui se superposent aux normes européennes, d’après les agriculteurs, a pour conséquence de créer un imbroglio dans les pratiques. Difficile par exemple de s’y retrouver dans les zones de non-traitement pour les productions végétales. « Quand on démarre le tracteur le matin, nous ne savons pas si l’on est dans la légalité ou pas », déclare Christel Cesana, symptôme du malaise autour des normes. « Que l’on arrête de nous enlever les phytosanitaires, car le risque pour la cerise et la pomme, c’est que l’on importera », avertit de son côté, Édith Cabello, arboricultrice à Saint-Marcel-d’Ardèche.
Bien que les agriculteurs ne soient pas contre les certifications HVE (Haute Valeur Environnementale), ils fustigent la multiplication des contrôles affiliés. « Pour les plantations de haies, on a plusieurs contrôles pour faire des mesures, etc. L’argent public est dépensé sur plusieurs points de contrôles alors qu’il suffirait d’un seul », affirme Jean-François Maigron, président de la cave de Ruoms.
« C’est important de montrer aujourd’hui la difficulté financière des agriculteurs », alerte Cyril Jaquin, président de Vignerons Ardéchois. Pour le groupement de vignerons, « la négociation 2024 s’est faite avec 0 % de hausse, alors que le prix de la bouteille à augmenter de 50 % », informe son président. Les demandes des agriculteurs concernent également une baisse des contraintes environnementales, s’il n’y a pas de produits de substitution. Pour Cyril Jaquin, « il faut qu’on nous laisse le temps de nous adapter ». Les aléas climatiques, eux, n’attendent pas que le monde agricole s’adapte. Depuis quelques années, le changement climatique frappe durement des agriculteurs qui tentent d’y faire face. « Avec mon frère, depuis les premières grêles en 2014, nous ne nous dégageons plus de salaires », révèle Édith Cabello.
Attentes du gouvernement
Face à l’ire des agriculteurs, la réponse du gouvernement est très attendue : « Nous demandons la reconnaissance de notre métier, le rétablissement de la confiance, des actions concrètes », affirment les agriculteurs d’une seule voix. « Le gouvernement doit prendre la décision de faire marche arrière sur le GNR et de faire une année blanche sans contrôle », appelle de ses vœux, Christel Cesana.
Il est des moments historiques. Pour le monde de l’agriculture, les mobilisations de ces derniers jours ne seront pas oubliées de sitôt. Acteurs du quotidien, souvent silencieux dans les débats sociétaux, et pourtant au cœur de nos assiettes, trois fois par jour, le monde agricole est aujourd’hui à bout et le montre.
Au soir du 24 janvier, les agriculteurs étaient partis pour rester tant que leurs revendications ne seraient pas entendues.