Une AOP toujours plus dynamique, un nouveau plan de reconquête, des projets dans les cartons... L'année s'annonce riche pour la Châtaigne d'Ardèche ! Retour sur l'assemblée générale du Cica et du SDCA qui s'est tenue mardi 16 mars, à Saint-Jean-Chambre.

La Châtaigne d'Ardèche garde le cap
La campagne 2022 a été positive malgré des prix moyens à la baisse.

2020, 2021 et 2022... Trois années qui sont de bon augure pour la Châtaigne d'Ardèche, avec plus de 4 000 tonnes de fruits récoltés, dont 4 300 estimés en 2022. Lors de leur assemblée générale, le syndicat de défense (SDCA) et le comité interprofessionnel de la Châtaigne d'Ardèche (Cica) sont revenus sur la dernière campagne, sauvée in extremis par les pluies à la mi-août.

Les prix, toutefois, sont en légère baisse (notamment pour les grosses châtaignes) avec une moyenne de 1,92 €/kg, contre 1,96 en 2021. Une évolution qui va de pair avec la baisse de la consommation liée à l'inflation mais aussi aux chaleurs de l'automne. Très ancrée dans sa saison, la châtaigne est peu plébiscitée lorsque l'été joue les prolongations. Sauf qu'en 2022, les fruits sont tombés plus tôt, toutes variétés confondues, et les castanéiculteurs n'ont eu d'autres choix que de récolter entre mi-septembre et mi-octobre.

La châtaigne transformée a la cote

Problème : avec les chaleurs, la conservation des châtaignes s'en retrouve aussi affectée. Pour ne pas perdre leur récolte, de plus en plus de producteurs se tournent vers la transformation. Et bonne nouvelle, la châtaigne transformée est justement la plus consommée (65 % des châtaignes produites en Ardèche), tandis que la châtaigne fraîche semble progressivement perdre des adeptes (35 % des châtaignes produites en Ardèche). « Au niveau de la transformation, c'est effectivement un marché qui est en croissance », confirme Christophe Sabaton, directeur de l'entreprise du même nom et vice-président du comité interprofessionnel de la Châtaigne d'Ardèche. « 2023 est plus compliqué, on ne sait pas trop où on va, mais ça reste une tendance de fond », assure le directeur.

Outre l'industrie, la transformation passe aussi par les cinq ateliers à façon du département. « Les châtaignes se conservant de moins en moins bien, les producteurs souhaitent transformer le plus rapidement possible », explique Michel Grange, producteur et président du syndicat de défense de la Châtaigne d'Ardèche. Faute d'outil suffisant, ces ateliers en prestation de service se retrouvent proche de la saturation entre les mois d'octobre et novembre.

Des besoins croissants qui pourraient être en partie comblés par un nouvel atelier. D'après César Marze, producteur et président du comité interprofessionnel de la Châtaigne d'Ardèche, cet atelier collectif des vallées de l'Ouvèze et de la Payre, pourrait voir le jour fin 2024 pour la transformation de châtaignes et de productions végétales ainsi que pour la découpe de la viande.

L'AOP attise les curiosités

L'autre tendance qui ne cesse de s'imposer, d'année en année, est le développement de la démarche AOP Châtaigne d'Ardèche, qui représente aujourd'hui 45 % de la production ardéchoise avec plus de 90 000 châtaigniers en AOP. « Sous l'effet des aides pour l'aspect reconquête [voir encadré] et de la revalorisation apportée, le nombre d'opérateurs est en évolution constante », confirme Sébastien Debellut, animateur du Cica. Pour la saison 2023, 23 nouvelles structures pourraient rejoindre l'appellation.

En dehors de l'aire géographique de l'AOP, d'autres opérateurs commencent aussi à frapper à la porte, notamment dans le nord du département. « En 2005, la délimitation a été faite suite à une enquête publique, à l'époque, l'attrait pour la châtaigne n'était pas le même que maintenant et certaines communes ou opérateurs ne se sont pas forcément manifestés », explique Michel Grange. Dix-sept ans après la création de l'AOP, des discussions vont être menées avec l'Inao pour une éventuelle extension de la zone de l'appellation1. « C'est une étape très lourde qui va certainement prendre quelques années », alerte le président du syndicat.

En attendant, le travail pour la promotion de l'AOP continue. En 2023, plusieurs projets devraient voir le jour, notamment la mise en réseau des castanéiculteurs qui accueillent du public, avec la mise en place d'une signalétique routière pour les identifier. Le projet de panneau apposé au bord de l'A7 est, quant à lui, toujours d'actualité, mais la réponse de la préfecture de région se fait attendre. Enfin, un travail est mené depuis quelques mois pour promouvoir la farine de châtaignes qui peine aujourd'hui à être valorisée à bon prix auprès des consommateurs.

Pauline De Deus

1. Une première réunion sera menée avec l'Inao, à la CCI de l'Ardèche, lundi 12 juin. Les communes ou opérateurs qui souhaitent entrer dans l'AOP Châtaigne d'Ardèche sont conviés.

10 ans de reconquête !
Après l'assemblée générale, les participants ont visité une plantation d'environ 70 arbres sur 1 ha, au Gaec de Samarie.
CHÂTAIGNERAIES TRADITIONNELLES

10 ans de reconquête !

En 2013, le Cica, le syndicat, la chambre d'agriculture et le PNR des Monts d'Ardèche décident de s'allier pour reconquérir les châtaigneraies ardéchoises. Objectif : combler un déficit de production estimé à 2000 tonnes par les transformateurs locaux.

« Aujourd'hui le déficit de 2 000 tonnes est toujours d'actualité », assure Michel Grange, en réponse aux inquiétudes des producteurs. Si 75 % des exploitations mènent des actions de reconquête, la remise en production de certaines châtaigneraies a surtout servi à maintenir la production ardéchoise. En dix ans, ces plans de reconquête (phase expérimentale de 2013 à 2016, plan châtaigneraies traditionnelles de 2017 à 2022) qui bénéficient aux producteurs engagés dans l'appellation ont permis d'augmenter le potentiel de production de châtaignes AOP de 750 tonnes. Avec une enveloppe de plus de 2 millions d'euros, financée à 43 % par la Région, à 20 % par le Département et à 37 % par la filière elle-même, ce plan châtaigneraies traditionnelles a bénéficié à plus de 30 000 arbres (élagage, greffage, réouverture), sans compter les quelque 6 000 châtaigniers plantés ces dernières années.

2023-2027 : le plan continue

« Au vu de l'engouement, on a fait le choix de renouveler ce plan », annonce César Marze, président du Cica. Un nouveau plan châtaigneraies traditionnelles 2023-2027 dont « la portée budgetaire est à peu près identique au précédent », se félicite Sébastien Debellut, animateur du Cica. Seule interrogation, une enveloppe européenne de 280 000 € qui n'a pas encore été validée et dont dépend le travail d'animation. En attendant, le Cica incite les producteurs, qui voudraient faire une demande d'aide cette année, à réaliser les diagnostics dès maintenant. « En 2023, on va avoir une fenêtre très courte pour déposer les dossiers », prévient César Marze. Outre cet aspect reconquête, le plan servira aussi à continuer le travail mené autour du matériel végétal, notamment dans le parc à greffons et la pépinière du syndicat. Enfin, ce plan servira à l'adaptation au changement climatique, notamment avec la création de vergers conservatoires.

Changement climatique : quels effets pour les châtaigniers ?

Ce n'est plus à prouver, le changement climatique est bien là et progressivement les températures augmentent en hiver comme en été. Si la pluviométrie est plus aléatoire, une baisse générale du niveau hydrique est à prévoir, avec une hausse des besoins en eau des végétaux en été. Pour le châtaignier et les castanéiculteurs, en l'occurrence, les chaleurs hivernales peuvent provoquer un débourrement précoce, un risque de gel, ou encore des problèmes sanitaires liés aux scolytes et au chancre. En été, le stress hydrique peut perturber la récolte (perte de rendement, mauvaise déhiscence, retard, etc.), voire affaiblir l'arbre et le rendre plus vulnérable aux maladies, avec un risque de mortalité accrue. Pour s'adapter à ces prévisions climatiques, les techniciens planchent sur plusieurs pistes de solutions, autour des choix variétaux et des porte-greffes, des zones de production, mais aussi d'une irrigation ponctuelle du châtaigner. Des recherches d'amélioration des techniques de culture, de tri et de conservations sont aussi menées.

473

C'est le nombre d'adhérents au syndicat de défense et au comité interprofessionnel de la Châtaigne d'Ardèche, dont 444 castanéiculteurs, 12 metteurs en marché, 8 transformateurs, 7 entreprises de seconde transformation et 2 associations.