La LPO1 a lancé début août une prospection de chauves-souris sur la commune de Coucouron, afin d'affiner les connaissances sur ce petit mammifère volant. L’occasion de revenir sur son rôle au sein des exploitations agricoles.

La chauve-souris, alliée des agriculteurs
Oreillard Roux, espèce présente en Auvergne-Rhône-Alpes. ©AAA_YPeyrard

« C’est une lutte biologique contre les ravageurs »

« En Europe, l’alimentation des chauves-souris est constituée principalement d’insectes », annonce en préambule, Florian Boulisset, chargé de mission agriculture et biodiversité à la LPO Aura, délégation Drôme-Ardèche. « Chaque espèce a ses habitudes alimentaires. Parmi les insectes dont elles se nourrissent, on en retrouve beaucoup susceptibles de faire des dégâts sur les exploitations comme le ver de la grappe pour les vignes, la tordeuse sur les fruits à noyaux (papillons), des cicadelles vecteur de la flavescence, des petites mouches comme la Drosophile, le perce-oreille, etc. », précise-t-il. « À ce titre-là, elles vont participer à la régulation de ces insectes dits ravageurs au même titre qu’un certain nombre d’oiseaux insectivores qui vont prédater les larves. C’est une lutte biologique contre les ravageurs », s’accordent ensemble, Florian Boulisset et Nicolas Beillon, animateur-accompagnateur de projets biodiversité et agroforesterie au sein de la chambre d’agriculture d’Ardèche. « Pour favoriser l’action des chauves-souris, il est primordial de maintenir et de recréer des gîtes », affirme Florian Boulisset.

Des gîtes à préserver

Les chauves-souris forestières affectionnent particulièrement les arbres creux ou morts. « Du fait d’entretien régulier, il y en a de moins en moins », constate-t-il. C’est justement pour inverser la tendance et identifier les arbres où gîtent ces animaux nocturnes, afin d’adapter la gestion forestière, qu’a eu lieu, début août à Coucouron, la prospection de chauves-souris forestières afin de les munir d’un trackeur.

Cependant, les forêts ne sont pas le seul habitat de prédilection des chiroptères. « On peut retrouver des espèces différentes dans les milieux agricoles, en fonction de leur gîte et de la présence de nourriture sur les parcelles. » Elles apprécient particulièrement les bâtis. « Les chauves-souris peuvent occuper des caves, des fissures entre deux planches, derrière des volets, ou encore se loger dans des combles inoccupés avec un accès libre aux fenêtres », énumère Florian Boulisset.

Comment contribuer à accroître leur présence ?

Entre chien et loup, elles commencent à s’envoler de leur gîte à la recherche de nourriture. À leur sortie, pour de nombreuses espèces, elles ont besoin de corridors de déplacement puisqu’elles se repèrent par un système d’écholocalisation.

Pour se localiser, elles longent la végétation entre zones de chasse et de déplacement. « Nous conseillons aux agriculteurs de favoriser des paysages qui leur permettent de se repérer, comme des bosquets, des haies, de la végétation en bord des cours d’eau. Sur les exploitations, les milieux diversifiés des élevages extensifs sont plus favorables aux chauves-souris que des milieux homogènes », détaille Florian Boulisset. Outre le gîte, il est important de proposer aux chauves-souris une diversité d’insectes. « Nous préconisons une diversité de culture, de flore et de limiter les broyages en bord de parcelles pour laisser les plantes monter en graine, ce qui permet une diversité d’insectes dont la chauve-souris se nourrit, et de limiter les insecticides qui mettent à mal sa ressource alimentaire. »

Les agriculteurs, acteurs du changement

Pour aller plus loin, les agriculteurs ont la possibilité de participer au protocole d’observatoire agricole de la biodiversité (OAB). « Il y a cinq protocoles, dont un dédié aux chauves-souris. Au niveau de la chambre d’agriculture, nous avons accompagné deux groupes de viticulteurs des Côtes du Rhône à la mise en place de ces protocoles avec une formation de trois jours. Cela peut conduire à sensibiliser les agriculteurs à changer leurs pratiques, voire aménager des parcelles. À partir de cette année, une trentaine d’exploitations viticoles du sud Ardèche devraient aussi être suivies avec le protocole lié aux chiroptères dans le cadre du projet PSE2 financé par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse. L’EPTB3 de l’Ardèche pose à partir de 2023 des enregistreurs d’ultrasons sur des parcelles, qui permettent un suivi de la population grâce à une accumulation de résultats. C’est une science participative », détaille Nicolas Beillon.

Du côté des actions de la LPO, « des animations thématiques sont menées auprès du grand public, mais aussi auprès des agriculteurs qui sont en demande et contactent directement la LPO. On intervient pour des conseils ou des aménagements individuels ou collectifs. Nous avons un projet qui vient de démarrer sur trois ans, on va réhabiliter des bâtis pour oiseaux, chauves-souris, chouettes avec plusieurs chantiers d’adaptation, ou de sauvegarde de bâtiments agricoles », explique Florian Boulisset.


Il concède qu’il s’agit là d’un « travail de longue haleine, pour sensibiliser les agriculteurs. Certains nous contactent sans savoir que l’on s’occupe également de la préservation de la chauve-souris ». Pourtant, cet animal longtemps stigmatisé, peut s’avérer un allié naturel pour le monde agricole.

Marine Martin

1. Ligue pour la protection des oiseaux.

2. Paiements pour services environnementaux.

3. Établissement public territorial du bassin versant.

Plus d’infos sur le site de la chambre d’agriculture.

Population de chauves-souris

La démographie des chauves-souris est en régression. « Il existe une trentaine d’espèces différentes en Drôme et Ardèche. D’une manière générale, il y a une décroissance du nombre même si cela dépend des espèces. C’est en partie lié au manque de diversité sur les parcelles agricoles. En France, il y a de moins en moins de haies. Ces espèces sont sensibles à leur environnement », prévient Florian Boulisset.