FRANCE
La méthanisation agricole récupérée par les groupes industriels ?

TRANSITION ÉCOLOGIQUE / L’association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) a organisé le 14 septembre une conférence de presse pour tirer le signal d’alarme : la filière biogaz est en train d’échapper aux agriculteurs par l’entremise d’une nouvelle grille tarifaire instaurée par le ministère de la Transition écologique.

La méthanisation agricole récupérée par les groupes industriels ?
Le projet de révision du tarif d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel préparé par le ministère de la Transition écologique prévoit une baisse immédiate pouvant aller jusqu’à 15 % par rapport au tarif actuel.

Quelle mouche pique donc le gouvernement à vouloir s’attaquer ainsi à la méthanisation agricole ? Il est en effet assez paradoxal que d’une part, il consacre environ un tiers du budget du projet de relance (30 milliards d’euros (Md€) sur 100) à la transition écologique et 1,2 Md€ à l’agriculture et que d’autre part, il envisage un enterrement de seconde classe à la filière gaz vert agricole. Explications : au plus haut sommet de l’État, on incite à la « conversion écologique de notre économie », comme l’indiquait le président de la République, Emmanuel Macron, lors de la présentation du plan de relance. Dans les faits, la volonté présidentielle reste coincée à l’Élysée. Comment interpréter autrement le projet de révision du tarif d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel préparé par le ministère de la Transition écologique via le Conseil supérieur de l’énergie ? Celui-ci prévoit une baisse immédiate pouvant aller jusqu’à 15% par rapport au tarif actuel. Cette baisse serait suivie de nouvelles baisses annuelles d’ores et déjà programmées à hauteur de 2% minimum.

Tarifs quasiment bloqués

« Le gouvernement veut en fait mettre un terme au tarif conventionné et passer à un système d’appel d’offres », a expliqué Mauritz Quaak, vice-président d’AAMF. Cet appel d’offres est lui-même subdivisé en deux lots : le premier est ouvert et porte sur un volume annuel de 800 GWh. Le second est fermé avec un volume annuel de 700 GWh. « Dans les deux cas, les petits producteurs de gaz agricole sont pénalisés. Les volumes et les tarifs sont quasiment bloqués et n’offrent aucune possibilité de développement », résume en substance Jean-Marc Onno, premier vice-président d’AAMF. En effet, au regard du projet ministériel, la capacité maximale de production « ne peut être augmentée que de 30% dans les 24 mois pour les 15 ans contractualisés, et ce, quelle que soit la taille des projets », a expliqué Mauritz Quaak.

Sans cesse des freins

Et comme si la coupe n’était déjà pas assez pleine, le ministère de l’Agriculture a le projet d’autoriser les sites industriels à commercialiser les digestats qui devraient être épandus, ce qui contrevient au cadre réglementaire qui normalement sécurise le plan d’épandage. Finalement, ce sont les sites agricoles entre 80 et 200 Nm3/h1 qui devraient être le plus impactés, d’après les calculs réalisés par l’AAMF, faisant la part belle aux projets les plus importants. « On a passé dix ans à simplifier et à fluidifier la filière. Depuis quelque temps, on ajoute sans cesse des freins », se désole Francis Claudepierre, président de l’AAMF.

Consolidation de l’activité

Pour l’association qui a reçu le soutien de la FNSEA et de l’Apca, il est inconcevable de remettre en cause cette filière qui répond au défi sociétal de la transition écologique en réduisant l’importation de gaz naturel des pays tiers. « Si je n’avais pas fait de la méthanisation, j’aurais arrêté mon élevage de porcs, ça m’a permis de passer les crises. Et avec 85 à 90% de la méthanisation détenue par les agriculteurs, c’est aussi un gage que l’argent public reste dans le tissu français et rural », rappelle de son côté Jean-Marc Onno, qui ajoute : « C’est une production locale qui favorise le maintien de l’agriculture ; un agriculteur qui gagne correctement sa vie en méthanisation, il consolide son activité ». Une donnée dont le gouvernement devrait tenir compte.

1. Nm3 signifie Normaux mètres cubes. NM3 représente une unité de débit qui permet de comparer des mesures effectuées dans des conditions différentes et réelles ramenées aux conditions normatives 0 °C et 1 bar absolu.