RÉTROSPECTIVE
L’année 2020 dessinée par Cambon

Cambon
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RÉTROSPECTIVE / 2020, année de rien ? Ou plutôt, année de chagrins ? Une chose est sure, ces douze derniers mois auront été totalement inédits.

L’année 2020 dessinée par Cambon

L’année s’ouvre sur la contestation populaire face au projet de réforme des retraites, vite balayée par la crise sanitaire due à l’épidémie de Coronavirus, qui va tout bouleverser en cette année 2020. Mais n’oublions pas aussi la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et le long tunnel de négociations qui ont suivi et ne sont, d’ailleurs, pas encore terminées ; les élections municipales dont l’issue n’a été connue qu’au début de l’été ; l’urgence climatique ; les discussions pour la future Pac et le plan de relance national pour l’économie et l’agriculture afin de freiner une crise économique et sociale inévitable… Bref l’année 2020 ne nous aura rien épargné ! Pour la terminer, un peu d’humour ne sera pas de trop. Nous vous proposons une rétrospective des douze mois qui se sont écoulés à travers une sélection de dessins de Cambon.

Janvier : Si on avait su…

Difficile exercice pour le président de la République que celui des voeux pour la
nouvelle année. Le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, avait présenté le 11 décembre 2019 les grandes lignes du projet de réforme des retraites du gouvernement. Il avait notamment annoncé la mise en place d’une pension minimale de 1 000 € nets par mois « pour une carrière complète au Smic » dès 2022. Et il avait précisé les modalités de convergence des cotisations pour les indépendants, dont les agriculteurs. Ce projet de réforme devait être l’un des grands chantiers du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il a déclenché une vague de manifestations, avant d’être stoppé par la crise sanitaire. Du 20 au 31 janvier, se sont également déroulées les élections de la Mutualité sociale agricole : 652 468 adhérents MSA se sont mobilisés pour élire leurs délégués, soit un taux de participation global de 26,08 % (données MSA).

Février : To deal or not to deal

Après des mois de discussions, Bruxelles et Londres ont finalisé l’accord de retrait du Royaume-Uni qui a quitté l’UE le 31 janvier 2020 à minuit. Immédiatement s’est ouverte une période de transition, jusqu’au 31 décembre 2020, durant laquelle le Royaume-Uni continue de faire partie de l’union douanière européenne le temps de négocier, notamment, un accord de libre-échange. Européens et Britanniques semblaient (à l’époque) confiants en leur capacité d’avancer rapidement. De nombreuses questions pour le secteur agricole restaient en suspens : quelles clauses de sauvegarde en cas de perturbation du marché communautaire ? Quelles règles d’indication d’origine peuvent être mises en place ? L’autre inquiétude des agriculteurs européens concernait les accords de libre-échange que le Royaume-Uni pourrait négocier avec d’autres pays tiers et qui pourraient faire du territoire britannique une porte d’entrée vers l’UE.

Mars : La France entre en confinement

Annoncées le 16 mars par Emmanuel Macron, d’abord pour quinze jours, l’entrée en confinement de la France et l’arrêt de la vie économique et sociale pour lutter contre la propagation du Coronavirus vont finalement durer deux mois, avant une levée progressive des restrictions à partir du 11 mai. Durant cette période, la vie des Français va être complètement chamboulée et les échelles de valeur revues. Seules certaines activités économiques peuvent continuer et la circulation des biens et des personnes est interrompue. La fermeture de la restauration hors domicile et l’interdiction des marchés de plein vent perturbent en profondeur les productions agricoles. Pourtant, l’urgence est à l’approvisionnement alimentaire et à la protection des personnes face à la maladie. Agriculteurs, acteurs de l’alimentation et de la distribution alimentaire et personnels de santé redeviennent aux yeux des Français des acteurs essentiels de la société. L’école s’installe peu à peu à la maison et l’éducation devient elle aussi un enjeu primordial. Le télétravail, quand il est possible, devient la règle.

Avril : L’appel à toutes les bonnes volontés

Avec l’épidémie de coronavirus qui impose le confinement à la majorité de la population, les agriculteurs continuent de travailler pour nourrir la France. L’agriculture est même considérée comme une activité prioritaire par le gouvernement. Mais des bras commencent à manquer dans certains secteurs. Un certain nombre de salariés sont contraints de rester à domicile pour garder leurs enfants ou pour des arrêts maladie, d’autres peuvent faire valoir leur droit de retrait. La saison des fraises et des asperges arrive et l’inquiétude que la fermeture des frontières puisse priver les exploitations de salariés saisonniers étrangers grandit. Pour faire face à la pénurie de maind’oeuvre, une plateforme web « des bras pour ton assiette » est lancée pour permettre à des personnes confinées de travailler pour des exploitations en besoin de salariés à proximité de chez elles.

Mai : Un court répit pour la guerre des prix

Dès le début de la crise sanitaire, les représentants des organisations professionnelles agricoles ont dû se battre pour imposer les produits français dans les étals des grandes surfaces, seules autorisées à ouvrir avec les petits commerces alimentaires de proximité, les marchés de plein air ayant été interdits. Avec la fermeture de la restauration hors foyer, les producteurs étaient en manque de débouchés. Il fallait donc éviter qu’ils soient concurrencés par des produits étrangers, ce qui a conduit à l’arrêt des importations de fraises, d’asperges ou encore d’agneaux, à l’approche de Pâques. Les consommateurs ont joué le jeu et ont plébiscité les produits français durant le confinement. Dans un entretien réalisé fin mai, le journaliste et spécialiste des questions de consommation, Olivier Dauvers, retenait du premier confinement « la solidarité intra-filières qui a permis à la filière alimentaire de ne pas casser », avant de pronostiquer le retour de la guerre des prix. La suite ne lui a pas donné tort.

Juin : Loup y es-tu… encore ?

Pascal Mailhos, le préfet coordonnateur du plan national loup, a réuni le lundi 8 juin le groupe national, pour faire un bilan de l’année 2019 et tracer les lignes pour la saison pastorale qui débutait. La population de loups continue d’augmenter géographiquement, même s’il n’existe pas de meutes constituées hors des Alpes et du Jura, mais aussi en nombre, avec une estimation annoncée en juin de 580 loups. La question du loup est au coeur des préoccupations des éleveurs de montagne. Après avoir été mis en consultation jusqu’au 13 septembre, un arrêté est publié le 29 octobre au JO et confirme la reconduction, pour l’année 2021, d’« un plafond de tirs d’abattage de loups de 19 % de la population estimée en France ». Ce même arrêté précise qu’il « pourrait être porté à 21 % », dans l’hypothèse où le seuil de 19 % serait atteint avant la fin de l’année. Autre événement en juin : après un premier tour le 15 mars, le second tour des élections municipales se déroule (enfin) le 28 juin, après avoir été repoussé en raison de la crise sanitaire.

Juillet : Un nouveau ministre pour l’Agriculture

Le 6 juillet marque l’entrée en fonction de Julien Denormandie, 39 ans, comme nouveau ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Après Jacques Mézard, Stéphane Travert et Didier Guillaume, il devient alors le quatrième locataire de l’Hôtel de Villeroy depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Membre du parti présidentiel « En Marche ! », cet ingénieur des ponts, des eaux et des forêts de formation avait jusqu’ici occupé les postes de secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires et de ministre chargé de la Ville et du Logement. Il hérite d’un ministère qui doit notamment faire face à la crise du Covid-19 et à des débats de société comme le bien-être animal ou l’usage des pesticides. Son année 2020 sera d’ailleurs marquée par une loi autorisant de nouveau les producteurs de betteraves à utiliser des néonicotinoïdes. L’année 2021 commencera, quant à elle, par le déploiement du volet agricole chiffré à 1,2 milliard d’euros du plan de relance gouvernemental.

Août : Qui veut la peau des chevaux ?

L’été 2020 est marqué par une série de mutilations et de tueries de chevaux et d’ânes à travers le pays. Après plusieurs signalements au début de l’année, une accélération est constatée à partir du mois de juillet. Au total sur l’année 2020, plus de 500 signalements de blessures, mutilations et morts suspectes d’équidés sont relevés. Beaucoup ont l’une des deux oreilles sectionnée ce qui conduit les enquêteurs sur la piste de personnes proches des milieux sectaires satanistes. Ces faits provoquent une vive inquiétude chez les propriétaires et les éleveurs de chevaux qui décident de s’organiser pour mettre en place des systèmes de surveillance et protéger leurs animaux. Les premières conclusions de l’enquête de gendarmerie publiées début décembre révèlent finalement que sur les 500
signalements répertoriés, seuls 84 cas de cruauté ont pu être formellement attribués à l’action humaine. La majorité relèveraient en réalité d’accidents ou d’animaux se blessant entre eux.

Septembre : La viande 2.0 sans animaux

Mi-septembre, la première usine française de substituts végétaux de viande entre en production. Derrière cette initiative, on retrouve une start-up française baptisée « Les nouveaux fermiers » qui est notamment soutenue par l’homme d’affaires Xavier Niel et la Banque publique d’investissement. Désireux de réduire le coût de la viande végétale par rapport à la viande animale, les deux fondateurs Guillaume Dubois et Cédric Meston expliquent surtout souhaiter contribuer à la démocratisation de la consommation de viande végétale dans les années à venir. Une initiative qui n’a pas tardé de faire réagir l’ensemble du monde agricole, vent debout contre l’usage du terme « viande » pour qualifier ces produits. Le 28 septembre, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, leur a emboîté le pas en annonçant vouloir accélérer la prise d’un décret interdisant aux fabricants de produits végétaux d’utiliser les dénominations de produits animaux comme « steaks » ou « saucisses ».

Octobre : Vers une agriculture européenne plus verte

Les négociations sur la réforme de la Pac post-2022 ont animé la fin d’année 2020. Brexit oblige, ces discussions se sont cette fois déroulées sans le Royaume-Uni. Dans la nuit du 20 au 21 octobre, les ministres de l’Agriculture de l’UE sont tombés d’accord avant que le Parlement européen n’adopte une position officielle de négociation le 23 octobre, ouvrant alors la voie aux pourparlers en trilogues avec la Commission européenne. Si les thèmes habituels de souveraineté alimentaire, de revenu ou de renouvellement des générations étaient bien entendu sur la table, les discussions ont principalement tourné sur la mise en place des éco-régimes pour lesquels les États membres devront consacrer une partie des financements du premier pilier. Dans une note explicative, la Commission européenne a précisé les principaux destinataires de ces outils de verdissement de la Pac : l’agroforesterie, l’agroécologie, l’agriculture de précision et l’agriculture « carbonée ».

Novembre : Crise de foie pour les éleveurs de volailles

Après les épizooties des hivers 2015-2016 et 2016-2017, le virus influenza aviaire H5N8 a repris du service en France à la fin de l’année. Devant l’emballement de la dynamique d’infection en Europe, le gouvernement français est contraint de classer dans un premier temps quarante-six départements, puis finalement l’intégralité du territoire le 16 novembre, en niveau de risque élevé. Conséquences directes pour les professionnels : l’enfermement des animaux ou leur protection par des filets limitant les contacts avec l’extérieur ainsi que l’interdiction d’organiser des rassemblements d’oiseaux, des transports, des lâchers de gibiers à plumes et d’utiliser des appelants pour la chasse. Les premières études révèlent que le virus pourrait avoir été amené en Europe par des migrations d’oiseaux sauvages venus du Kazakhstan et de Russie. D’après les chiffres du ministère de l’Agriculture, 35 000 animaux dont 30 000 canards ont dû être abattus en France à ce jour.

Décembre : L’agriculture à la relance

Présenté le 3 septembre par le gouvernement, le plan de relance vise à redonner du souffle à une économie française affaiblie par la crise du Covid-19. Le volet agricole de 1,2 milliard d’euros détaillé en fin d’année comporte trois grandes lignes directrices. La première est celle de la reconquête de la souveraineté alimentaire grâce notamment à un ambitieux plan protéines végétales de 100 millions d’euros (M€). Le deuxième axe est celui de la transition agroécologique avec notamment 80 M€ dévolus aux circuits courts, 130 M€ affectés à la modernisation des abattoirs et 135 M€ pour la conversion des agro-équipements. La troisième orientation de ce plan concerne la lutte contre les effets du changement climatique avec une enveloppe de 100 M€ d’investissements pour les équipements de protection et quelque 150 M€ consacrés au renouvellement forestier. Les premiers appels à projet FranceAgriMer ont démarré dès le début du mois de décembre.