VILLE DE LYON
Les agriculteurs mobilisés contre des menus sans viande dans les cantines scolaires

Près de 250 agriculteurs et 50 tracteurs étaient au cœur de la ville, lundi 22 février. La FDSEA et les JA du Rhône se sont notamment insurgés contre le retrait de la viande dans les cantines des écoles de Lyon.

Les agriculteurs mobilisés contre des menus sans viande dans les cantines scolaires
Pascal Girin, président de la FDSEA du Rhône, lundi 22 février devant la mairie de Lyon. (Crédit : IAR)

« Nous ne laisserons pas tout passer sous prétexte de crise sanitaire », tel était le mot d’ordre lancé vendredi 19 février en fin de journée par la FDSEA du Rhône et les Jeunes agriculteurs.

Le jour où les écoliers de la zone A reprenaient le chemin de l’école, les agriculteurs du Rhône, eux se dirigeaient vers le centre-ville de Lyon. Le rendez-vous était donné à 10 h devant l’Hôtel de Ville de la capitale des Gaules pour protester contre le menu imposé par l’équipe écologiste de Grégory Doucet dans toutes les cantines des écoles maternelles et primaires de Lyon, à compter de ce lundi 22 février et pour sept semaines.

Le cortège parti de plusieurs points du département et composé d’une cinquantaine de tracteurs et d’au moins 250 agriculteurs, éleveurs pour la majorité, s’est dans un premier temps arrêté sur les quais juste devant la mairie. À leur tête, Pascal Girin, président de la FDSEA du Rhône, a donné des interviews à des dizaines de journalistes pour relayer le message de la campagne. D’autres manifestants se sont affairés pendant ce temps-là à installer une mini-ferme devant l’Hôtel de Ville avec des agneaux, chevrettes et vaches laitières. Une vache limousine était aussi de la partie. Une dégustation de viande bovine locale s’est ensuite organisée en fin de matinée. Dans les rangs des agriculteurs présents, la colère et l’incompréhension sont palpables.

Une mesure inadmissible

Un petit groupe de Jeunes agriculteurs des coteaux du Lyonnais a fait le déplacement sans hésiter. L’un d’eux, Damien Giroud-Bouton, secrétaire général des JA du Rhône explique : « Nous avons appris la nouvelle par voie de presse jeudi 18 février. Plusieurs ministres ont ensuite indiqué qu’ils étaient à nos côtés. Ce régime sans viande à l’école vient s’ajouter à une liste déjà longue de problématiques pour les agriculteurs. Nous sommes venus pour dénoncer cette idéologie, dangereuse pour nos enfants. Les spécialistes de la nutrition s’accordent en effet à dire qu’ils ont besoin de protéines animales pour leur bon développement ». Ludovic Thizy, éleveur laitier en Gaec à Chabanière, trouve lui aussi cette mesure inadmissible : « On a l’impression d’être dans une dictature, on n’a désormais plus le choix de manger de la viande ou non. C’est un peu comme si on imposait à ceux qui ne mangent pas de porc d’en consommer ! ». Même son de cloche pour Gilles Augay, éleveur de vaches allaitantes et de volailles dans le Nord du département : « Cette mesure est anormale. Notre filière subit déjà des difficultés économiques, si en plus, on nous supprime des débouchés, c’est inconcevable ». Pour des élus de l’opposition présents aux côtés des éleveurs, « c’est même préjudiciable pour la santé de l’enfant et pour certaines familles modestes, la cantine reste le moyen de faire manger à tous les enfants un repas équilibré, à base de viande ».

Une délégation composée de représentants syndicaux du Rhône et d’Interbev a ensuite été reçue à la mairie de Lyon par Gauthier Chapuis, adjoint à l’alimentation et par les services du cabinet du maire. Ni Grégory Doucet, maire de Lyon, ni son adjointe à l’éducation Stéphanie Léger, n’ont pu assister aux échanges, étant retenus au conseil municipal. Gauthier Chapuis a justifié ce choix du menu unique à la cantine. « Le contexte lié à la crise de la Covid-19 est compliqué et nous en sommes au 6e protocole sanitaire à appliquer dans les écoles. À compter de ce 22 février, il faut respecter la distanciation entre élèves de 2 m et éviter à tout prix le brassage des classes, ce qui fait que les élèves disposent de moins de temps pour se restaurer. Nous avons fait le choix à Lyon de leur servir un repas chaud à l’abri, ce qui n’est pas le cas de toutes les communes puisque certains élèves se voient proposer des pique-niques dans des gymnases. Sur les 30 000 repas servis chaque jour, environ la moitié choisissaient jusqu’alors le menu sans viande. Pour gagner du temps et permettre à tous de manger, nous avons décidé d’un menu unique pour tous. Cette mesure est temporaire, puisque liée à la crise sanitaire, et pourrait durer jusqu’aux vacances de Pâques. Ensuite, nous reviendrons à la formule précédente qui consiste à choisir entre un menu classique et un menu sans viande ».

Dans l’attente de réponses

Pour le monde agricole, « c’est une stigmatisation supplémentaire de l’élevage vis-à-vis de l’environnement alors que celui-ci a un rôle prépondérant dans l’aménagement du territoire, le maintien de la biodiversité, le piégeage du carbone. Nous ne comprenons pas pourquoi les autres municipalités parviennent, elles, à proposer de la viande aux élèves, alors que le protocole sanitaire est le même pour tous ? Nous attendons un aménagement et une réponse de votre part face à cette décision ». « Notre agriculture est reconnue comme la plus durable au monde avec des systèmes d’élevage qui n’ont rien à voir avec les feedlots que l’on trouve de l’autre côté de l’Atlantique », ajoute Jérémy Giroud, au nom des JA. L’élu en charge de l’alimentation a aussi signalé aux agriculteurs que « ce menu unique s’inscrit dans un contrat avec le prestataire et que réglementairement, il n’est pas possible d’y déroger. Cela n’a rien à voir avec une idéologie portée par notre équipe. Nous ne demandons qu’à travailler à vos côtés sur le projet alimentaire territorial (PAT), sur la problématique de l’eau et nous sommes nous aussi opposés aux traités de libre-échange qui sont en cours de discussion au niveau de l’Europe ».

La discussion s’est achevée sur la promesse de la part des élus Verts « de proposer rapidement une rencontre entre les agriculteurs, le maire de Lyon et le président de la Métropole » et de « retravailler ensemble le cahier des charges de l’approvisionnement en local des cuisines centrales d’ici la rentrée 2022 ».

Les agriculteurs, de leurs côtés, comptent bien surveiller les suites données à leurs doléances. « Ils souhaitent travailler avec les éleveurs locaux, on va les prendre au mot puisqu'on est capable de fournir les cantines lyonnaises », aux dires de Laurent Courtois, coprésident de la section bovine. Les syndicalistes ont aussi prévenu qu’ils pourraient revenir encore plus nombreux et en colère si nécessaire…

Emmanuelle Perrussel

Témoignages / Des parents d’élèves du côté des agriculteurs

Plusieurs jeunes parents d’enfants scolarisés à Lyon sont passés par là ce lundi pour caresser les animaux de la ferme et échanger avec les agriculteurs. Ce menu unique interroge de nombreuses personnes et ne semble pas faire l’unanimité. Cette jeune maman déplore « que l’on nous répète sans cesse qu’il ne faut pas imposer ses choix aux autres. C’est pourtant ce que fait la Ville. Je pense que l’école doit s’adapter, même dans ce contexte sanitaire compliqué, et faire en sorte de laisser les élèves et leurs parents décider de ce qu’ils veulent mettre dans leur assiette ».

Cette autre jeune femme, accompagnée de son petit dernier, pense aussi aux familles modestes. « Retirer la viande du repas est une très mauvaise idée car certains enfants n’ont pas la chance de manger varié et équilibré chez eux. »

E.P.