Après une année 2022 en demi-teinte, l’année 2023 a été meilleure pour les producteurs de luzerne. L’année 2024 devrait voir les surfaces emblavées regagner du terrain.
L’an dernier à la même époque Éric Masset, président de la Coopération agricole-Luzerne de France, estimait que la campagne de la luzerne en France serait « résiliente ». De fait, en raison des difficultés de semis consécutives à une météo capricieuse et à un contexte géopolitique instable, les surfaces ont reculé de 4,3 % pour s’établir à 67 000 ha. Cependant, les semaines passant, le climat a bénéficié à la pousse. Tant et si bien que la récolte 2023 a progressé de 10 % par rapport à 2022. Ce sont 830 000 tonnes qui ont été récoltées contre 755 500 tonnes en 2022. En comparaison de ses principaux concurrents européens que sont l’Espagne et l’Italie, la France s’en sort bien. Elle représente 28 % de la production européenne derrière l’Espagne (32 %) et juste devant l’Italie (27 %). D’une manière globale, l’Europe ne parvient pas à enrayer la baisse lente mais continuelle de sa production. En presque un quart de siècle, la production de luzerne sèche a chuté de plus de 27 %, passant de 4,270 millions de tonnes (Mt) en 2000 à 2,973 Mt en 2023. La sécheresse qui a sévi en Espagne a été fatale aux fourrages, lui faisant perdre plus du quart de sa production (950 000 t en 2023 contre 1,260 Mt en 2022). Ce sont les inondations de mars et avril 2023 en Italie qui ont été tout aussi préjudiciables à la luzerne péninsulaire.
Serein et incertain
Face au changement climatique que la France subit aussi, « il faut une filière résiliente face à un marché exigeant », a assuré Pierre Begoc, directeur de Desialis, premier opérateur européen de produits déshydratés. C’est pourquoi Luzerne de France a annoncé poursuivre sa structuration en organisation de producteurs, ce qui lui permet d’accéder à des programmes opérationnels, financés à 50 % par l’Union européenne. C’est aussi dans ce cadre, que Luzerne de France avance sur son engagement « décarbonation ». Bien que seules les activités de déshydratation soient prises en compte dans ce calcul, « nous avons baissé de 93 % (92,9 % exactement) nos émissions de gaz à effet de serre, par rapport à la période de référence de 2005 », a souligné Éric Masset. L’objectif du zéro carbone initialement prévu pour 2030 pourrait être atteint rapidement. Quant à la luzerne biologique, si la production reste stable (1,3 Mt), elle peine à trouver des débouchés dans l’alimentation animale bio. En effet, les aliments composés bio ont perdu 14 % sur deux ans, passant de 744 773 tonnes (début 2021) à 638 248 tonnes (fin 2022). Les perspectives pour l’année 2024 sur le marché de la luzerne s’annoncent à la fois sereines et incertaines. Serein dans la mesure où « les stocks devraient se reconstituer et que le potentiel de baisse paraît limité », a analysé Pierre Begoc. Incertain aussi car, pour lui, « rien n’est figé car les incertitudes géopolitiques peuvent rebattre les cartes des marchés ».