TEMOIGNAGES
Les multiples enjeux de la production laitière en montagne

Alors qu’une mission d’information parlementaire sur la situation du lait en montagne a été lancée fin mars 2021, les éleveurs se préoccupent de voir leur métier perdre tous les ans de nouveaux producteurs.

Les multiples enjeux de la production laitière en montagne
Les élevages laitiers en zone de montagne ont des quotas de production inférieures à ceux de la plaine. La production moyenne est de 261 000 litres par exploitation contre 470 000 en zone de plaine. ©Vercors Lait

En Haute-Loire, l’élevage laitier est inscrit dans l’ADN du territoire. Premier département laitier de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), il accueille des petites fermes aux rendements laitiers nettement inférieurs à celles situées en plaine. « Nous sommes obligés de nous adapter aux terres morcelées et sinueuses. Ici, nous n’avons aucun signe d’identification de la qualité et d’origine (Siqo) et le département n’est pas propice à l’élevage de vaches allaitantes », explique Éric Richard, éleveur laitier à Javaugues et président de la section laitière de la FDSEA de Haute-Loire. Malgré l’ICHN et les aides couplées, les charges bâtiment et les coûts de production sont plus importants. Et même si la production semble résister pour le moment, le volume départemental commence petit à petit à baisser.  « D’après une enquête de la chambre d’agriculture, nous perdrons 60 millions de litres de lait d’ici à 2025 », indique-t-il. Des données inquiétantes pour les 1 300 producteurs laitiers du département. Ils étaient 6 000 dans les années quatre-vingt. « Aujourd’hui, on est au bout du bout, dans la phase descendante. » Ce constat se traduit en chiffres. Selon les derniers indicateurs du Cniel, les coûts de production pour 2019 sont estimés à 403 €/1 000 litres pour les exploitations laitières conventionnelles de plaine, à 483 €/1 000 litres en zone de montagne.

« On se doit d’aller plus loin ! »

Selon Éric Richard, le seul éleveur laitier de sa commune, la montagne a besoin d’une segmentation plus rapide et plus percutante pour retrouver de la valeur. « Les PME et les grands groupes n’y vont pas assez. À Brioude, le site Richemont est la plus grande usine de raclette au monde (65 tonnes de raclette par jour, NDLR). Nos territoires sont aussi de grands producteurs de Saint Agur. C’est dommage qu’on n’ait pas de retombées plus importantes », regrette-t-il. Mais pour Mickaël Gonin, éleveur laitier à Amplepuis dans les Monts du Beaujolais, « la segmentation ne couvrira pas ces 80 € d’écart. Même si j’y crois dur comme fer, on ne peut pas compter que sur la segmentation. On se doit d’aller plus loin ! » Selon lui, la valorisation du lait de montagne passe, entre autres, par « la structuration du parcellaire en montagne, encore trop morcelé ». « La distance entre les terres de pâturage et les bâtiments d’élevage engendre des coûts supplémentaires. Les éleveurs ont aussi besoin d’un accès privilégié au foncier. Il nous faut pouvoir investir, par des incitations fiscales, dans du matériel plus puissant et innovant, et donc plus cher… » Le réchauffement climatique n’épargne pas les zones de montagne. La question de la sécurisation de l’accès à l’eau fait partie des nouveaux enjeux à prendre en compte. Enfin, l’éternel sujet de l’intégration des coûts de production par les laiteries et coopératives revient toujours sur le devant de la scène. « Si une segmentation crée de la valeur il faut qu’elle revienne aux acteurs de la filière. Si l’argent revenait dans nos trésoreries, on aurait la capacité d’investir et de préserver nos fermes… »

Alison Pelotier