ANALYSE
La filière Ppam toujours à la recherche d’une sortie de crise

Producteurs de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) et distillateurs de la Drôme et de l’Ardèche se sont réunis le 12 mai à Nyons pour l’assemblée générale de leur syndicat. Le point sur la situation de la filière.

La filière Ppam toujours à la recherche d’une sortie de crise
La France souhaite mettre en place un dispositif d’aide conjoncturelle pour accompagner les exploitations des zones traditionnelles vers une sortie de crise. L’Europe examine actuellement cette proposition.

« La situation pour la filière reste compliquée », annonce Alain Aubanel, co-président du nouveau syndicat Ppam de Drôme et d’Ardèche (lire ci-dessous). Toutes les plantes sont touchées et la situation est bien sûr exacerbée en lavande et lavandin qui représentent plus de 50 % des surfaces. « Nous avons du mal à sortir de cette crise car tout nous est tombé dessus en même temps », résume le producteur drômois, également président de Ppam de France. D’abord la crise de la Covid 19. « Nous avons connu dans un premier temps une hausse des ventes d’huiles essentielles en aromathérapie. Puis très vite, durant les périodes de confinement, les ventes de cosmétiques ou encore de produits d’entretien pour les bureaux se sont effondrées tirant la consommation d’huiles essentielles vers le bas », rappelle Alain Aubanel.

Gros recul sur les Ppam bio

La guerre en Ukraine n’a pas épargné non plus la filière. « Le coût des matières premières a explosé, l’énergie mais aussi le coût des emballages carton, des bidons, des étiquettes… En parallèle, les consommateurs se sont recentrés sur les produits de première nécessité avec une baisse du panier moyen. En magasins spécialisés, que ce soit en aromathérapie ou cosmétique, les Ppam bio ont souffert avec un recul de 30 % du chiffre d’affaires », commente le producteur. Et, comme si la conjoncture n’était pas assez morose, la filière se débat aussi avec les aspects réglementaires. « Les entreprises ne savent toujours pas à quelle sauce elles vont être mangées dans le cadre de la révision du règlement européen Reach1. On a le sentiment que les députés européens et les membres de la commission européenne ont compris que cette réglementation était disproportionnée pour les produits naturels. Mais, côté français, certaines administrations semblent ne pas être sur cette longueur d’onde, c’est donc très contrariant », explique Alain Aubanel. Selon lui, ce flou réglementaire a conduit les industriels à stopper leur politique de développement sur les produits naturels et à revenir aux produits de synthèse, privant encore un peu plus la filière de débouchés pour ses huiles essentielles.

La prime à l’arrachage retoquée

Moins de débouchés mais aussi « en face une surproduction comme on en avait jamais connue en lavande et lavandin », reconnaît le producteur. D’où la proposition d’une prime à l’arrachage qui avait été votée par le Sénat en août dernier, assortie d’une enveloppe de 10 millions d’euros pour mener à bien ce plan qui aurait pu concerner 5 000 ha. Mais c’était sans compter sur la réglementation européenne qui interdit ce type de dispositif assimilé à une régulation du marché. « Les 10 millions restent acquis pour la filière et nous avons retravaillé sur comment distribuer cette enveloppe aux producteurs », poursuit Alain Aubanel. C’est finalement une aide conjoncturelle, réservée aux exploitations productrices d’huiles essentielles en difficulté suite à la crise, qui va voir le jour. Mais pas question de faire du saupoudrage. L’aide serait réservée aux exploitations pouvant justifier d’une spécialisation et d’une antériorité dans la production d’huile essentielle de lavande ou lavandin. Soit des exploitations commercialisant des huiles essentielles depuis 2018 et réalisant au moins 40 % de leur chiffre d’affaires sur ces produits. « Notre objectif est que cette aide puisse bénéficier aux exploitations traditionnelles et spécialisées, sur des territoires où d’autres productions ne sont pas envisageables », confie Alain Aubanel. Reste à savoir si cette nouvelle proposition sera validée par l’Europe. Verdict attendu autour du 15 juin.

Sophie Sabot

1. Règlement européen relatif à la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation des substances chimiques.

Fusion des syndicats de producteurs et de distillateurs

Lors de l’assemblée générale du 12 mai, a été actée la fusion des deux syndicats, celui représentant les producteurs de Ppam drômois et ardéchois et celui représentant les distillateurs des deux départements. « Dès 2023, nous fonctionnerons avec un bureau et un conseil d’administration uniques et une co-présidence, avant de finaliser les statuts du syndicat Ppam 26-07 en 2024 », précise Alain Aubanel. Producteur et distillateur à Chamaloc, il devient donc co-président de la nouvelle structure aux côtés de Philippe Soguel, gérant de la Distillerie Bleu Provence à Nyons. Tous deux représentent également la filière au niveau national, respectivement en tant que président et vice-président de Ppam de France.

S.S.

« Nous devons nous préparer à la reprise »

« Oui, aujourd’hui, nous sommes gavés de stocks en huiles essentielles de lavande et lavandin et certaines exploitations sont au bord de la faillite. Mais peut-être ces stocks seront-ils bienvenus à un moment ou un autre. L’année à venir ne s’annonce pas terrible en termes de production. Nous subissons la sécheresse tout comme les pays producteurs concurrents. Les plantations ont souffert du manque d’eau mais aussi de dégâts colossaux de cécidomyie, le dernier traitement autorisé contre ce ravageur datant de 2020 », souligne Alain Aubanel. Il invite la filière à « se préparer à la reprise ». « Nous devons être en capacité de maintenir le potentiel de production en Drôme et en Ardèche. D’où l’urgence d’une aide conjoncturelle pour passer ce cap car il n’y a pas vraiment de plan B pour les exploitations des zones traditionnelles », confie le co-président du syndicat. 

Pour conforter le revenu des lavandiculteurs, l’interprofession CIHEF1 planche aussi sur le label bas-carbone qui permettrait de valoriser sous forme de crédits les bonnes pratiques de la filière dans ce domaine.

S.Sabot

1. CIHEF : comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises.