CRISE SANITAIRE
Zoom sur les circuits courts

Anaïs Lévêque
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CIRCUITS COURTS / Suite aux annonces de confinement, les productions fermières et les magasins collectifs ont été pris d’assaut par les consommateurs en Ardèche.

Zoom sur les circuits courts
De nombreuses mesures de protection sanitaire ont été mises en place dans les magasins collectifs de producteurs et sur les marchés de plein vent afin de réduire au maximum les contacts physiques de sa clientèle.

Fort d’un tissu local déjà bien établi et travaillant avec très peu d’intermédiaires, les productions fermières et les points de vente collectifs se sont adaptés avec efficacité aux consignes de protection sanitaire. Malgré le manque de salariés parfois, ils ont fait face à une importante fréquentation de la clientèle, régulée au fil des jours. « Comparé à la GMS1 où jusqu’à très récemment, il n’y avait pas d’organisation spécifique pour faire face au Covid-19, ils se sont adaptés de façon assez exceptionnelle depuis le 16 mars. Ils ont cette capacité de pouvoir être très réactifs puisqu’ils maîtrisent toute la chaîne logistique... Ils restent l’un des maillons d’approvisionnement essentiel pour l’alimentation sur le territoire », indique Lucia Latré, chargée de mission-coordi- natrice transformation, circuits courts, tourisme à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche.

Mesures sanitaires et organisation de travail


Dès le 16 mars, la Chambre d’agriculture de l’Ardèche a diffusé, dans le cadre d’un groupe de travail national des Chambres d’agriculture, une note de recommandation à destination des producteurs fermiers et les points de vente collectifs sur les mesures à mettre en œuvre pour assurer la protection des producteurs, de leurs salariés et des clients. Grâce à ces consignes, ils ont pu s’adapter rapidement.


Dans le magasin de producteurs La Grange à Saint-Péray, tous les salariés portent des gants et disposent de désinfectants. Les emballages vides habi- tuellement repris en vue d’être recyclés ont été retirés, ainsi que les paniers. Le coin aménagé pour les enfants est fermé. La fréquentation du magasin est limitée à 10 personnes, membres du personnel compris. Des affiches sont installées pour expliquer à la clientèle les consignes à respecter. Un sens de circulation est organisé en utilisant l’issue de secours, de sorte que les clients ne repassent pas deux fois au même endroit ni ne se croisent en magasin. Des marquages au sol invitent également la clientèle à garder la fameuse « distanciation sociale », un mètre d’écart, « surtout en caisse, où nous désinfectons tout à chaque passage d’un à deux clients », explique Aurélien, salarié et responsable du magasin. Cette adaptation n’a pas été difficile à mettre en place, assure-t-il : « Le tout est d’avoir quelqu’un qui se charge de fluidifier la clientèle et expliquer ces mesures à l’entrée du magasin ».

Des volumes d’activité satisfaisants


Afin de réguler l’assaut des consommateurs en fonction des effectifs et réduire au maximum les contacts physiques, de nombreux magasins de producteurs proposent depuis quelques jours de prendre les commandes par SMS. Chacun d’entre eux a adapté ses horaires d’ouverture, son accueil en magasin et n’annonce aucune pénurie de pro- duits. Dès la fin de semaine dernière, les associés de la La Chèvre et le Chou à Villeneuve-de-Berg ont dû chercher des solutions pour éviter toute rupture tant la fréquentation était grande : augmentation des livraisons, recherche de nouveaux fournisseurs. Les clients sont aujourd’hui un peu moins nombreux mais le montant moyen de leur panier a augmenté, vu qu’ils ne peuvent pas se déplacer comme ils le veulent et font leurs courses pour la semaine. « Nous devrions être sur des volumes d’activité relativement similaires à une semaine normale », confirme Lucia Latré.

Les marchés de plein air sur la sellette


Néanmoins, les mesures de protection sanitaire et de confinement se durcissent au fil des jours. Depuis le 24 mars, les marchés des plein air sont interdits. Une dérogation est possible, donnée par le préfet sur demande du maire de la commune qui souhaite « organiser un marché selon des règles strictes », a indiqué le Premier ministre Édouard Philippe le 23 mars.


La Chambre d’agriculture et la FDSEA réaffirment l’importance de leur maintien, dès lors que l’ensemble des mesures de biosécurité sont respectées. « C’est tout à fait réaliste et jouable, ajoute Lucia Latré. La Chambre d’agriculture est mobilisée pour promouvoir la continuité des marchés en contribuant à l’information des maires sur les mesures barrières », notamment avec la limitation du nombre de forains et de stands non alimentaire. La FDSEA s’est mobilisée également et a obtenu le déblocage de 22 marchés de plein air en Ardèche, toutes ces demandes de dérogation ayant été appuyées par le préfet Françoise Souliman.

Les points de vente privilégiés par la clientèle
Depuis trois semaines maintenant, la clientèle se fait rare à la Ferme du Plateau des soies au Pouzin où Sandra Mollier et Mathieu Comte élèvent des porcs gascon de plein air en agriculture biologique, transformés et vendus à la ferme.

Les points de vente privilégiés par la clientèle

Éleveur de bovins viande à La- farre (Gaec du Sardier), Stéphane Roche vend sa viande en direct. Les deux jours qui ont suivi la fermeture des établissements scolaires, il a été écoulé 150 kg de viande, « comme dans toutes les boucheries d’Ardèche ! » À la Ferme du Plateau des soies au Pouzin où Sandra Mollier et Mathieu Comte élèvent des porcs gascon de plein air en agriculture biologique, transformés et vendus à la ferme le vendredi, la clientèle se fait rare depuis trois semaines. Tous deux ont délocalisé leur point de vente à l’extérieur, en mettant en place toutes les recommandations sanitaires, mais cela n’a pas suffit.

Relancer les expéditions

« Seuls les clients qui avaient déjà passer commande viennent la récupérer. Les gens vont faire leurs courses sur un seul point de vente, constate Sandra Mollier. Nous sommes installés depuis 2 ans. Vu que nous faisons naître nos animaux et avons choisi de les engraisser entre 16 et 22 mois, nous commercialisons nos produits depuis seulement 10 mois donc nous avons une petite trésorerie. » Avec son compagnon Mathieu Comte, ils commercialisent également leur production en points de vente collectifs et en Amap1 et vont essayer de relancer les expéditions. « Nous avions commencé à démarcher les épiceries fines pour nos produits transformés et vendus en bocaux, tous les rendez-vous ont été annulés... Cela remet en question nos activités de vente à venir. »

« Les agriculteurs s’organisent, imaginent des solutions, adaptent leurs horaires mais la fréquentation est en baisse pour le moment, constate Dominique Brichet, conseillère accueil à la ferme, Bienvenue à la ferme, marchés des producteurs de pays à la Chambre d’agriculture. Peut-être que les locaux vont rapidement préférer faire leurs courses à proximité dans les fermes, que dans un magasin, et découvrir des produits qu’ils ne connaissaient pas. Cela pourrait resserrer les liens sur le local... » Les traditionnels rendez-vous entre producteurs et consommateurs où les ventes sont importantes, ont été reportées, comme les journées de "De Ferme en ferme". Sans oublier, l’activité des structures d’approvisionnement de productions fermières à destination de la restauration collective qui est également en nette diminution. 

1. Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.

Éviter les pertes sèches

Comment peuvent s’adapter les producteurs fermiers inquiets de se retrouver au contact de la clientèle ou perturbés dans leurs activités ? « C’est un peu à la marge mais certains producteurs ne souhaitent plus d’eux-même faire les marchés pour éviter d’être exposés, d’exposer leur famille, ce que nous comprenons bien sûr », explique Lucia Latré, chargée de mission-coordinatrice transformation, circuits courts, tourisme à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. « Nous tentons de les rassurer et de trouver des solutions et des débouchés rapidement en fonction de leurs outils car cela concerne souvent des productions de frais et d’ultra frais, censées être commercialisées sur les marchés de plein vent. »

Sur une production de fromages de chèvre (de type picodon) avec des animaux actuellement en pleine lactation par exemple, un éleveur a pu être orienté vers des technologies de conservation par la technicienne fromagère de la Chambre d’agriculture afin d’éviter les pertes sèches. « Plutôt que de faire du lactique, dont le goût évolue vite et doit donc se vendre rapidement, nous lui avons fait envisager des productions plus durables qui se stockent en cave, comme des pâtes pressées, tommes, etc. Créer une nouvelle gamme de produit disponible lorsque les mesures de confinement seront terminées. » Néanmoins, ce type de solution ne peut pas être mis en place par tous les producteurs et dépend de l’adaptation de leurs outils.

Plus d’informations auprès des conseillers et techniciens de la Chambre d’agriculture, disponibles par mail et par téléphone. Guide des services et coordonnées accessibles sur le site Internet : https://extranet-ardeche.chambres-agriculture.fr/

Arrêt total d’activité en agritourisme

Comme tous les prestataires de tourisme, les structures d’accueil à la ferme, dont l’ouverture était programmée début avril, sont à l’arrêt. Même constat pour les fermes auberge et équestre. Les visites d’exploitations, les manifestations œnotouristiques, les journées « De ferme en ferme » sont reportés. Des rendez-vous où il y a beaucoup de vente pour les agriculteurs. Le gouvernement a mis en place des mesures de soutien immédiates aux entreprises, actuellement en cours d’expertise afin de vérifier leur éligibilité pour les exploitations agricoles.

Plus d’informations : www.economie.gouv.fr/ coronavirus-soutien-entreprises