Près de 29 % des exposants du Sommet travaillent dans le machinisme agricole. Un secteur qui a connu, ces cinq dernières années, des ventes records. Le point avec Laurent de Buyer, directeur d’Axema, le syndicat des industriels des agroéquipements.

Comment se porte le marché des agroéquipements ?
Laurent de Buyer : « Le marché français des agroéquipements reste encore le premier en Europe devant l’Allemagne et l’Italie. Après cinq années de hausse du marché, en 2024, nous assistons à un repositionnement. La Covid, la guerre en Ukraine, les augmentations du prix des matières premières industrielles et des énergies, les ruptures de composants ont fortement impacté les livraisons et les prix des machines sur les trois dernières années. Si les cours des matières premières agricoles ont permis d’augmenter les revenus des agriculteurs et donc de maintenir leur capacité d’achat, l’augmentation des taux d’intérêt a sérieusement compliqué les décisions d’investissements. Les chiffres d’affaires et les résultats des sociétés du secteur en France et en Europe ont continué de croître en 2023. Sur cette seule année, les ventes d’équipements agricoles ont progressé de 3,5 % en volume et 11,5 % en valeur pour atteindre des chiffres records de 132 500 matériels vendus et de 9,11 milliards d’euros générés. »
Les baisses de commandes sont-elles significatives ? Quels types de machines sont le plus concernés ?
L.D.B. : « Les baisses de commandes sont très significatives en 2024 dans certains secteurs, avec une moyenne sur le marché qui pourrait atteindre -10 à -15 % sur l’année. La baisse pourrait se poursuivre sur 2025 sans facteur favorable comme les récoltes. Dans le détail, ce sont d’abord les tracteurs standards qui accusent aujourd’hui un net recul des ventes (-13 %), puis les chargeurs télescopiques ( -7 %), les presses à balles rondes (-12 %), les matériels de fenaison plus globalement (-8 %) alors que les ensileuses et presses haute densité connaissent un regain d’intérêt (respectivement. +27 % et +23 %) après une saison 2023 très ralentie. »
Comme bon nombre de secteurs, celui du machinisme rencontre-t-il des difficultés de recrutement ?
L.D.B. : « La fabrication et la vente de machines agricoles emploient plus de 55 000 personnes en France. 15 000 à 20 000 sont et vont être à pourvoir dans les années à venir. Le défi de l’attractivité de nos métiers est donc devant nous. Il y a une génération à convaincre que notre filière abrite de nobles métiers à commencer par celui d’agriculteur. Mais derrière il y a un réseau de concessionnaires fiers du service apporté au quotidien, des constructeurs innovants soucieux de la pénibilité du travail de leurs clients. Une profession consciente au quotidien que retrouver de la biodiversité fait partie des défis à relever, que progresser dans la culture avec moins d’intrants est inéluctable et permettra de redonner de la vie dans nos sols et que le tassement sera pris en compte dans un futur proche en allégeant les machines. »
Selon vous, les objectifs de décarbonation du secteur du machinisme fixés à -20 % en 2030 et neutralité en 2050 sont-ils tenables ?
L.D.B : « Ces objectifs vont provoquer une sérieuse réflexion sur la consommation de GNR des machines dans un premier temps, puis les alternatives avec des carburants non fossiles, enfin avec de nouvelles solutions techniques telles que l’électricité ou l’hydrogène. Avec un taux de renouvellement annuel de 3 % du parc des machines motorisées, à moins de sérieuses avancées sur le prix des machines équipées de ces nouvelles technologies ou de subventions importantes, il sera difficile d’arriver à la neutralité carbone. »