ALIMENTS
Élevage porcin : des coproduits pour diversifier les apports nutritionnels

Quand les reliquats de l’industrie agroalimentaire et de l’agriculture deviennent des coproduits à valoriser : c’est le cochon qui s’en charge tout en produisant de la protéine à consommation humaine.

Élevage porcin : des coproduits pour diversifier les apports nutritionnels
Seulement 30 % de la production de protéines végétales sont consommables par l’homme, alors que 87 % de protéines provenant du porc le sont. @Istock

Si dans le cochon tout est bon, Laurent Alibert, ingénieur à l’Institut français du porc (Ifip), affirme que « presque tout est bon pour le cochon ». L’élevage porcin apporte une réelle valorisation pour d’autres secteurs agricoles et industriels en transformant en protéines animales, des coproduits d’origine végétale. Le constat de départ est simple. Seulement 30 % de la production de protéines végétales sont consommables par l’homme, alors que 87 % de protéines provenant du porc le sont. Le porc bénéficie d’une efficience protéique nette (EPN) importante, de 1,2, c’est-à-dire qu’il produit plus de protéines qu’il n’en consomme. L’élevage porcin est la deuxième filière la plus efficiente sur ce point-là après le bovin (qui est à 1.3 d’EPN).

Les coproduits utilisables

Pour compléter l’alimentation animale, les coproduits sont nombreux. Par exemple, ceux qui sont issus de la transformation de grains comme les tourteaux ou les drèches. Les coproduits sont aussi retrouvés dans les résidus d’agrocarburants ou encore des produits de l’amidonnerie. L’industrie laitière est également pourvoyeuse avec le lactosérum, le babeurre, et les autres produits déclassés. Ajoutons la boulangerie et la biscuiterie et leurs produits qui ont des défauts, la pâte à pain, les mélanges de biscuits par exemple. Les transformations de fruits et légumes avec les purées de pelures de pommes de terre, les écarts de tris de lentilles, les compotes et confitures, les levures et le marc provenant de l’industrie des boissons, et pour les plats préparés, les fins de lot, les erreurs de recette et le reste de matières premières. Les sources de coproduits sont presque infinies, et la commercialisation est traditionnellement conclue entre l’éleveur et l’industriel qui désire se séparer à bon compte des déchets de son entreprise. Mais des coopératives, des groupements et même des entreprises spécialisées, jouent les intermédiaires et permettent de fluidifier les échanges, et de trouver de nouvelles sources d’un côté, et de nouveaux élevages de l’autre. Certains coproduits peuvent être particulièrement valorisés et donc, très demandés, notamment par l’IGP, avec le cas par exemple, de la saucisse de Morteau, qui demande un porc élevé avec une alimentation contenant du lactosérum.

Des facteurs limitants

Les coproduits trouvent également une valorisation avec le nombre de méthaniseurs disponibles en production, ce qui impose une concurrence. Si l’inquiétude a pu être ressentie, « la hausse du marché des matières sèches permet de mieux valoriser l’exploitation de ces dernières dans l’alimentation animale », détaille Laurent Alibert. Cependant, il reste à surveiller les causes de hausses de ces coproduits par rapport à la concurrence entre les espèces (les bovins en consomment également), et l’export pour la demande européenne. D’autres facteurs peuvent limiter l’usage de ces apports, comme la limitation de la diversification de l’alimentation par le cahier des charges qui peut demander par exemple 70 % de céréales. Notons également que les investissements pour l’éleveur pour une telle utilisation de produits non conventionnels sont importants : il faut stocker, manipuler, voire mélanger et assurer la disponibilité sur le long terme. Des critiques sont aussi émises quant à la caractérisation nutritionnelle qui reste difficile à définir, du fait de l’utilisation de produits peu communs et de quantités variables, la variabilité de la matière sèche provenant du traitement des liquides, et l’évolution des process de transformation. Il existe aussi des freins réglementaires, spécifiquement sur le lait, les ovoproduits, la présence de produits carnés, ou encore sur la différenciation entre les résidus pouvant donner des coproduits et les déchets inconsommables tant pour l’humain que pour les animaux.

Des formules simples à complexes

Des formules d’aliments sont sans cesse testées avec des résultats variables suivant les besoins et les buts recherchés. De deux constituants comme le lactoserum et maïs, on peut en trouver trois, quatre et même plus, suivant les disponibilités en matières premières. Les rations peuvent atteindre 50 % en formules de coproduits hors tourteaux.

Mais des questions restent en suspens quant à l’avenir, tant du point de vue des facteurs favorables que défavorables. Laurent Alibert précise : « Les prix de l’énergie augmentent ce qui implique une hausse du coût de la disponibilité des coproduits. Concernant ces derniers, ils peuvent devenir l’objet d’une concurrence entre l’alimentation humaine et l’alimentation animale en fonction de l’évolution des process de valorisation. Le changement des marchés est prépondérant, et dans cette optique, l’interdiction des véhicules thermiques est à prendre en compte. En effet, que faire des stocks de betteraves, de maïs et de blé à l’origine des biocarburants ? Seront-ils reconstitués ou la culture sera-t-elle abandonnée. Quelle sera l’évolution réglementaire pour les produits carnés ? » Ce sont autant de questions à se poser pour entrevoir l’avenir de la valorisation de ces coproduits utilisés dans le cadre de l’alimentation animale, valorisation qui ne demande qu’à évoluer dans les process et la disponibilité.

Véronique Legras