PORTRAIT
Jean-Claude Boyer, un autodidacte plein de ressources

Mylène Coste
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PORTRAIT / Jean-Claude Boyer a été agriculteur, et bien plus que ça ! Passionné par l'agronomie, mais aussi la mécanique, sa soif d'apprendre ne l'a jamais quittée. Il a aussi été témoin des grands changements de l'agriculture à Lablachère et en Sud-Ardèche.

Jean-Claude Boyer, un autodidacte plein de ressources
Engagé durant toute sa vie, Jean-Claude Boyer fut pompier volontaire à la caserne de Lablachère, mais également premier adjoint au maire, et vice-président de la cave coopérative de Lablachère. 

Jean-Claude Boyer aurait peut-être choisi un autre destin. Mais il n'a pas échappé à celui que son père avait prévu pour lui : reprendre l'exploitation familiale, dans le hameau de Drôme à Lablachère. « J'étais le second enfant d'une fratrie de six enfants, et en tant que fils aîné, mon père a toujours compté sur moi pour travailler à la ferme. Dès mes 14 ans, je quittais l'école pour me consacrer aux travaux des champs. » S'il avait eu le choix, Jean-Claude Boyer aurait aimé poursuivre des études, comme ses frères et soeurs : « Je rêvais de devenir mécanicien ! » 

Auprès de son père, il apprend les rudiments du métier d'agriculteur, mais aussi le sens de l'effort et du travail. Pour autant, père et fils ne sont pas toujours d'accord : « Il était de l'ancienne génération, réticent à tout changement. À l'époque nous travaillions la terre au cheval et à la charrue », se souvient Jean-Claude Boyer. L'exploitation compte 5 ha essentiellement en vignes, mais aussi quelques pêchers et un troupeau de chèvres et de moutons et quelques vaches. 

Le quotidien familial est bientôt bouleversé lorque le jeune homme est mobilisé pour la Guerre d'Algérie, un événement qui marquera durablement toute une génération. 

Quarante ans de grands bouleversements

À son retour, en 1962, il regagne l'exploitation qui investira bientôt dans un nouveau tracteur : « Ça nous a véritablement changé la vie ! » Quelque temps après, l'instauration de l'indemnité viagère de départ pousse son père à lui céder l'exploitation, dont il prend les rênes en 1965. Trois ans plus tard, il épouse Mireille, issue d'une famille d'éleveurs de Payzac. Ils s'installeront bientôt dans la maison que le jeune marié a construit de ses mains, de A à Z !

Désormais chef d'exploitation, Jean-Claude Boyer a les mains libres pour réaliser les changements qu'il souhaite : « Je me suis consacré à la viticulture et l'arboriculture. La pêche a connu un âge d'or dans les années 1970 : 90 t étaient vendues chaque jour au marché de Rosières, entre les expéditeurs et la Vivacoop ». Mais petit à petit, la pêche est de moins en moins valorisée et il décide d'arrêter la production dans les années 2000, bénéficiant d'aides à l'arrachage. 

Dans les années 1970, le Lablachérois se lance dans une nouvelle aventure : la culture de plants fraisiers. Encouragé par Henry Vandran, alors technicien à la Chambre d'agriculture et animateur du GVA1 de Joyeuse, il crée avec 18 autres producteurs le GIE2 « Les Fraisiers Cévenols » qui fonctionnera pendant dix ans. « Ce fut une formidable expérience, qui m'a beaucoup appris et m'a donné l'opportunité de rencontrer d'autres producteurs, jusque dans le Vercors. »

Jean-Claude Boyer poursuit : « J'ai également fait un peu de cerise, mais j'ai abandonné assez tôt car les prix étaient insuffisants ». Le Lablachérois a été témoin de l'abandon progressif de l'arboriculture en Sud-Ardèche, tandis que la vigne gagnait du terrain.

L'avènement de la viticulture 

C'est à la viticulture que l'agriculteur va se consacrer : « Mon père m'avait légué des variétés anciennes (carrignan, cahors, aramon, brayades) que j'ai progressivement remplacées tout au long de ma carrière pour implanter du gamay, du merlot, syrah, viognier et sauvignon ». Avec un parcellaire d'environ 10 ha assez morcelés, certaines vignes sont implantées dans des sols calcaires et d'autres en terres de grés, plus gourmandes en humus. Côté débouchés, il apporte sa production à la cave coopérative de Lablachère, comme son père en son temps. Il en deviendra même vice-président aux côtés d'André Pouzache ; un temps de grands changements pour la cave qui se modernise et apporte davantage de sécurité financière à ses adhérents.

Un mécanicien hors-pair

Si Jean-Claude Boyer n'a pas pu faire les études de mécanique dont il rêvait, il n'a jamais cessé de confectionner, d'inventer et de réparer des machines agricoles. « Je n'ai jamais vu un réparateur ! », s'amuse cet autodidacte. « Dès notre jeune âge, nous avons acquis et mis en commun du matériel avec trois collègues du village, Messieurs Poudevigne, Besset et Badaroux. Parfois, nous mettions nous-mêmes au point nos propres machines. Nous avons ainsi partagé 4 tracteurs à labour, une sous-soleuse, une terrassière, une pré-tailleuse, un épandeur à fumier, ou encore une machine à vendanger qui a fait 30 campagnes, et fonctionne encore !  Une sorte de Gaec avant l'heure ! Il se souvient :  L’hiver, après les journées de travail, nous nous rejoignions pour bricoler ensemble jusqu'à minuit  ! C'était de très bon moments. »

Jean-Claude Boyer a pris sa retraite à 60 ans, mais a continué à travailler jusqu'à 71 ans auprès de son épouse Mireille, devenue alors cheffe d'exploitation. Leurs trois enfants n'ont pas souhaité prendre la suite. « Nous n'avons rien voulu leur imposer, affiche Jean-Claude Boyer. Moi, on ne m'a pas laissé le choix ; alors je voulais qu'eux puissent choisir leur voie ! » Les terres sont toutefois louées par des agriculteurs du pays, qui les travaillent avec soin.

Aujourd'hui, Jean-Claude Boyer coule une douce retraite auprès de Mireille... Mais il ne s'ennuie pas pour autant ! Il se consacre à une nouvelle passion : la menuiserie. Dans son atelier, il confectionne meubles, portes et autres créations qui n'ont rien à envier à celles des professionnels. 

Mylène Coste

1. Groupement de vulgarisation agricole.
2. Groupement d'intérêt économique.