Lait
A chaque laiterie sa stratégie. Laiterie Carrier

LAIT/ Plusieurs entreprises se partagent aujourd'hui la collecte, la transformation et la commercialisation du lait ardéchois. Qui sont-elles ? Quelles sont leurs stratégies pour se démarquer sur un marché fortement concurrentiel ? Début de notre série spéciale laiteries avec Florent Oddoux, adjoint de direction à la laiterie Carrier (Vals-les-Bains).

Florent Oddoux, adjoint de direction de la laiterie Carrier
Florent Oddoux

Quels sont les principaux débouchés de la laiterie Carrier ?

Florent Oddoux : « Nous avons un éventail assez large de clients, qui va de la grande et moyenne surface (GMS) à la restauration collective (collèges, maisons de retraite), aux magasins spécialisés, grossistes, restaurants / pâtissiers en passant par des entreprises agroalimentaires (fromageries, glaciers, fabricants de ravioles...). Nous avons une large gamme de produits en lait frais, crème fraîche, fromages blancs, yaourts, fromages secs, lait UHT et beurre, déclinés en plusieurs conditionnements et formats. Notre zone de chalandise est le quart Sud-Est de la France. Pour notre cœur de gamme, nos débouchés sont essentiellement situés en Ardèche et dans la Drôme.

 

Comment vous êtes-vous adaptés aux évolutions de la demande ?

F.O. : « Carrier est historiquement pionnière dans la production à base de lait agriculture biologique. Ainsi, nous n'avons pas eu à nous adapter à l'essor de la demande de bio puisque nous étions déjà dans cette démarche. Aujourd'hui, 8 de nos 24 producteurs ardéchois sont en production bio. La demande de produits locaux (conventionnels et bio) est également croissante et nous a permis de conquérir certains marchés locaux comme ceux de la restauration collective ardéchoise : nos produits sont par exemple présents dans les assiettes de nombreux collégiens du département dans le cadre de la démarche « Mon collège s'engage ».

 

Comment sont négociés les prix avec vos producteurs et vos clients ?

F.O. : « Avec nos producteurs, nous discutons du prix du lait lors de négociations biannuelles, En 2019, le prix de base fut de 347 € / 1000 l pour un lait à 38 g/l de matière grasse et 32 g/l de matière protéique (soit 362 € / 1000 l pour des taux de 41 – 33 g/l). À cela s’ajoutent les bonus et primes qualités. Malgré tout, les producteurs aspirent à des prix plus hauts. Nous tâchons de trouver un équilibre entre nos contraintes et le souhait des producteurs.

Nous traitons des prix de vente directement avec nos clients, y compris la GMS. En effet, nous sommes peu référencés en centrale d'achat, ce qui nous permet de négocier les prix et les quantités en direct avec les magasins. Nous livrons ensuite presque la totalité de nos clients avec nos propres véhicules. Notre marque Areilladou fait office de référence en termes d'image, surtout en Ardèche. Les clients et les différentes enseignes y sont attachés. »

 

Malgré tout, de plus en plus de laitiers cessent leur activité ou optent pour l'allaitant...

F.O. : « C'est vrai, mais je ne crois pas que cela soit uniquement dû à un problème de prix. Il y a aussi toutes les contraintes relatives au travail en élevage laitier (astreinte de la traite), sans compter les aléas climatiques. Autrefois, beaucoup d'éleveurs étaient autosuffisants en matière de fourrages, ce n’est plus le cas aujourd’hui avec les sécheresses successives, ce qui engendre des charges supplémentaires. Par ailleurs, je ne suis pas certain que les éleveurs allaitants soient bien mieux lotis : la consommation de viande baisse, le prix de la viande fluctue lui aussi et les revenus sont moins réguliers.  Nous avons tout de même eu des reprises d’exploitations ces dernières années et d’autres se profilent pour les années à venir, ce qui est encourageant. »

 

Comment faire pour conserver un volume suffisant de lait malgré les arrêts d'activités ?

F.O. : « La sécurisation des volumes est un des enjeux principaux pour l’entreprise. Nous avons été contraints de cesser la collecte que nous avions sur le Coiron suite à la chute des volumes livrés, devenus insuffisants pour couvrir les frais de transport. Nous savons que nous serons obligés d'élargir notre zone de collecte sur le plateau afin de trouver de nouvelles exploitations : c'est le seul moyen de garantir une régularité dans les volumes collectés. En 2017, nous avions ainsi repris des producteurs intégrés à la collecte de Lactalis. »

 

Comment se démarquer sur le marché et créer de la valeur ajoutée ?

F.O. : « Nous avons développé une gamme bio depuis presque 20 ans, mais faire du bio n'est plus suffisant. Autrefois, nous étions les seuls à proposer du lait bio, mais aujourd'hui on en trouve partout et à des prix de vente aux consommateurs tirés vers le bas. C'est pourquoi, il nous faut nous démarquer et jouer la carte du bio local en valorisant nos spécificités auprès du consommateur : des vaches nourries à l'herbe au pâturage, dans des fermes de taille moyenne, en zone de montagne, etc…. C’est un projet auquel nous travaillons depuis deux ans avec nos huit producteurs bio, avec le soutien de la Chambre d’agriculture et la région Auvergne Rhône-Alpes. Les producteurs sont engagés dans la charte des bonnes pratiques d’élevage et dans la démarche « Ferme laitière bas carbone » qui a permis de montrer que l’empreinte carbone de ces exploitations est nulle (es émissions de gaz à effet de serre sont compensées par le stockage du carbone dans les prairies permanentes).

Les producteurs ont accepté de prêter leur image pour nos documents de communication et participeront à des rencontres avec nos clients, par exemple dans les collèges ou lycées locaux. En contrepartie, nous nous sommes engagés à augmenter le prix du lait sur ans ans (2019, 2020, 2021). Des nouveaux packagings avec la mention lait bio de la montagne ardéchoise, à la marque « Eulalie des Monts d'Ardèche » devraient être dévoilés au début de l'année 2020. »

Propos recueillis par Mylène Coste

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