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Roselyne Guigue : « J'ai été passionnée par mon métier »

Mylène Coste
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PORTRAIT / Roselyne Guigue est retraitée depuis de longues années déjà. Pourtant, il ne se passe pas un jour sans que cette ancienne agricultrice passionnée ne se promène au milieu de ses vergers, auxquels elle est encore très attachée.

Roselyne Guigue
Roselyne Guigue

Originaire de Sabran, en plein coeur du Gard provençal, Roselyne Guigue a grandi dans un environnement agricole. En 1958, elle épouse Raymond, lui aussi issu d'une famille d'agriculteurs gardois et associé à son frère à la tête d'une exploitation de vignes et fruitiers à Roquemaure. Mais en 1970, Roselyne et son époux ont l'opportunité d'acquérir une propriété à Saint-Just-d'Ardèche. Ils font alors leurs valises et s'installent, avec leurs quatre enfants dans le petit village ardéchois. « Bien sûr, cela a été un peu dur de quitter le Gard, d'autant plus avec les enfants qui allaient à l'école à Avignon. Mais nous nous sommes rapidement intégrés à Saint-Just », se souvient-elle.

L'aboriculture, un lien entre Saint-Just et la Nouvelle-Zélande

Lorsqu'ils arrivent sur leur nouvelle exploitation, celle-ci comprend essentiellement des pommiers et un peu de vignes, le tout sur 38 ha. « Dès la première année, nous avons arraché les vignes, mais également quelques parcelles de pommiers, pour y implanter du kiwi de variété Hayward . Nous avions déjà cultivé ce fruit dans le Gard, et voulions poursuivre à Saint-Just, explique Roselyne Guigue. Peu d'arboriculteurs produisaient du kiwi dans les années 1970 : pourtant, ce fruit commençait à avoir un certain succès à cette époque. »

Encore peu répandue à cette époque, la culture du kiwi était encore assez peu connue. C'est pourquoi en 1978, Roselyne Guigue et son époux ont pu participer, avec d'autres producteurs de la région mais également des Pyrénées orientales et des Landes, à un voyage d'étude organisé par le Crédit Agricole en Nouvelle-Zélande. « Le kiwi était très cultivé dans l'île du Nord. Nous y avons appris beaucoup de choses concernant l'itinéraire technique du kiwi, les techniques de palissage... » Mais outre l'aquisition de connaissances agricoles, Roselyne Guige garde un excellent souvenir des paysages et de l'accueil chaleureux de la Nouvelle-Zélande : « C'est une toute autre façon de vivre, avec un style très anglosaxon, mais très agréable. »

Les coups durs toujours surmontés

Outre le kiwi, la famille Guigue cultive toujours des pommes, « principalement de variété Golden, celle qui avait le plus de succès jusque dans les années 1980. Nous avions également quelques autres variétés de pommes rouges américaines, souligne Roselyne Guigue. Nous avons également implanté des vergers de pêchers, avec des variétés de bouche et de conserves. La pêche a bien fonctionné, jusqu'à la crise fruitière des années 1990. Celle-ci a été difficile non seulement pour nous, mais pour toute la filière arboricole française. »

L'exploitation a aussi parfois subi les caprices du climat, comme le violent orage de grêle qui avait dévasté les vergers au début des années 1990. Mais surtout, la tornade de 2014, qui laisse un vif souvenir dans la mémoire de Roselyne Guigue, bien que déjà retraitée à cette époque. Aussi constate-t-elle que le climat a quelque peu changé : « Les épisodes gélifs sont beaucoup moins fréquents aujourd'hui. Je me souviens de nos premières années ici : mon mari était sans arrêt obligé de se lever la nuit pour irriguer les vergers contre le gel. Aujourd'hui, cela n'arrive que ponctuellement. » Le climat semble toutefois bien plus chaud et sec.

Malgré toutes les difficultés qu'elle a pu traverser, l'exploitation a toujours su rebondir.

Une agricultrice engagée pour défendre sa profession

Roselyne Guigue s'est également longtemps investie pour défendre l'agriculture et les agricultrices au sein de la Chambre d'agriculture de l'Ardèche, où elle était élue dans les années 1980. « J'ai notamment été active au sein du Groupement de vulgarisation agricole (GVA) féminin qui était un lieu d'échanges et d'ouverture très enrichissant, avec des agricultrices et des techniciennes dynamiques. » Ses responsabilités à la Chambre d'agriculture l'ont également conduite à réaliser de nombreux allez-retour à la préfecture à Privas, mais également à Lyon, pour représenter l'Ardèche au niveau régional. « Cet engagement fut une expérience très enrichissante. »

Aujourd'hui retraitée, Roselyne Guige n'a rien perdu de son énergie et garde un oeil attentif et bienveillant sur le travail de son fils Christophe, qui a pris les rênes de l'exploitation familiale.

 

Mylène Coste

« C'est une chance que d'avoir pu transmettre »
Roselyne Guigue dans les vergers de kiwi aujourd'hui cultivés par son fils Christophe.

« C'est une chance que d'avoir pu transmettre »

EXPLOITATION / L'exploitation de Roselyne Guigue n'aurait pu trouver meilleur repreneur que Chrisophe Guigue, son fils.

 

En 1989, tandis que ses trois soeurs aînées ont pris d'autres chemins de vie que celui de l'agriculture, Christophe Guigue s'installe sur l'exploitation aux côtés de ses parents. Son père Raymond prendra sa retraite quelques mois plus tard, tandis que Roselyne continuera de travailler jusqu'en 1998. « C'est une chance que d'avoir pu transmettre l'exploitation au sein de la famille », confie-t-elle. Peu après son installation, Christophe Guigue décide d'arrêter la production de pêches pour ne plus se consacrer qu'aux pommes et aux kiwis.

Depuis 1970, l'Earl Le Bordelet a vécu bien des transformations et des évolutions. Il compte aujourd'hui 47 ha dont une partie protégée par des filets anti-grêle : « C'était un gros investissement humain et financier, et je suis heureuse que mon fils ait pu aller jusqu'au bout, car c'est une réelle assurance récolte », estime Roselyne Guigue.

Autre changement et non des moindres : les vergers de pommiers ont été convertis en bio. « C'était un vrai défi qui prend du temps et nécessite une vraie remise en question », indique Christophe Guigue. Bientôt de même pour les kiwis ? « On verra... », sourit l'intéressé.

Quoi qu'il en soit, Roselyne Guige garde toujours un vif intérêt pour les vergers : « Je m'y promène tous les jours. J'observe, on en discute, mais je me garde bien de donner des conseils, car Christophe est déjà bien aguerri... Et de glisser : Je suis fière de ce qu'il a réalisé. »